La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/10/2016 | FRANCE | N°15NT03162

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 05 octobre 2016, 15NT03162


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler, d'une part, l'arrêté du 1er octobre 2015 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a prononcé sa remise aux autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile, et d'autre part l'arrêté du 1er octobre 2015 par lequel le préfet de Maine-et-Loire l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours et l'a obligé à se présenter tous les jours, exceptés les samedi, dimanche et jours fériés, au commissariat de police d'Angers.
>Par un jugement nos 1508313 et 1508314 du 9 octobre 2015, le magistrat désigné du trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler, d'une part, l'arrêté du 1er octobre 2015 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a prononcé sa remise aux autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile, et d'autre part l'arrêté du 1er octobre 2015 par lequel le préfet de Maine-et-Loire l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours et l'a obligé à se présenter tous les jours, exceptés les samedi, dimanche et jours fériés, au commissariat de police d'Angers.

Par un jugement nos 1508313 et 1508314 du 9 octobre 2015, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 15NT03162 le 16 octobre 2015, M. B...A..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 octobre 2015 en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de Maine-et-Loire du 1er octobre 2015 ordonnant sa remise aux autorités espagnoles ;

2°) d'annuler la décision de remise aux autorités espagnoles du 1er octobre 2015.

Il soutient que :

- l'arrêté portant remise aux autorités espagnoles viole les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'arrêté constitue une atteinte à son droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2016, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 15NT03166 le 16 octobre 2015, M. B...A..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 octobre 2015 en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de Maine-et-Loire du 1er octobre 2015 l'assignant à résidence ;

2°) d'annuler la décision d'assignation à résidence du 1er octobre 2015.

Il soutient que l'arrêté portant assignation à résidence est entaché de " violation de la loi " et d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2016, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions des 21 décembre 2015 et 28 décembre 2016.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lainé, président de chambre ;

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public.

1. Considérant que les requêtes n° 15NT03162 et 15NT03166 concernent la situation du même requérant et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que M. A..., ressortissant guinéen, a sollicité l'asile en France le 21 juillet 2015 ; que l'examen de ses empreintes digitales a révélé qu'elles avaient déjà été enregistrées en Espagne le 25 mars 2015 ; que, par décision du 29 septembre 2015, le préfet de Maine-et-Loire a pour ce motif refusé de l'admettre provisoirement au séjour au titre de l'asile ; que les autorités espagnoles, responsables de l'examen de la demande d'asile de M.A..., ayant accepté de le prendre en charge le 21 septembre 2015, le préfet de Maine-et-Loire, par des arrêtés du 1er octobre 2015, a décidé de le remettre à ces autorités et de l'assigner à résidence pendant une durée de quarante-cinq jours dans l'attente de l'exécution de cette mesure ; que M. A... relève appel du jugement du 9 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision de remise aux autorités espagnoles :

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé : " Entrée et/ou séjour / 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. (...) " ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) " ; que l'application de ces critères peut toutefois être écartée en vertu de l'article 17 du même règlement, aux termes duquel : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe dans le 1° de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au 1° de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre ;

5. Considérant que la décision de remise de M. A...aux autorités espagnoles n'a ni pour objet ni pour effet de le contraindre à retourner en Guinée, mais seulement de le remettre aux autorités du pays responsable de l'examen de sa demande d'asile en vertu des dispositions précitées de l'article 13 du règlement (UE) du 26 juin 2013 ; que, dans ces conditions, M. A...ne peut utilement se prévaloir d'une prétendue appartenance à un parti d'opposition au pouvoir et de sa participation à des manifestations, d'un certificat médical constatant la présence de cicatrices sur son corps, du contexte politique en Guinée et du danger qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine, pour contester la décision litigieuse de remise aux autorités espagnoles ; que les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 17 du règlement (UE) du 26 juin 2013 doivent, par suite, être écartés ; qu'en outre, le moyen tiré de ce que l'arrêté de remise constituerait une atteinte au droit d'asile doit, pour le même motif, lui aussi être écarté ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 9 octobre 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de Maine-et-Loire du 1er octobre 2015 de remise aux autorités espagnoles ;

En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. " ; que l'assignation à résidence prévue par ces dispositions constitue une mesure alternative au placement en rétention prévu par les dispositions de l'article L. 551-1 du même code, dès lors qu'une mesure d'éloignement demeure une perspective raisonnable et que l'étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à celle-ci ;

8. Considérant que le requérant ne saurait utilement se prévaloir de son prétendu engagement politique, des violences dont il aurait fait l'objet en Guinée et de la situation instable dans le pays pour contester l'arrêté d'assignation à résidence ; qu'en outre, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une " violation de la loi " n'est pas assorti des précisions nécessaires pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé ;

9. Considérant qu'en vertu de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie ; qu'aux termes de l'article R. 561-2 du même code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application de l'article L. 561-1 (...) est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés (...) " ;

10. Considérant que l'arrêté assignant M. A...à résidence lui impose de se présenter chaque jour, à l'exclusion des samedis, dimanches et jours fériés, au commissariat de police d'Angers ; que le requérant se borne à faire valoir qu'il s'agit d'une " fréquence extrêmement lourde " sans invoquer de difficulté particulière liée à cette obligation de pointage ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la mesure serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 9 octobre 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de Maine-et-Loire du 1er octobre 2015 l'assignant à résidence pendant une durée de quarante cinq jours ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes n°15NT03162 et n°15NT03166 de M. A... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président assesseur,

- et Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 octobre 2016.

Le président, rapporteur,

L. LAINÉ L'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau,

C. LOIRAT

Le greffier,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

Nos 15NT03162 et 15NT03166


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT03162
Date de la décision : 05/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Laurent LAINE
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : CABINET BERAHYA-LAZARUS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-10-05;15nt03162 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award