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03/11/2016 | FRANCE | N°16NT00945

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 03 novembre 2016, 16NT00945


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 21 mai 2015 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office.

Par un jugement n° 1507954 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le

17 mars 2016, MmeB..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 21 mai 2015 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office.

Par un jugement n° 1507954 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mars 2016, MmeB..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 décembre 2015 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 21 mai 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, MeC..., de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de son conseil à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ; elle a été prise en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2016, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête en s'en rapportant à ses écritures de première instance.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 février 2016 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bougrine a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeB..., ressortissante marocaine née en 1950, est régulièrement entrée en France le 24 octobre 2012 munie d'un visa de court séjour et s'y est maintenue depuis lors ; qu'elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 21 mai 2015, le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ; que l'intéressée a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté ; que Mme B...relève appel du jugement du 17 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande ;

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ;

3. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;

4. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

5. Considérant que, par un avis rendu le 28 octobre 2014, le médecin de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire a estimé que l'état de santé de Mme B...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut était susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existait pas, dans son pays d'origine, de traitement approprié pour cette prise en charge ; que le préfet de la Loire-Atlantique, qui n'était pas lié par cet avis, a toutefois refusé de délivrer à Mme B...le titre de séjour demandé sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif qu'il n'était pas établi que l'intéressée ne pût bénéficier d'un traitement approprié au Maroc ;

6. Considérant que le préfet de la Loire-Atlantique a produit devant les premiers juges une fiche médicale relative à l'offre de soins au Maroc établie par les services de l'Etat en 2006 dont il ressort que le système de santé marocain permet de soigner l'ensemble des pathologies figurant sur cette fiche ainsi qu'un rapport de l'Organisation internationale pour les migrations de 2014 qui fait état de l'existence au Maroc d'infrastructures médicales dans lesquelles la majorité des soins est possible ; qu'il ne ressort pas de l'avis rendu en 2013 par le Conseil économique, social, culturel et environnemental marocain, qui au demeurant ne concerne que les soins de santé de base, que le Maroc ne disposerait pas des structures médicales et des médicaments permettant de soigner certaines maladies, notamment celles pour lesquelles l'absence ou l'insuffisance d'une prise en charge est susceptible d'entraîner des conséquences exceptionnellement graves ; que le certificat établi le 17 juin 2015 par un médecin généraliste pratiquant sa profession au Maroc selon lequel " les structures actuelles du pays ne permettent pas de prendre en charge [la] pathologie " dont souffre Mme B..., ne suffit pas, à lui-seul et en l'absence de tout autre élément de nature à conforter l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, à tenir pour établie l'absence au Maroc d'un traitement approprié à l'état de santé de la requérante ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

7. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) " ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si deux des filles de la requérante, dont l'une est ressortissante française, ainsi que ses deux petits-enfants résident en France, Mme B... séjournait sur le territoire français, à la date de la décision contestée, depuis seulement deux ans et demi ; qu'elle n'est pas dépourvue de toute attache privée ou familiale au Maroc où elle a vécu jusqu'à l'âge de soixante-deux ans et où résident sa troisième fille et son gendre ; qu'elle n'établit pas, contrairement à ce qu'elle soutient et alors qu'elle verse aux débats des documents personnels les concernant, avoir rompu tout lien avec ces derniers ; que la circonstance que les membres de sa famille résidant au Maroc ne seraient pas en mesure de la prendre financièrement en charge ne fait pas obstacle à l'existence d'une vie familiale et de liens personnels ; qu'en outre, si Mme B... se prévaut d'un certificat médical du 15 juin 2015 selon lequel son état de santé nécessite la présence au quotidien de ses enfants à son domicile, elle ne justifie pas de l'impossibilité de bénéficier de la présence d'un proche au Maroc ; que, dans ces conditions, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'a pas davantage entaché sa décision d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant, en premier lieu, que l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas établie, Mme B...n'est pas fondée à exciper de son illégalité au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

10. Considérant, en second lieu, que pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

11. Considérant que Mme B...se borne à reprendre en appel, sans apporter aucun élément de droit ou de fait nouveau, le moyen invoqué en première instance et tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que MmeB... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par la requérante ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- Mme Bougrine, conseiller.

Lu en audience publique, le 3 novembre 2016.

Le rapporteur,

K. BougrineLe président,

F. Bataille

Le greffier,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT00945


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16NT00945
Date de la décision : 03/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : BOURGEOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-11-03;16nt00945 ?
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