Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 30 avril 2015 et 23 mai 2016, la société par actions simplifiée Sympadis, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler la décision du 25 février 2015 par laquelle la commission nationale d'aménagement commercial a refusé d'autoriser son projet de création d'un supermarché Super U sur la commune de Saint-Pavace ;
2°) d'enjoindre à la commission nationale d'aménagement commercial de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée, qui se réfère aux mêmes motifs que ceux invoqués dans la décision du 17 janvier 2013, méconnaît l'autorité de la chose jugée qui s'attache à la décision du Conseil d'Etat du 16 juillet 2014 qui a annulé cette décision ;
- c'est à tort que la commission a estimé que le projet risquait d'aggraver l'effet vitrine depuis la RD 313 dès lors que le projet se situe entre deux pôles commerciaux structurants dont il est séparé par des espaces non bâtis ;
- le projet litigieux ne génèrera aucune véritable extension de l'urbanisation mais aura seulement pour effet de combler une " dent creuse " dans une zone à vocation urbaine ;
- lorsque le Conseil d'Etat a statué sur la décision du 17 janvier 2013 il avait connaissance du projet de la société Truffaut et n'a pas estimé que l'imperméabilisation des sols était trop importante ; si elle avait modifié son projet pour proposer des aménagements concertés avec cet établissement elle aurait dû solliciter une nouvelle autorisation auprès de la commission nationale d'aménagement commercial ;
- l'insuffisance des transports collectifs, qui a peu d'impact sur les achats groupés qui nécessitent en général l'utilisation d'un véhicule individuel, ne saurait être prise en considération pour s'opposer à l'implantation d'un équipement commercial ; la proximité d'un arrêt de bus et la fréquence de ceux-ci sont suffisantes pour permettre l'accès au centre commercial d'autant qu'il est également desservi par des liaisons réservées aux piétons et aux vélos.
Un mémoire de production de pièces a été présenté le 23 juillet 2015 par la commission nationale d'aménagement commercial.
Par des mémoires, enregistrés les 1er avril 2016 et 15 juillet 2016, la société de distribution Sarthoise et la société Couldis, représentés par Mes Guillini etC..., concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros chacune soit mise à la charge de la société Sympadis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que les moyens soulevés par la société Sympadis ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- code de commerce ;
- code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- les conclusions de Mme Piltant, rapporteur public.
- les observations de MeB..., substituant MeA..., représentant la société Symetpadis ;
- et les observations de MeC..., représentant la société Distribution Sarthoise et la société Couldis.
1. Considérant que le 4 février 2011, la société Sympadis a déposé à la préfecture de la Sarthe une demande d'autorisation d'aménagement d'un ensemble commercial sur un terrain situé à Saint-Pavace à proximité de la rocade nord-est de la ville du Mans (RD 313) ; que cette demande, qui portait sur la création d'un supermarché à l'enseigne " Super U " d'une surface de vente de 3 500 m², d'un local " CoursesU.com " de 20 m² et d'une galerie marchande de 595 m² a été examinée par la commission départementale d'aménagement commercial qui, lors de sa séance du 25 mars 2011, a accordé l'autorisation sollicitée ; que le 12 mai 2011, la société de distribution Sarthoise et la société Molière, qui exploitent des équipements commerciaux à dominante alimentaire sous l'enseigne " Intermarché " sur la commune du Mans ainsi que la société Couldis, qui exploite un supermarché à l'enseigne " Carrefour Market " sur la commune de Coulaines, ont contesté cette décision devant la commission nationale d'aménagement commercial ; que cette commission n'ayant pas statué dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine, la société Sympadis s'est trouvée bénéficiaire d'une autorisation implicite d'aménagement commercial ; que le 10 novembre 2011, la société de distribution Sarthoise, la société Molière et la société Couldis ont saisi le Conseil d'Etat d'une demande tendant à l'annulation de cette décision laquelle a été prononcée par une ordonnance du 16 août 2012 pour un vice de procédure ; que la société Sympadis a saisi la commission nationale d'aménagement commercial pour qu'elle réexamine son projet ; que le 17 janvier 2013, cette commission a refusé l'autorisation sollicitée ; que le 8 avril 2013, la société Sympadis a déféré cette décision au Conseil d'Etat qui, le 16 juillet 2014, l'a annulée au motif notamment que la commission ne pouvait se fonder, compte tenu de l'indépendance des législations, sur les dispositions de l'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme ; que la société Sympadis a déposé un dossier réactualisé auprès de la commission nationale d'aménagement commercial, qui dans sa séance du 25 février 2015, a une nouvelle fois refusé l'autorisation sollicitée ; que par une requête enregistrée le 30 avril 2015, la société Sympadis sollicite l'annulation de cette décision ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que la commission nationale d'aménagement commercial s'est fondée le 25 février 2015, pour refuser l'autorisation sollicitée par la société Sympadis, sur une législation différente de celle sous l'empire de laquelle le Conseil d'Etat avait, par son arrêt du 16 juillet 2014, annulé le précédent refus opposé le 17 janvier 2013 par la commission nationale ; que par ailleurs, la décision contestée prend en compte le projet d'installation de la jardinerie " Truffaut " situé sur la même emprise foncière auquel ne se référait pas la précédente décision ; que dès lors, le moyen tiré de ce que la commission n'aurait pas respecté l'autorité de chose jugée par la décision du Conseil d'Etat du 16 juillet 2014 ne peut qu'être écarté ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce dans sa rédaction alors en vigueur : " I.