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13/10/2016 | FRANCE | N°16NT00381

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 13 octobre 2016, 16NT00381


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 12 juin 2015 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé comme pays de renvoi son pays d'origine ou tout autre pays à destination duquel elle établit être admissible.

Par un jugement n° 1506948 du 23 octobre 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.r>
Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en production de pièces, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 12 juin 2015 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé comme pays de renvoi son pays d'origine ou tout autre pays à destination duquel elle établit être admissible.

Par un jugement n° 1506948 du 23 octobre 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en production de pièces, enregistrés le 4 février et le 24 juin 2016, MmeD..., représentée par Me Leudet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 octobre 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 12 juin 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le même délai et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, MeC..., de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de ce conseil à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- elle entre dans les prévisions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; pour estimer qu'elle n'entrait pas dans ces prévisions, les premiers juges ont commis une erreur de fait en se fondant sur l'offre de soins en Russie, alors qu'elle est ressortissante arménienne ; en lui refusant le séjour, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée ; la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale compte tenu de l'illégalité de la décision relative au séjour ; le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu ; dès lors, notamment, qu'elle n'est légalement admissible dans aucun pays autre que l'Arménie et que son époux est russe, l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation ; le préfet a omis de s'assurer qu'eu égard à son état de santé, elle pouvait voyager sans risque vers l'Arménie ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale compte tenu de l'illégalité des autres décisions litigieuses ; elle viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2016, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête en s'en rapportant à ses écritures et pièces produites en première instance.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 janvier 2016.

II°) Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de l'arrêté du 12 juin 2015 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé comme pays de renvoi son pays d'origine ou tout autre pays à destination duquel il établit être admissible.

Par un jugement n° 1506949 du 23 octobre 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 4 février et le 24 juin 2016, M.D..., représenté par Me Leudet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 octobre 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 12 juin 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le même délai et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, MeC..., de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de ce conseil à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- il entre dans les prévisions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en effet, il souffre d'une grave pathologie psychiatrique imposant la prise d'un nombre important de médicaments, lesquels doivent être pris sous la surveillance d'un psychiatre et ne sont pas suffisamment disponibles en Russie, où la contrefaçon de médicaments est très répandue ; la prise de l'un de ces médicaments ne peut être arrêtée brutalement et exige impérativement un suivi régulier par un psychiatre ; en lui refusant le séjour, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ; la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée dès lors qu'il n'est fait état ni de la gravité de sa pathologie ni des raisons qui ont conduit le préfet à s'écarter de l'appréciation du médecin de l'agence régionale de santé ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale compte tenu de l'illégalité de la décision relative au séjour ; elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; dès lors, notamment, qu'il n'est légalement admissible dans aucun pays autre que la Russie et que son épouse est arménienne, l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; cette décision est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation ; le préfet a omis de s'assurer qu'eu égard à son état de santé, il pouvait voyager sans risque vers la Russie ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale compte tenu de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ; elle viole les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2016, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête en s'en rapportant à ses écritures et pièces produites en première instance.

Il fait, en outre, valoir que la substance active du médicament dont le requérant allègue qu'il n'est pas disponible en Russie est bien commercialisée dans ce pays.

M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 janvier 2016.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 décembre 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bougrine a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que les requêtes n° 16NT00381 et n° 16NT00382, présentées respectivement par Mme D...et M.D..., présentent à juger des questions similaires et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que MmeD..., ressortissante arménienne née le 12 mai 1984 à Erevan, et M.D..., ressortissant russe né le 24 juillet 1971 dans la cité urbaine d'Aragats, ont chacun sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par deux arrêtés du 12 juin 2015, le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté leurs demandes de titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ; que Mme et M. D... relèvent appel des jugements du 23 octobre 2015 par lesquels le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

3. Considérant que les requérants, qui déclarent être entrés sur le territoire français le 17 décembre 2012, s'y sont maintenus depuis lors avec leurs trois enfants nés en 2006 et 2009 ; que ces derniers ont suivi toute leur scolarité en France sans accuser de retard ; qu'à la date de la décision attaquée, l'aîné achevait sa deuxième année de cours élémentaire et ses deux frères étaient inscrits, pour la rentrée scolaire à venir, en cours préparatoire ; que M. D...produit, pour la première fois en appel, un certificat établi le 2 novembre 2015 par un médecin psychiatre, dont il ressort que le requérant souffre de sévères troubles neuropsychiatriques qui nécessitent un traitement médicamenteux lourd et dont l'arrêt soudain est susceptible d'emporter de graves conséquences sur son état psychique ; que l'administration de ce traitement exige un suivi médical régulier ; que M. D...s'est engagé dans un suivi psychothérapeutique depuis le 11 décembre 2014 ; qu'en outre, le requérant, dont il est établi que la mère est décédée, soutient sans être contredit n'avoir conservé aucun lien avec son père ; que la mère, la grand-mère et la tante de son épouse séjournent régulièrement en France ; que la mère de la requérante est veuve, n'a pas d'autre enfant et présente un état de santé précaire ; que, compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, en refusant de délivrer un titre de séjour aux requérants, le préfet de la Loire-Atlantique a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle des intéressés ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes, que Mme et M. D...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des deux arrêtés du 12 juin 2015 du préfet de la Loire-Atlantique leur refusant la délivrance d'un titre de séjour, les obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

5. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde et sous réserve d'un changement dans la situation de droit ou de fait des intéressés, que l'autorité administrative délivre à chacun des requérants un titre de séjour ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de leur délivrer une carte de séjour temporaire, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction des astreintes demandées ;

Sur les conclusions aux fins d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. Considérant que Mme et M. D... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, leur avocate, Me Leudet, peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Leudet renonce à percevoir les sommes correspondant aux parts contributives de l'Etat, de mettre à la charge de celui-ci le versement à ce conseil d'une somme de 1 500 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les jugements n° 1506948 et n° 1506949 du tribunal administratif de Nantes du 23 octobre 2015 sont annulés.

Article 2 : Les arrêtés du préfet de la Loire-Atlantique du 12 juin 2015 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de délivrer une carte de séjour temporaire, d'une part, à Mme D...et, d'autre part, à M. D...dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à Me Leudetla somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Leudet renonce à percevoir les sommes correspondant aux parts contributives de l'État.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E...épouseD..., M. B... D...et au ministre de l'intérieur.

Une copie sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- Mme Bougrine, conseiller.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2016.

Le rapporteur

K. BougrineLe président,

F. Bataille

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Nos 16NT00381,16NT00382


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16NT00381
Date de la décision : 13/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : LEUDET

Origine de la décision
Date de l'import : 28/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-10-13;16nt00381 ?
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