Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 4 octobre 2012 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours, dirigé contre la décision du consul général de France à Bamako du 9 août 2012 refusant la délivrance d'un visa de long séjour à Mahamadou et SékouA..., qu'il présente comme ses fils.
Par un jugement n° 1211459 du 12 février 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 avril 2015, 13 mai et 6 octobre 2015, M.A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 février 2015 ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 4 octobre 2012 ;
3°) d'enjoindre au ministre de délivrer les visas de long séjour sollicités ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 4 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, et à titre subsidiaire de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 300 euros au titre des mêmes dispositions.
Il soutient que :
- sur la régularité du jugement attaqué, les droits de la défense ont été bafoués et le principe du contradictoire n'a pas été respecté, dans la mesure où le tribunal a retenu les griefs tenant à des actes d'état civil qui n'ont pas été produits par le ministre de l'intérieur et au visa d'une note en délibéré qui n'a pas été communiquée au demandeur ;
- sur le bien-fondé du jugement attaqué :
. les décisions de refus de visa sont entachées d'une insuffisance quant à leur motivation,
. les approximations relevées quant aux actes produits ne sont pas de nature à leur enlever valeur probante, notamment en raison de la désorganisation des services de l'état-civil au Mali ;
. il peut se prévaloir de la possession d'état ;
. la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit à la vie familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
. elle est entachée d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard notamment des dispositions de l'article 8 CEDH.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A...n'est fondé.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 juin 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Francfort, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.A..., ressortissant malien né le 18 février 1973, est entré en France le 25 septembre 1997 ; que, le 13 février 2002, son épouse l'a rejoint en France, où ils vivent avec leurs trois plus jeunes enfants nés en France ; que le 5 février 2011 le préfet de l'Essonne a accordé le regroupement familial en faveur de Mahamadou et SékouA..., les fils aînés allégués du requérant ; que, le 4 juillet 2011, ces derniers ont présenté des demandes de visas de long séjour auprès du consul de France à Bamako ; que le consul a refusé les demandes de visas le 9 août 2012 ; que, le 4 octobre 2012, la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé ce refus ; que M. A...relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 février 2015 rejetant sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 4 octobre 2012 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que M. A...fait valoir que les premiers juges ont statué sans lui avoir communiqué la note en délibéré produite par le ministre de l'intérieur le 23 janvier 2015 ;
3. Considérant, d'une part, que cette note en délibéré ne contenait l'exposé ni d'une circonstance de fait dont l'administration n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que les premiers juges ne pouvaient ignorer sans fonder leur décision sur des faits matériellement inexacts, ni d'une circonstance de droit nouvelle ou que le tribunal devait relever d'office ;
4. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des motifs retenus par le tribunal administratif que les premiers juges se sont fondés sur les seuls éléments qui avaient été portés à leur connaissance et débattus par les parties avant la clôture de l'instruction ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen selon lequel le tribunal administratif aurait porté atteinte au caractère contradictoire de la procédure en s'abstenant de communiquer la note en délibéré produite le 23 janvier 2015 par le ministre de l'intérieur devant le tribunal ne peut qu'être écarté ;
Sur les conclusions à fins d'annulation :
6. Considérant, en premier lieu, que lorsque la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour un motif d'ordre public ; que figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère authentique des actes d'état-civil produits ;
7. Considérant qu'il résulte de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ; que si cet article prévoit que les actes d'état civil faits en pays étranger et selon les formes usitées dans ce pays font foi, il n'en va toutefois pas ainsi lorsque d'autres actes ou pièces, des données extérieures ou des éléments tirés de ces actes eux-mêmes établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que ces actes sont irréguliers, falsifiés ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ;
8. Considérant, d'une part, qu'en ce qui concerne l'enfant Mahamadou né le 18 avril 1997, la " copie d'extrait d'acte de naissance " ainsi que la " copie intégrale d'acte de naissance " versées au dossier contentieux, qui résulteraient d'un jugement supplétif du 12 janvier 2009, ont été délivrées respectivement le jour même et le lendemain de ce jugement, alors que le délai d'appel contre un tel jugement supplétif n'était pas écoulé, et que ces copies portent deux références distinctes, alors pourtant qu'elles ont nécessairement été établies d'après un unique jugement ;
9. Considérant, d'autre part, s'agissant de l'enfant Sékou, que les actes d'état-civil produits par M. A...portent la mention du 8 août 1997 comme date de naissance, alors que la copie littérale de l'acte de naissance déposée à l'appui de la demande de visa mentionnait une naissance le 8 juillet 1997 ; qu'au surplus, alors que la copie intégrale de l'acte le concernant, produit au contentieux, mentionne que ses parents étaient mariés lors de sa naissance, il résulte de la copie littérale de l'acte de mariage entre M. et Mme A...que cette union n'est intervenue que postérieurement, soit le 30 avril 1998 ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les documents produits relativement à l'état-civil de Sékou et Mahamadou A...sont entachés de plusieurs graves anomalies qui excèdent nécessairement ce qui pourrait résulter d'une tenue approximative des registres d'état-civil au Mali ; qu'ils sont ainsi de nature à ôter à ces justificatifs toute valeur probante relativement à l'établissement du lien de filiation entre les demandeurs des visas et M. C...A... ;
11. Considérant, en deuxième lieu, que M.A..., qui entend se prévaloir de la possession d'état pour établir le lien de filiation qu'il invoque, n'ajoute en cause d'appel aucune argumentation ou justification nouvelle venant conforter ses allégations par rapport à ses écrits de première instance ; que le tribunal administratif ayant suffisamment et justement répondu à cette argumentation, il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;
12. Considérant, enfin, que dès lors que le lien de filiation entre M. C...A...et Mahamadou et Sékou A...n'est pas établi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fins d'injonction :
14. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M.A..., n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, présentées par le requérant ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement d'une somme à ce titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 14 octobre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 novembre 2016.
Le rapporteur,
J. FRANCFORT
Le président,
H. LENOIR
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT01182