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29/09/2016 | FRANCE | N°16NT00437

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 29 septembre 2016, 16NT00437


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de l'arrêté du 23 mars 2015 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé l'Algérie comme pays de destination.

Par un jugement n° 1504806 du 17 septembre 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistré

e le 10 février 2016, M.A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de l'arrêté du 23 mars 2015 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé l'Algérie comme pays de destination.

Par un jugement n° 1504806 du 17 septembre 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 février 2016, M.A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 17 septembre 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 23 mars 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, sous astreinte de 10 euros par jour de retard, de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, MeB..., d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de ce conseil à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée ; sa situation personnelle n'a pas été examinée ; il entre dans les prévisions du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien dès lors que la pathologie dont il souffre est d'une exceptionnelle gravité et qu'aucun traitement n'est effectivement disponible en Algérie ;

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; elle est illégale compte tenu de l'illégalité de la décision relative au séjour ; elle viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; elle viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'un traitement approprié à sa pathologie n'est pas disponible en Algérie.

Par un mémoire en défense, enregistré les 30 mars 2016 et 7 avril 2016, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 décembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chollet ;

- et les observations orales de MeB..., représentant M.A....

1. Considérant que M.A..., ressortissant algérien né le 7 mai 1986 à Souba (Algérie), relève appel du jugement du 17 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 mars 2015 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un certificat de résidence d'un an sur le fondement du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé l'Algérie comme pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, que la décision refusant à M. A...la délivrance d'un certificat de résidence d'un an comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle repose ; que, par suite, le moyen tiré de son défaut de motivation doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que cette décision a été prise à l'issue d'un examen particulier de la situation du requérant, et notamment de son état de santé ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles : " Les dispositions du présent article (...) fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) 7. au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) " ;

5. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;

6. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...souffre de troubles psychiatriques traités par les médicaments " Xanax " et " Omeprazole " ;

8. Considérant que, par un avis rendu le 8 janvier 2015, le médecin de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire a estimé que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il n'existait pas en Algérie de traitement approprié et que les soins nécessités par son état de santé devaient être poursuivis pendant une durée d'un an ; que le préfet de la Loire-Atlantique, qui n'était pas lié par cet avis, a toutefois refusé de délivrer à M. A...le certificat de résidence qu'il demandait sur le fondement du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien au double motif qu'il n'était pas établi que le défaut de prise en charge de la pathologie de M. A... ait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressé pouvait effectivement disposer d'un traitement approprié à sa pathologie en Algérie ; que, pour justifier de l'existence et de la disponibilité d'un tel traitement, le préfet s'est appuyé, devant les premiers juges, notamment, sur une " fiche pays ", réalisée le 25 octobre 2006 par les services de l'Etat, sur un rapport établi le 17 janvier 2013 par les autorités britanniques, ainsi que sur le " programme national de santé mentale " fixé par le ministère algérien en charge de la santé et mis en oeuvre à partir de 2001 ;

9. Considérant, d'une part, qu'il ressort de ces documents, et notamment de la " fiche pays ", dont aucun élément ne permet de supposer qu'elle ne reflèterait pas l'état du système de santé algérien à la date de l'arrêté, qu'une offre de soins existe en Algérie s'agissant des pathologies psychiatriques ; que M. A...ne livre aucune indication qui, dans le respect des règles relatives au secret médical, permettrait au juge de vérifier si la pathologie psychiatrique dont il souffre est au nombre de celles pour lesquelles cette offre de soins, bien qu'existante, est insuffisante ;

10. Considérant, d'autre part, que si M. A...soutient qu'il ne peut pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie en Algérie, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la nomenclature des médicaments enregistrés en Algérie établie par les autorités algériennes, que l'" Omeprazole " est disponible en Algérie et qu'il en est de même s'agissant de médicaments comportant le même principe actif que le " Xanax " ;

11. Considérant qu'il suit de là que le préfet pouvait, sans commettre d'erreur d'appréciation, refuser de délivrer à M. A...le certificat de résidence d'un an qu'il sollicitait sur le fondement du 7 de l'article 6 de l'accord du 27 décembre 1968 au seul motif qu'il pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié à sa pathologie en Algérie ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

12. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour doit être écarté, compte tenu de ce qui vient d'être dit ;

13. Considérant, en deuxième lieu, que l'obligation de quitter le territoire français notifiée à M. A...est suffisamment motivée dès lors que le refus de titre de séjour l'était et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées ;

14. Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de la violation du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté par les motifs énoncés aux points 7 à 10 ;

15. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) " ;

16. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., né en 1986, séjourne en France, selon ses propres déclarations, depuis le 15 février 2012 ; que, s'il soutient vivre en concubinage avec une ressortissante française depuis l'année 2014, cette situation, à la supposer avérée, était récente à la date de l'arrêté contesté ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'à cette date, il était marié à une compatriote, laquelle résidait en Algérie avec les deux enfants issus de leur union ; que, dans ces conditions, l'obligation de quitter le territoire français ne porte pas au droit au respect de la vie privée et familiale de M.A..., protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

17. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté, compte tenu de ce qui vient d'être dit ;

18. Considérant, en second lieu, que M. A...reprend en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance, tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Nantes ;

19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

20. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M.A..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

21. Considérant que les dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme dont M.A..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, demande le versement au profit de son avocat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.

Une copie sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- Mme Chollet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2016.

Le rapporteur,

L. CholletLe président,

F. Bataille

Le greffier,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 16NT00437


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16NT00437
Date de la décision : 29/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : LE FLOCH

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-09-29;16nt00437 ?
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