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03/11/2016 | FRANCE | N°16NT00575

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 03 novembre 2016, 16NT00575


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions du 6 octobre 2015 par lesquelles le préfet de la Mayenne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination duquel il est susceptible d'être éloigné.

Par un jugement n° 1509239 du 22 janvier 2016, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à sa demande, a enjoint au préfet de la Mayenne de procéder à u

n nouvel examen de la demande de titre de séjour de M. D...dans le délai de deux mois à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions du 6 octobre 2015 par lesquelles le préfet de la Mayenne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination duquel il est susceptible d'être éloigné.

Par un jugement n° 1509239 du 22 janvier 2016, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à sa demande, a enjoint au préfet de la Mayenne de procéder à un nouvel examen de la demande de titre de séjour de M. D...dans le délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve que Me E...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 février 2016, le préfet de la Mayenne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 janvier 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D...devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- les premiers juges n'ont pas retenu, à tort, son mémoire en défense produit après clôture de l'instruction à la suite d'un dysfonctionnement de ses services ;

- les premiers juges ont entaché d'une erreur de fait leur jugement dès lors que les décisions contestées ont été prises au terme d'une procédure régulière et que le médecin de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire a été consulté dans les conditions prévues par les dispositions légales applicables.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2016, M.D..., représenté par MeE..., demande à la cour de confirmer le jugement attaqué, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, d'ordonner une expertise médicale pour déterminer son état de santé réel, les conséquences de l'absence de soins et l'existence d'un traitement approprié au Cameroun et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet ne démontre pas que le mémoire en défense produit en première instance après clôture de l'instruction a été effectivement rédigé avant la date de clôture de l'instruction et qu'il y a eu un dysfonctionnement interne ayant empêché l'envoi du mémoire ;

- il reprend les moyens développés en première instance.

M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mai 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Chollet.

1. Considérant que M.D..., ressortissant camerounais né le 1er janvier 1994, est entré irrégulièrement en France le 22 juillet 2012 ; que, par arrêté du 6 octobre 2015, le préfet de la Mayenne a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné ; que, par un jugement du 22 janvier 2016, le tribunal administratif de Nantes a annulé ces décisions ; que le préfet relève appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...) Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. " ; qu'aux termes de l'article R. 776-11 du même code, applicable au contentieux des décisions portant obligation de quitter le territoire français, en l'absence de placement en rétention ou d'assignation à résidence : " Le président de la formation de jugement ou le rapporteur qui a reçu délégation à cet effet peut, dès l'enregistrement de la requête, faire usage du pouvoir prévu au premier alinéa de l'article R. 613-1 de fixer la date à laquelle l'instruction sera close (...) " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 613-1 du même code : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. Cette ordonnance n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. (...) " et qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 613-3 : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction. " ; qu'enfin, il est prévu à l'article R. 613-4 de ce code que : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. Cette décision est notifiée dans les mêmes formes que l'ordonnance de clôture. / La réouverture de l'instruction peut également résulter d'un jugement ou d'une mesure d'investigation ordonnant un supplément d'instruction. / Les mémoires qui auraient été produits pendant la période comprise entre la clôture et la réouverture de l'instruction sont communiqués aux parties. " ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un défendeur est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité ; qu'il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que la demande présentée par M. D... à l'encontre des décisions du 6 octobre 2015 du préfet de la Mayenne a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nantes le 6 novembre 2015 ; que, faisant usage des pouvoirs que lui conférait l'article R. 776-11 du code de justice administrative, le président de la 8ème chambre de ce tribunal a, par une ordonnance en date du 10 novembre 2015, d'une part, fixé la clôture de l'instruction au 11 décembre 2015 à 12h00, d'autre part, inscrit l'affaire au rôle de l'audience publique du 8 janvier 2016 ; que le mémoire en défense du préfet de la Mayenne, produit le 4 janvier 2016, après la clôture de l'instruction mais avant l'audience, n'a pas été communiqué au conseil des requérants alors qu'il comportait l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 1er septembre 2015 ainsi que l'arrêté du 9 novembre 2011 nommant M. B...A...comme médecin chargé d'émettre les avis dans le cadre des demandes de titre de séjour pour raisons de santé ; que cette méconnaissance de l'obligation posée par l'article R. 611-1 du code de justice administrative ne saurait, eu égard à la motivation retenue par le juge de première instance, être regardée comme n'ayant pu avoir d'influence sur l'issue du litige ; qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Mayenne est fondé à soutenir que le jugement attaqué est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D...devant le tribunal administratif de Nantes ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, ( ...) " ; qu'aux termes de l'article R 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 pris pour l'application de l'article R. 313-22 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ;- si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. " ;

