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13/10/2016 | FRANCE | N°14NT03245

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 13 octobre 2016, 14NT03245


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Noor a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 2008 et 30 juin 2009 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 20 juillet 2007 au 30 juin 2009.

Par un jugement n° 1211673 du 23 octobre 2014, le tribunal admi

nistratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Noor a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 2008 et 30 juin 2009 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 20 juillet 2007 au 30 juin 2009.

Par un jugement n° 1211673 du 23 octobre 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire récapitulatif enregistrés les 17 décembre 2014 et 3 août 2015, l'EURL Noor, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 octobre 2014 ;

2°) de prononcer la décharge des suppléments d'imposition contestés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros au titre des frais exposés en première instance et en appel, par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et de la somme de 35 euros au titre de la contribution pour l'aide juridique acquittée en première instance.

Elle soutient que :

- l'irrégularité de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, qui résulte de l'absence d'examen par la commission de l'ensemble des éléments qui lui ont été soumis et du défaut de précisions sur les conséquences financières de cet avis, fait obstacle au renversement de la charge de la preuve à son détriment ;

- cet avis méconnaît l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en se bornant à inviter l'administration à mieux appréhender les quantités offertes aux clients de l'entreprise, la commission n'a pas émis d'avis ;

- le service n'a pas suivi l'avis de la commission pour les deux années en litige ;

- c'est à tort que les premiers juges ont fait peser sur elle la charge de la preuve de l'établissement des impositions conformément à l'avis de la commission ;

- l'administration n'établit pas le bien-fondé de la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires qu'elle a mise en oeuvre ; cette méthode est approximative et les résultats obtenus ne sont pas vraisemblables ;

- cette méthode n'a pas été confortée par la mise en oeuvre d'une seconde méthode de reconstitution du chiffre d'affaires ainsi que le prévoit la documentation de base 4 G-3342 n° 4 ;

- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires qu'elle propose est plus appropriée ;

- elle justifie du paiement par son gérant d'une facture d'un montant de 3 206 euros ;

- à titre subsidiaire, l'absence de paiement a pour seule conséquence une erreur de comptabilisation sans incidence sur le plan fiscal ;

- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires employée par l'administration reposant sur des calculs théoriques, la volonté délibérée d'éluder l'impôt n'est pas établie ;

- le tribunal ne s'est pas prononcé sur sa demande de correction de la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires mise en oeuvre par le service.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Aubert,

- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

1. Considérant que l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Noor, qui exploite le restaurant pakistanais " Le Shalimar " à Nantes, relève appel du jugement du 23 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 2008 et 30 juin 2009 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er juillet 2007 au 30 juin 2009 ; que ces suppléments d'imposition résultent, d'une part, de la reconstitution du chiffre d'affaires réalisé, le vérificateur ayant écarté la comptabilité de l'entreprise comme non probante et, d'autre part, de la réintégration dans le résultat de l'exercice clos le 30 juin 2008 de la somme de 3 206 euros inscrite au crédit du compte courant de son gérant et unique associé ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que, contrairement à ce que soutient l'entreprise requérante, les premiers juges ont examiné la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires qu'elle propose de substituer à celle mise en oeuvre par le vérificateur ; qu'il suit de là que le jugement attaqué n'est pas entaché d'insuffisance de motivation ;

Sur la charge de la preuve :

3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 59 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le désaccord persiste sur les redressements notifiés, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis (...) de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 60-3 du même livre : " L'avis (...) de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires doit être motivé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 192 du même livre : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge " ; qu'il résulte de ces dispositions que les rappels d'impôt que l'administration envisage de mettre à la charge d'un contribuable ne peuvent être regardés comme établis conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qu'à la condition que la commission ait expressément entériné les bases d'imposition notifiées par le service ;

4. Considérant que, dans le cadre de la vérification de comptabilité dont l'EURL Noor a fait l'objet, le vérificateur a constaté, d'une part, que, pour les recettes, l'entreprise n'a été en mesure de présenter aucun justificatif détaillé de recettes journalières tels que, notamment, les tickets individuels par client ou le double des prises de commande, mais seulement les tickets récapitulatifs mensuels de recettes des seuls mois de janvier, février, mai et juin 2009, d'autre part, que les recettes n'étaient pas comptabilisées dans le grand livre à partir de tickets de fin de journée ou de fin de mois édités à partir de la caisse enregistreuse du restaurant mais à partir de leur encaissement sur les comptes bancaires de l'entreprise ou, pour les paiements en espèces, d'un cahier tenu au jour le jour par le gérant et, enfin, que la comparaison des recettes inscrites sur le grand livre avec celles figurant sur les quatre tickets récapitulatifs mensuels de recettes faisait systématiquement apparaître des discordances ; que l'ensemble de ces constatations l'a conduit à écarter la comptabilité comme présentant des irrégularités graves et répétées ; que l'EURL Noor ne conteste pas le rejet de sa comptabilité ;

