Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les deux arrêtés du 22 décembre 2015 par lesquels la préfète de la Sarthe, d'une part, a ordonné sa remise aux autorités hongroise et, d'autre part, l'a assignée à résidence pour une durée de quarante cinq jours dans la ville du Mans, et d'enjoindre à la préfète de transmettre sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1600154 du 12 janvier 2016 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes, a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2016, MmeC..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes du 12 janvier 2016 ;
2°) d'annuler les deux arrêtés de la préfète de la Sarthe du 22 décembre 2015 ordonnant respectivement sa réadmission en Hongrie et son assignation à résidence ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Sarthe de transmettre sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ou subsidiairement, de réexaminer sa situation et lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente, dans un délai de quinze jours sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- les arrêtés contestés lui ont été notifiés en langue française et sans interprète en méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
en ce qui concerne la décision ordonnant sa remise aux autorités hongroises :
- la décision a été signée par une autorité incompétente ;
- la décision est entachée d'un défaut de motivation ;
- les dispositions des articles 25 et 29 du règlement UE n°604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;
- la préfète de la Sarthe a méconnu la clause de souveraineté de l'article 53-1 de la constitution de 4 octobre 1958, reprise par l'article 17 du règlement 604/2013 et permettant à la France de donner asile à tout étranger persécuté, sans faire usage de son pouvoir d'appréciation, et a ainsi entaché sa décision d'une erreur de droit ;
- les dispositions de l'article 26 du règlement UE n°604/2013 ont été également méconnues dès lors que la décision contestée ne mentionne pas les informations et délais de mise en oeuvre du transfert ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle, compte tenu des conditions actuelles d'accueil des demandeurs d'asile en Hongrie,
- la décision porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
- cette décision est entachée d'un défaut de motivation ;
- dès lors que l'arrêté contesté reconnaît qu'existe une perspective raisonnable de mise en oeuvre de sa réadmission en Hongrie et qu'elle présente des garanties propres à prévenir le risque qu'elle ne se soustrait à cet éloignement, la décision contestée porte une atteinte injustifiée à sa liberté d'aller et venir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2016, la préfète de la Sarthe conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 17 février 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;
- le règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11décembre 2000 ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
On été entendus au cours de l'audience publique ;
- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public.
1. Considérant que MmeC..., ressortissante congolaise née en 1990 à Brazzaville, est entrée irrégulièrement en France le 3 juillet 2015 et a sollicité l'asile auprès de la préfecture de Maine-et-Loire le 19 octobre 2015 ; que la consultation du fichier européen Eurodac ayant révélé que ses empreintes digitales avaient auparavant été relevées en Hongrie, le préfet de Maine-et-Loire lui a opposé un refus d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet a en outre saisi les autorités hongroises d'une demande de prise en charge sur le fondement des dispositions du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; que le 9 décembre 2015 les autorités hongroises ont expressément accepté de prendre en charge l'intéressée ; que par deux arrêtés du 22 décembre 2015, la préfète de la Sarthe, d'une part, a ordonné la remise de Mme C...aux autorités hongroises et, d'autre part, l'a assignée à résidence dans la ville de Le Mans pour une durée maximale de 45 jours ; que Mme C...relève appel du jugement du 12 janvier 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés du 22 décembre 2015 ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision de réadmission en Hongrie :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) " ;
3. Considérant que Mme C...ne peut pas utilement se prévaloir des stipulations précitées du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui ne sont pas applicables aux mesures de police administrative ; que la circonstance que la notification des décisions contestées lui a été faite en langue française et sans le secours d'un interprète, n'a pu, en tout état de cause, que rester sans incidence sur la légalité de ces décisions, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a mentionné, lors de son entretien en préfecture, comprendre le français ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que les moyens tirés de l'incompétence du signataire, du défaut de motivation et de la méconnaissance des dispositions de l'article 29 du règlement UE du 26 juin 2013, que Mme C...reprend en appel sans plus de précisions ou de justifications, doivent être écartés par admission des motifs retenus à bon droit par le juge de première instance ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait abstenu d'examiner la possibilité de mettre en oeuvre la clause de souveraineté prévue à l'article 17 du règlement UE n°604/2013 du 26 juin 2013 et se serait estimé en situation de compétence liée pour prononcer la réadmission de Mme C...; que cette dernière se borne, en tout état de cause, à alléguer de manière générale les difficultés actuelles de mise en oeuvre de la procédure d'asile en Hongrie sans apporter les précisions et justifications nécessaires pour établir qu'elle serait personnellement exposée à des risques en cas de traitement de sa demande d'asile dans ce pays ; que l'administration ne peut ainsi être regardée comme ayant porté aux droits de l'intéressée une atteinte de nature à l'exposer à des risques en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale (...) / 2. La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise oeuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'État membre responsable (...) / 3. Lorsque la personne concernée n'est pas assistée ou représentée par un conseil juridique ou un autre conseiller, les États membres l'informent des principaux éléments de la décision, ce qui comprend toujours des informations sur les voies de recours disponibles et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours, dans une langue que la personne concernée comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend " ;
7. Considérant que l'arrêté contesté du 22 décembre 2015 mentionne précisément le délai dans lequel doit intervenir le transfert ; que la requérante, qui n'a pas manifesté son intention de se rendre en Hongrie par ses propres moyens avant l'expiration de ce délai, ne peut utilement invoquer la circonstance qu'elle n'aurait pas été informée des lieux et date auxquels elle devrait se présenter dans une telle hypothèse ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que Mme C...n'aurait pas été informée des délais applicables à la mise en oeuvre de son transfert vers la Pologne en méconnaissance de l'article 26 précité du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté ;
8. Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'alors que l'intéressée se déclare célibataire et que son enfant, né le 16 décembre 2012, réside au Congo, les moyens tirés de ce que la décision contestée aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle, ne peuvent qu'être écartés ;
En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
9. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...)" ;
10. Considérant qu'en l'espèce, ainsi que le soutient elle-même la requérante, son éloignement était susceptible d'intervenir dans une perspective raisonnable et elle présentait des garanties propres à prévenir le risque qu'elle se soustraie à cette mesure ; que, dans ces conditions, l'arrêté contesté, qui constitue une mesure alternative au placement en rétention, n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui précisent l'un des cas dans lesquels la liberté d'aller et venir d'une personne peut être restreinte par une mesure d'assignation à résidence ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 22 décembre 2015 par lesquels la préfète de la Sarthe a décidé de la remettre aux autorités hongroises et de l'assigner à résidence pendant une durée de 45 jours dans l'attente de l'exécution de cette mesure ; que doivent être rejetées par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information à la préfète de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président assesseur,
- et Mme Rimeu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 novembre 2016.
Le rapporteur,
C. LOIRATLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
V. DESBOUILLONS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°16NT00311 5
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