-L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au dernier alinéa de l'article L. 123-1-4 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés aux 2° et 5° de l'article L. 752-1 ; 3° En matière de protection des consommateurs : a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. II.-A titre accessoire, la commission peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale. " ;
4. Considérant que si, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat dans sa décision du 16 juillet 2014, le projet litigieux est situé dans le tissu aggloméré de la RD 313, à proximité d'une zone d'habitation et d'équipements publics, et que son terrain d'assiette ne présente pas de caractéristique naturelle remarquable et s'il n'est pas contesté par ailleurs que le projet est compatible avec le schéma de cohérence territoriale et est conforme au plan local d'urbanisme, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il existe deux pôles commerciaux situés à 1,5 km et 3 km le long de la rocade nord-est de la ville du Mans et que le projet renforce l'offre commerciale déjà importante dans cette partie de l'agglomération au détriment du centre-ville et du sud de l'agglomération ; qu'il n'est pas établi que la création de ce projet commercial serait justifiée par une augmentation de la population environnante, le ministre chargé du commerce reconnaissant dans son avis du 19 février 2015 que la population de la zone de chalandise du projet n'avait que légèrement augmenté entre 1999 et 2012 alors que celle de Coulaines avait diminué et que celle de Saint-Pavace avait stagné ; qu'il n'est pas contesté que l'entrée du centre commercial se fera à l'opposé du lotissement de la zone pavillonnaire de Coulaines sans qu'un cheminement piétonnier ne soit prévu pour ses habitants ; qu'en outre, en dépit du fait que le bâtiment sera implanté selon la société en fond de parcelle et qu'un écran d'arbres sera aménagé en limite de celle-ci, le ministre chargé de l'urbanisme et de l'environnement, qui a émis un avis défavorable au projet le 24 février 2015, soulignait que " le projet s'implantait sur un site propice aux vues lointaines " induisant un " effet vitrine " depuis la RD 313 ainsi que l'a indiqué la commission nationale d'aménagement commercial ; que si le Conseil d'Etat a jugé le 17 janvier 2013, que la desserte par une seule ligne de transports en commun n'était pas à elle seule de nature à compromettre l'objectif de développement durable eu égard à " l'importance moyenne du projet ", la décision du 25 février 2015 souligne la proximité immédiate du projet de la jardinerie " Truffaut " dont l'installation est conditionnée par celle du supermarché, donnant de ce fait au projet de la société Sympadis une toute autre ampleur, difficilement compatible avec la faible fréquence de la seule ligne de bus desservant le site ; que, par suite, et alors même que la société requérante a prévu certains équipements destinés à réduire l'imperméabilisation des sols engendrés par son projet, la commission nationale d'aménagement commercial n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 752-6 du code de commerce en refusant de lui accorder l'autorisation sollicitée ; que dès lors, la société Sympadis n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée du 25 février 2015 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de la société Sympadis, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que par suite, les conclusions de la société requérante tendant à ce qu'il soit enjoint, à la commission nationale d'aménagement commercial de réexaminer sa demande doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la société Sympadis de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Sympadis le versement à la société de distribution Sarthoise et à la société Couldis d'une somme de 1 000 euros chacune au titre des mêmes frais ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Sympadis est rejetée.
Article 2 : La société Sympadis versa respectivement à la société de distribution Sarthoise et à la société Couldis une somme de 1000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sympadis, à la société de distribution Sarthoise, à la société Couldis, à la société Molière et à la commission nationale d'aménagement commercial.
Délibéré après l'audience du 11 octobre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Millet, président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 octobre 2016.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre du logement et de l'habitat durable en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°15NT01366