5. Considérant que, par son avis du 28 novembre 2011, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires de Loire-Atlantique, après avoir retenu le caractère non probant de la comptabilité de l'EURL Noor et validé dans son principe la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires mise en oeuvre par le vérificateur, a invité l'administration " à mieux appréhender la valorisation des quantités offertes par la société alors que celle-ci était dans les premières années de son activité " ; que l'administration a pris en compte cet avis en portant de 5 à 10 % le taux des boissons offertes au cours du premier exercice de l'entreprise, clos le 30 juin 2008, mais n'a pas modifié le taux retenu au titre du second exercice vérifié, clos le 30 juin 2009 ; qu'en ne chiffrant pas les pourcentages qu'elle souhaitait voir appliqués aux boissons offertes à la place de ceux retenus par le service alors qu'elle n'a pas entendu entériner les bases d'imposition notifiées à l'EURL Noor, la commission a entaché d'irrégularité son avis portant sur le chef de redressement résultant de la reconstitution du chiffre d'affaires de l'entreprise ; qu'il suit de là, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués à l'encontre de l'avis, que la charge de la preuve du bien-fondé de ce chef de redressement incombe à l'administration ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a reconstitué le chiffre d'affaires de l'entreprise selon la méthode dite des liquides, en se fondant sur les achats et les stocks de boissons, lesquels résultent des pièces qui lui ont été présentées, et sur les quatre tickets récapitulatifs mensuels de recettes des mois de janvier, février, mai et juin 2009 ; qu'il a calculé la quantité de boissons vendues, après les avoir classées en sept catégories, en tenant compte des boissons offertes à la clientèle et de celles prélevées par le gérant et le personnel de l'établissement ; qu'il en a ensuite fixé le prix en se référant aux tarifs présentés lors du contrôle et en tenant compte de l'inclusion d'un café dans les deux menus adultes et d'une boisson non alcoolisée dans le menu enfant ; qu'ayant ainsi déterminé le chiffre d'affaires portant sur les boissons, il a calculé le coefficient que ce chiffre d'affaires a représenté en le rapportant au chiffre d'affaires total tel qu'il résultait des quatre tickets récapitulatifs ; que le chiffre d'affaires ainsi obtenu s'est élevé à 458 329 euros pour le premier exercice, clos le 30 juin 2008, et à 668 647 euros pour le deuxième exercice, clos le 30 juin 2009, soit des omissions de recettes s'élevant respectivement à 128 639 euros hors taxe et à 114 491 euros hors taxe ;

S'agissant de la méthode de reconstitution mise en oeuvre par le vérificateur :

7. Considérant que la circonstance que, s'agissant d'un restaurant et non d'un bar, le chiffre d'affaires résultant de la vente des boissons retenu par le vérificateur n'a représenté que 19,58 % du chiffre d'affaires total ne faisait pas obstacle à la reconstitution du chiffre d'affaires selon la méthode dite des liquides ; qu'en outre, le vérificateur n'était pas tenu de recourir complémentairement à une autre méthode de reconstitution ;

8. Considérant que l'EURL Noor soutient que la reconstitution de son chiffre d'affaires à partir des boissons facturées aux clients est approximative en raison du nombre important d'estimations auxquelles le vérificateur a procédé, de la variété des plats proposés et de l'évolution de la structure de la consommation des boissons au cours de l'année ;

9. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction et, notamment de la proposition de rectification, que le vérificateur a évalué la quantité de cafés et de boissons non alcoolisées facturés en se fondant sur les quatre tickets récapitulatifs mensuels de recettes qui lui ont été remis, sur les achats et sur les inventaires détaillés des stocks ainsi que sur la carte des vins et sur les menus présentés aux clients ; qu'il en résulte également que le gérant de l'entreprise a, au cours du contrôle, précisé la composition des cocktails et des apéritifs, la contenance d'un verre de vin et son prix, le choix du client pour le café dans 90 % des cas pour les menus plat et dessert/ou café ainsi que la nature des boissons consommées par les salariés ; que ces constatations effectuées au sein de l'entreprise sont décrites dans trois constats établis les 18 février, 17 mars et 20 mai 2010, produits en première instance, les deux derniers constats ayant été signés par le gérant ; que si l'entreprise requérante fait valoir que son gérant ne les aurait pas signés s'il avait été assisté d'un conseil, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle n'a pas été informée, dans l'avis de vérification de comptabilité, de la possibilité de bénéficier d'une telle assistance ; que, d'autre part, le ministre justifie de l'absence de pondération de la consommation des boissons en fonction de différentes périodes de l'année en faisant valoir, sans être contredit, que l'établissement connaît des périodes de forte fréquentation en automne et en hiver et de moindre fréquentation en été ; qu'enfin, il précise que le vérificateur n'a constaté aucune évolution des plats et des menus proposés ni des jours et horaires d'ouverture au cours de la période vérifiée ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires mise en oeuvre est fondée sur des éléments propres à l'entreprise et tient compte de ses conditions d'exploitation dans toute la mesure où elles ont pu être connues du service ;