6. Considérant, en premier lieu, que la régularité de cette procédure implique, pour respecter les prescriptions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les documents soumis à l'appréciation du préfet comportent l'avis du médecin de l'agence régionale de santé et soient établis de manière telle que, lorsqu'il statue sur la demande de titre de séjour, le préfet puisse vérifier que l'avis au regard duquel il se prononce a bien été rendu par le médecin compétent ; qu'en l'espèce, l'avis du 1er septembre 2015, produit par le préfet de la Mayenne, qui n'était tenu par aucune disposition de communiquer préalablement cet avis au requérant, a été signé par M. B...A..., médecin de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire ; que, par une décision du 9 décembre 2011, la directrice générale de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire a habilité M.A..., signataire de l'avis contesté, à exercer ses compétences dans le cadre des dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers du droit d'asile ; que, par suite, M. D...n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Mayenne n'a pas saisi le médecin de l'agence régionale de la santé préalablement à la décision attaquée et que l'auteur de cet avis est incompétent ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;

8. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; que, toutefois, c'est à l'étranger qu'il appartient de décider s'il entend porter son dossier à la connaissance du tribunal ; que s'il refuse, cet élément doit être pris en compte pour apprécier si, compte tenu notamment de l'obligation pour le juge de respecter le caractère contradictoire de la procédure, il est possible et utile d'ordonner une expertise médicale ;

9. Considérant que le requérant soutient qu'il souffre d'épilepsie et que les médicaments Dépakine et Urbanyl ne sont pas disponibles au Cameroun ; que pour refuser la délivrance du titre de séjour demandé par M.D..., le préfet de la Mayenne s'est fondé sur l'avis du 1er septembre 2015 du médecin de l'agence régionale de santé qui a estimé que si le défaut de prise en charge peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé et que l'état de santé de l'intéressé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis ; que la production d'ordonnances médicales des 17 août, 13 et 16 octobre 2015, d'un compte-rendu des urgences de Laval du 16 octobre 2016, d'une liste nationale des médicaments essentiels au Cameroun au demeurant non datée, enfin, pour la première fois en appel, d'un article du quotidien camerounais " Mutations " du 1er juillet 2015 édité par le groupe South media corporation qui indique que " neuf personnes sur dix souffrent sans traitement au Cameroun ", " que le pouvoir d'achat des ménages ne permet pas de suivre le traitement de manière continue " et qu'à ce jour le stock de Dépakine est " périmé et qu'il n'y a aucun espoir quant à un nouvel approvisionnement ", n'est pas de nature à établir de manière circonstanciée que le traitement nécessaire à M. D...ne serait pas disponible au Cameroun ; que, dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale, M. D...n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Mayenne a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (... ) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi " ; qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 9 du présent arrêt, que le moyen tiré de ce que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté ;

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :

12. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 du Parlement européen et du Conseil relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, relatif au " départ volontaire " : " (...) / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux./ (...) " ; qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / (...) " ;

13. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation particulière de l'intéressé ; que si le requérant fait valoir que le préfet aurait dû lui accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours compte tenu de ses prescriptions médicales et de ses crises d'épilepsie récentes et fréquentes, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait adressé au préfet de la Mayenne une demande en ce sens avant que fût prise la décision en litige ; qu'en tout état de cause, le requérant ne fait état dans sa requête d'aucune circonstance particulière de nature à rendre nécessaire la prolongation du délai d'un mois qui lui a été accordé pour partir volontairement ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

14. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

15. Considérant que le requérant soutient qu'un retour dans son pays d'origine l'exposerait à des traitements dégradants et inhumains en raison de son état de santé ; qu'il précise que les conséquences sociales, du fait de superstitions, de l'épilepsie sont plus difficiles à supporter au Cameroun que les crises elles-mêmes ; que, toutefois, s'il produit un article d'un quotidien camerounais du 1er juillet 2015 faisant état de ces croyances, il n'apporte aucun élément probant pouvant justifier la réalité d'un risque personnel et actuel en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'en outre, ainsi qu'il a été dit précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge médicale dans son pays d'origine ; qu'au surplus, sa demande de reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée par une décision du 13 août 2014 de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides dont il n'a pas fait appel auprès de la Cour nationale du droit d'asile ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision attaquée a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté ;

16. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale... " ;

17. Considérant que si le requérant soutient que la décision attaquée porte atteinte à sa vie privée et familiale et que ses chances de trouver un emploi et avoir une vie de famille au Cameroun sont inexistantes à cause des superstitions relatives à sa maladie, il n'est pas contesté qu'il est célibataire et sans charge de famille en France et n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Cameroun où vivent notamment ses parents et ses trois frères et sa soeur ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Mayenne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé les décisions du 6 octobre 2015, lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la demande de titre de séjour de l'intéressé dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à demander le rejet de la demande présentée par M. D...devant ce tribunal et du surplus de ses conclusions d'appel ;

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 :

19. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. D...la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°1509239 du tribunal administratif de Nantes du 22 janvier 2016 est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Nantes et le surplus des conclusions d'appel de M. D...sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C...D....

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Mayenne.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- Mme Chollet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 novembre 2016.

Le rapporteur,

L. CholletLe président,

F. Bataille

Le greffier,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 1600575 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16NT00575
Date de la décision : 03/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : CABINET GOUEDO

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-11-03;16nt00575 ?
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