Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté en date du 3 novembre 2015 par lequel le préfet de l'Orne a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite, tout en l'assignant à résidence.
Par un jugement n° 1502142 du 10 novembre 2015, le tribunal administratif de Caen a annulé cet arrêté uniquement en ce qu'il assignait M. C...à résidence.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2015, complétée par un mémoire enregistré le 12 janvier 2016, M.C..., représenté par MeA..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 10 novembre 2015 en tant qu'il a rejeté ses conclusions en annulation du refus de titre de séjour, de l'obligation de quitter le territoire et de la fixation du pays de renvoi ;
2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut de procéder à un réexamen de sa situation, dans le même délai et sous la même astreinte ;
3°) de mettre 3 000 euros à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. C...soutient que :
S'agissant du refus de séjour :
- cette décision a été prise par une autorité incompétente et n'est pas suffisamment motivée en fait et en droit ;
- cette décision méconnaît les dispositions des articles L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1998 ;
- cette disposition méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire :
- cette décision n'est pas suffisamment motivée ;
- cette décision est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour, dont il entend exciper ;
- il ne peut pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'il remplit les conditions lui permettant de se voir délivrer une carte de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et se trouve entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de l'obligation de quitter sans délai le territoire :
- cette décision a été prise par une autorité incompétente ;
- cette décision est dépourvue de base légale dès lors qu'il ne présente aucun risque de fuite ;
S'agissant de la fixation du pays de renvoi :
- cette décision a été prise par une autorité incompétente
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2016, le préfet de l'Orne conclut au rejet de la requête.
Le préfet fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par le requérant n'est fondé.
Par ordonnance du 14 septembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 30 septembre à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Mony a été entendu lors de l'audience publique.
1. Considérant que M.C..., ressortissant tunisien, relève appel du jugement en date du 10 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté ses conclusions en annulation dirigées contre les décisions portant refus de séjour, obligation de quitter sans délai le territoire français et fixation du pays de renvoi prises à son encontre par le préfet de l'Orne le 3 novembre 2015 ;
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne la compétence de l'auteur de l'acte :
2. Considérant que si M. C...soutient que tant l'obligation de quitter le territoire, le refus de lui accorder un délai de départ volontaire et la décision fixant le pays de renvoi prises à son encontre le 3 novembre 2015 émanent d'une autorité incompétente, il ressort des pièces du dossier que la signataire de l'arrêté préfectoral regroupant ces décisions, MmeE..., directrice des libertés publiques à la préfecture de l'Orne, bénéficiait d'une délégation régulièrement établie et publiée l'autorisant à signer, au nom du préfet de l'Orne, les arrêtés d'obligation de quitter le territoire français ; qu'une telle délégation l'autorisait nécessairement à prendre les décisions découlant d'une telle obligation, telles que la fixation ou le refus d'un délai de départ volontaire et la fixation du pays de reconduite ;
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
3. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (... ) ; 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) " ;
4. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté du 3 novembre 2015 pris à l'encontre de M. C...que celui-ci, malgré la présence dans son titre d'une mention contraire, laquelle résulte d'une simple erreur matérielle, n'a nullement eu pour objet de refuser la délivrance à l'intéressé d'un titre de séjour que M. C...n'a lui-même, au demeurant, jamais sollicité ; qu'il ressort au contraire des motifs de droit et de fait de l'arrêté que la décision faisant obligation de quitter le territoire prise à l'encontre de M. B...trouve son fondement dans le caractère irrégulier de son séjour en France, conformément au 1° de l'article L. 511-1 précité, et non pas dans le refus de la délivrance ou du renouvellement d'un titre de séjour, cas correspondant au 3° de l'article L. 511-1 mais ne s'appliquant pas, comme il vient d'être dit, à M.C..., qui n'a aucunement sollicité la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour ; que, par suite, les conclusions de M. C...dirigées contre le refus de séjour qui lui aurait été opposé ne peuvent, en l'absence d'une telle décision, qu'être rejetées comme irrecevables ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
5. Considérant, en premier lieu, que la décision faisant obligation de quitter sans délai le territoire français prise à l'encontre de M. C...comporte un énoncé suffisamment précis des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement et se trouve ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, suffisamment motivée ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que l'obligation de quitter le territoire prise à l'encontre de M. C...ne procède pas, comme indiqué au point 4, d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour, mais trouve son unique fondement dans le caractère irrégulier de la présence en France de l'intéressé sans que celui-ci bénéficie d'une autorisation de séjour ; que, dès lors, le moyen tiré de l'invocation, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision qui entacherait une telle décision, inexistante, est inopérant ;
7. Considérant, en troisième lieu, que si M. C...soutient remplir les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une telle circonstance, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, les cas où un étranger ne peut pas faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français étant limitativement énumérés à l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, parmi lesquels ne figure pas l'hypothèse évoquée par M.C... ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
9. Considérant que si M. C...soutient que la décision de l'obliger à quitter sans délai le territoire français porte une atteinte disproportionnée au respect de son droit à mener une vie privée et familiale normale, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision litigieuse emporterait effectivement pour l'intéressé des conséquences d'une particulière gravité quant à sa vie privée et familiale, l'intéressé se bornant à indiquer, sans plus de précisions, avoir noué une relation intime avec " une copine ", dont ni l'antériorité ni le caractère stable et sérieux ne sont établis ;
10. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à ce t effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) " ;
11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...a fait l'objet, le 14 janvier 2014, d'une première obligation de quitter le territoire, à laquelle il ne s'est pas conformé ; qu'il entrait ainsi dans le cas du d) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et pouvait régulièrement, de ce fait, faire l'objet d'une obligation de quitter sans délai le territoire français ; que M. C...ne peut ainsi sérieusement soutenir que le refus d'assortir d'un délai de départ son obligation de quitter le territoire est dépourvu de base légale ;
12. Considérant qu'il ressort des points précédents que c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet de l'Orne a pu faire obligation de quitter sans délai le territoire français à M.C... ;
En ce qui concerne la fixation du pays de renvoi :
13. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacés ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ;
14. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...n'articule au soutien du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées aucun élément précis et circonstancié établissant la réalité des risques auxquels il serait personnellement et à coup sûr exposé en cas de retour en Tunisie et ne peut ainsi utilement s'en prévaloir, en l'absence de risque avéré d'être personnellement, exposé à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen n'a que partiellement annulé l'arrêté du 3 novembre 2015 du préfet de l'Orne, en tant qu'il emportait assignation à résidence à son encontre ; que ses conclusions en injonction et en application des dispositions de l'article L. 761-1 ne peuvent ainsi, par voie de conséquence, qu'être également rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C...et au ministre de l'Intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de l'Orne.
Délibéré après l'audience du 4 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Mony, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 21 novembre 2016.
Le rapporteur,
A. MONYLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT03703