10. Considérant que l'EURL Noor soutient également que le vérificateur ne pouvait pas évaluer le chiffre d'affaires réalisé au cours des deux exercices par extrapolation, à partir des quatre tickets récapitulatifs mensuels de recettes qui lui ont été remis alors qu'il en avait contesté l'exactitude en relevant le faible taux des paiements en espèces y figurant, de l'ordre de 2,45 à 3,8 % seulement ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que la proportion des boissons facturées varie selon le mode de paiement utilisé par les clients alors que les tickets ont exclusivement servi à établir cette proportion, les quantités de boissons vendues ayant été par ailleurs évaluées à partir des achats et des stocks ;

11. Considérant que, ainsi qu'il est dit au point 9 du présent arrêt, le chiffre d'affaires a été reconstitué à partir de constatations faites par le vérificateur dans l'entreprise et des déclarations du gérant ; qu'il suit de là que la requérante n'est pas fondée à se prévaloir de statistiques professionnelles faisant état, pour les restaurants proposant des spécialités étrangères, d'un coefficient moyen de marge brute inférieur à 70 %, à comparer aux coefficients obtenus par le vérificateur, s'établissant respectivement à 80,39 % et à 78,08 % au titre des deux exercices vérifiés alors, au surplus, que les coefficients constatés lors de la vérification de la comptabilité du restaurant exploité par la même entreprise à Angers se sont respectivement élevés, pour les mêmes exercices, à 75% et à 76 % ;

12. Considérant que l'EURL Noor ne se prévaut pas utilement de l'évolution des coefficients multiplicateurs, s'élevant à 6,82 au titre de l'exercice clos le 30 juin 2008 et à 5,77 au titre de l'exercice clos le 30 juin 2009, ces coefficients n'ayant pas été mis en oeuvre par le vérificateur mais calculés par elle, après le contrôle ;

13. Considérant que l'entreprise requérante se fonde sur l'avis de la commission départementale invitant l'administration " à mieux appréhender la valorisation des quantités offertes par la société alors que celle-ci était dans les premières années de son activité " pour soutenir que le service a sous-évalué les boissons offertes à la clientèle et au personnel en se bornant, après l'avis ainsi émis, à réévaluer les boissons chaudes offertes de 5 à 15 % et les autres boissons de 5 à 10 % au titre de l'exercice clos le 30 juin 2008 et à maintenir le taux de 5 % initialement retenu par le vérificateur au titre de l'exercice clos le 30 juin 2009 ; que le ministre fait valoir que, s'agissant d'une entreprise créée le 20 juillet 2007, l'évolution du chiffre d'affaires montre que la phase de démarrage de l'activité est limitée au premier exercice ; qu'il résulte de l'instruction, notamment des constatations faites par le vérificateur, que le restaurant ayant fait l'objet de travaux, l'activité n'a réellement commencé qu'en octobre 2007 ; que, compte tenu de ces éléments, et chaque exercice étant clos au 30 juin, le chiffre d'affaires finalement retenu par le service s'est établi à 399 816 euros en 2008 soit, en tenant compte de la date de démarrage de l'activité, 44 424 euros par mois, et à 625 561 euros en 2009 soit 52 130 euros par mois ; qu'il suit de là que, par cette comparaison, le ministre justifie du bien-fondé de la position prise par le service après l'avis émis par la commission alors, au surplus, que lors du contrôle, le gérant de l'entreprise a seulement indiqué offrir souvent aux clients les digestifs, lesquels ont été regardés par le vérificateur comme ayant été offerts en totalité ; qu'en outre, la seule circonstance invoquée par la requérante que la réévaluation du taux des boissons offertes au cours du premier exercice a entraîné une réduction de la base d'imposition de 19 694 euros hors taxe seulement, soit 12 % des redressements notifiés, ne permet pas de regarder cette réévaluation comme insuffisante ;

14. Considérant que le fait qu'aucun redressement ne lui a été notifié à la suite de la vérification de la comptabilité de l'autre restaurant pakistanais qu'elle exploite à Angers est sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'administration apporte la preuve qui lui incombe que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires mise en oeuvre par le vérificateur n'est ni excessivement sommaire ni radicalement viciée dans son principe alors même qu'il a dû compléter par des estimations les éléments qui lui ont été fournis ;

