La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/09/2016 | FRANCE | N°16NT00018

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 29 septembre 2016, 16NT00018


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du préfet de la Mayenne du 28 août 2015 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1508087 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du préfet de la Mayenne du 28 août 2015, lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la demande de titre de séjour de Mme B...dans le délai de trois mois

compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat le versement à Me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du préfet de la Mayenne du 28 août 2015 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1508087 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du préfet de la Mayenne du 28 août 2015, lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la demande de titre de séjour de Mme B...dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat le versement à Me Gouedo, avocat de MmeB..., de la somme de 750 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Gouedo renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 janvier 2016, le préfet de la Mayenne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 17 décembre 2015 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que les premiers juges ont estimé à tort que, la reconnaissance du fils de Mme B...par un ressortissant français n'étant pas frauduleuse, l'intéressée remplissait les conditions requises pour bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2016, MmeB..., représentée par Me Gouedo, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le moyen invoqué n'est pas fondé.

- la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour rend sans objet le litige relatif aux décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 avril 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Aubert.

1. Considérant que le préfet de la Mayenne relève appel du jugement du 17 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a, à la demande de MmeB..., annulé son arrêté du 28 août 2015 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la demande de titre de séjour de Mme B...dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Gouedo, avocat de MmeB..., de la somme de 750 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Gouedo renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant qu'en délivrant à MmeB..., en exécution du jugement attaqué, une autorisation provisoire de séjour valable du 12 février au 18 mars 2016, le préfet de la Mayenne n'a pas entendu retirer les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination prises à son encontre ; qu'il suit de là que le litige portant sur ces décisions n'est pas devenu sans objet ; que, dès lors, il y a lieu d'y statuer ;

Sur la légalité de l'arrêté du 28 août 2015 :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 623-1 du même code : " Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (...). / Ces mêmes peines sont applicables en cas d'organisation ou de tentative d'organisation d'un mariage ou d'une reconnaissance d'enfant aux mêmes fins. / Elles sont portées à 10 ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée " ;

4. Considérant que si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers ; que tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés ; que, par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire demandée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeB..., de nationalité angolaise, est entrée en France le 30 mars 2012 et y a donné naissance, le 13 juillet 2014, à un garçon qui a été reconnu par un ressortissant français ; que, par l'arrêté contesté, le préfet de la Mayenne a refusé de délivrer à Mme B...un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français au motif que l'enfant n'a été reconnu qu'aux seules fins de permettre à sa mère d'obtenir un titre de séjour et que la nationalité française de l'enfant est ainsi sujette à caution ; que pour caractériser l'existence d'une telle fraude, le préfet s'est fondé sur la reconnaissance, six jours plus tard, par le même ressortissant français, de la fille d'une autre femme en situation irrégulière sur le territoire français et la reconnaissance par ce même ressortissant, en 2010 et en 2012, des deux enfants d'une troisième femme également en situation irrégulière, alors qu'il vit en concubinage avec une autre personne depuis plusieurs années ; qu'il fait également valoir que l'existence d'une vie commune entre Mme B...et le ressortissant français ayant reconnu son fils n'est pas établie ; qu'en se bornant à faire valoir qu'elle n'a aucun doute sur la paternité de cet homme, qu'elle élève seule son enfant et que le ministère public n'a pas engagé d'action en contestation de paternité, la requérante ne remet pas en cause le bien-fondé de l'appréciation portée par l'administration sur sa situation ; que, dans ces conditions, le préfet de la Mayenne a pu légalement refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, il est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé, pour ce motif, son arrêté du 28 août 2015 ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés à l'encontre de cet arrêté ;

7. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5 du présent arrêt, Mme B...n'est pas fondée à se prévaloir de la nationalité française et de la qualité d'enfant d'un ressortissant français de son fils au soutien de ses moyens tirés de la méconnaissance du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990, invoqués au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

8. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5 du présent arrêt, Mme B...n'est pas fondée à se prévaloir de la nationalité française de son fils au soutien de ses moyens tirés de l'éloignement de son enfant vers un pays dont il n'a pas la nationalité et de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990, invoqués dans le cadre de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi ;

9. Considérant qu'en l'absence de décision portant interdiction de retour sur le territoire français, les moyens invoqués à l'encontre d'une telle décision ne peuvent être accueillis ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Mayenne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de MmeB..., son arrêté du 28 août 2015 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la demande de titre de séjour de Mme B...dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Gouedo, avocat de MmeB..., de la somme de 750 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Sur le surplus des conclusions :

11. Considérant que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions de la requérante tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 17 décembre 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions d'appel tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Mayenne.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- Mme Chollet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2016.

Le rapporteur,

S. AubertLe président,

F. Bataille

Le greffier,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

1

N° 16NT00018 2

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16NT00018
Date de la décision : 29/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Sylvie AUBERT
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : CABINET GOUEDO

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-09-29;16nt00018 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award