16. Considérant, enfin, que si l'entreprise requérante se fonde sur le paragraphe 4 de la documentation de base 4 G-3342 du 25 juin 1998 pour reprocher au vérificateur de n'avoir ni mis en oeuvre plusieurs méthodes de reconstitution du chiffre d'affaires, ni pris en compte les conditions concrètes de fonctionnement de son établissement, ni tenu compte des informations relatives à son fonctionnement fournies par son gérant et son conseil, ce commentaire administratif ne comporte pas une interprétation de la loi différente de celle dont il est fait application ;

S'agissant des méthodes de reconstitution du chiffre d'affaires proposées par l'EURL Noor :

17. Considérant que l'entreprise requérante fait valoir que l'extrapolation aux deux exercices vérifiés des recettes mentionnées sur les quatre tickets récapitulatifs mensuels de recettes des mois de janvier, février, mai et juin 2009 aboutit à des chiffres d'affaires proches de ceux qu'elle a déclarés ; que, toutefois, et ainsi qu'il est dit au point 10 du présent arrêt, ces tickets récapitulatifs, qui font apparaître un taux anormalement bas de règlements en espèces, ne peuvent être regardés comme mentionnant de manière exhaustive les recettes encaissées au cours des quatre mois auxquels ils se rapportent ; qu'en outre, le ministre soutient sans être contredit que les chiffres d'affaires y figurant ne correspondent pas à ceux mentionnés sur les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée relatives aux mêmes mois ;

18. Considérant que l'EURL Noor propose également de reconstituer les chiffres d'affaires des deux exercices à partir des tickets récapitulatifs de recettes des mois de mars à juin 2010 au cours desquels le vérificateur était présent dans son établissement ; que, toutefois, le chiffre d'affaires de la période vérifiée ne peut être reconstitué à partir d'éléments comptables postérieurs à cette période et qui n'ont pas été vérifiés par le service ; qu'au surplus, le ministre soutient sans être contredit que les conditions d'exploitation de l'établissement ont évolué en 2010 en raison, notamment, de la réduction du taux de la taxe sur la valeur ajoutée pour les solides et, ainsi que l'atteste l'évolution de la structure des achats, de l'augmentation de 31 % des achats de solides à comparer avec une augmentation des achats de liquides de 7 % seulement ;

En ce qui concerne le passif injustifié :

19. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu des dispositions de l'article 209 du même code : " 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiées. " ;

20. Considérant que l'EURL Noor fait valoir que la somme de 3 206 euros portée au crédit du compte courant d'associé ouvert au nom de son gérant dans ses comptes correspond au règlement d'un fournisseur pakistanais, effectué en espèces par son gérant, au titre de l'achat en 2007 d'un élément de décoration destiné à la salle du restaurant ; qu'en se bornant à produire une télécopie de ce fournisseur, datée du 24 septembre 2010, elle n'apporte pas la preuve de l'existence d'une telle dette ni celle de son règlement par son gérant ;

21. Considérant que l'entreprise requérante soutient, à titre subsidiaire, que l'absence de preuve du paiement de cette somme par son gérant est sans incidence sur l'existence de la dette qui, si elle a été inscrite à tort au crédit du compte courant d'associé de ce dernier, aurait dû l'être au débit du compte fournisseur du tiers ; que, toutefois, et ainsi qu'il est dit au point 20 du présent arrêt, l'entreprise n'a pas justifié de l'achat d'un élément de décoration du restaurant auprès d'un fournisseur pakistanais ;

22. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'elle n'est pas fondée à contester la réintégration de la somme de 3 206 euros dans le bénéfice réalisé au cours de l'exercice clos le 30 juin 2008 ;

Sur l'application de la majoration pour manquement délibéré :

23. Considérant qu'il résulte de ce qui est dit aux points 7 à 14 et 17 et 18 du présent arrêt que le chiffre d'affaires de l'EURL Noor a été correctement reconstitué par le service ; qu'il suit de là que l'entreprise requérante n'est pas fondée à se prévaloir du caractère théorique de la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires mise en oeuvre, ayant entraîné une surévaluation des bases d'imposition, pour contester l'application de la majoration pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts ; que l'administration a estimé à bon droit que le caractère non probant de la comptabilité ainsi que la gravité et la répétition des omissions constatées caractérisent la volonté d'éluder l'impôt et justifient, dès lors, l'application de la majoration ;

24. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Noor n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

25. Considérant que les dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que l'EURL Noor demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens et de la somme de 35 euros correspondant à la contribution pour l'aide juridique acquittée en première instance ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'EURL Noor est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Noor et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- Mme Bougrine, conseiller.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2016.

Le rapporteur,

S. AubertLe président,

F. Bataille

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT03245 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14NT03245
Date de la décision : 13/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Sylvie AUBERT
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : BOUCHERON

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-10-13;14nt03245 ?
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