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29/09/2016 | FRANCE | N°15NT00549

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 29 septembre 2016, 15NT00549


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Morl 2 a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2007, 2008 et 2009 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1202297 du 17 décembre 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 février 2015, la SARL Morl 2, représentée par MeA..., dem

ande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 17 décembre 2014 ;

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Morl 2 a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2007, 2008 et 2009 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1202297 du 17 décembre 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 février 2015, la SARL Morl 2, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 17 décembre 2014 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et de ces pénalités ou leur réduction ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- pour obtenir le bénéfice de l'exonération de la retenue à la source prévue aux 1 et 2 de l'article 119 ter du code général des impôts, les sociétés mères non résidentes doivent justifier auprès de l'établissement payeur, ou le cas échéant de la société distributrice si elle assure directement le paiement des dividendes, qu'elles satisfont aux conditions de l'article 119 ter du code général des impôts ; la documentation de base 4 J-1334 n° 81 et 82 et l'instruction du 3 août 1992 4 J-2-92 n° 61 et 62 prévoit que cette justification doit revêtir la forme d'une attestation sur l'honneur signée par un représentant autorisé de la société ; les attestations produites ont été établies sur la base de ce modèle ; il appartient à l'administration de remettre en cause les informations portées sur ce document ; il ne peut être exigé en conséquence de la société mère luxembourgeoise qu'elle indique l'identité de ses actionnaires ;

- dans l'hypothèse où il serait considéré qu'elle ne peut prétendre à l'exonération de retenue à la source prévue au 1 de l'article 119 ter du code général des impôts, elle demande la limitation du taux de la retenue à la source à 5% du montant brut de ces dividendes, en application de l'article 8 de la convention fiscale conclue entre la France et le Luxembourg.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 juin 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Morl 2 ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention conclue entre la République française et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune du 1er avril 1958 modifiée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chollet,

- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

1. Considérant que la société à responsabilité limitée (SARL) Morl 2 exerce l'activité de vente au détail de produits provenant de déstockage, faillites, sinistres et fins de séries en son magasin sous l'enseigne Noz ; que son capital social au titre des années 2007, 2008 et 2009 était détenu à hauteur de 78,75 % par la société Banyan, domiciliée au Luxembourg; que la SARL Morl 2 a procédé à des distributions de dividendes pour un montant de 53 235 euros en 2007, de 79 380 euros en 2008 et de 74 498 euros en 2009 au profit de la société Banyan ; qu'à l'issue d'une vérification de sa comptabilité, 1'administration a estimé que les dividendes que cette société, soumise à 1'impôt sur les sociétés, avait distribués en 2007, 2008 et 2009 à la société de droit luxembourgeois auraient dû faire 1'objet d'une retenue à la source en application des articles 199 bis et 199 ter du code général des impôts, au taux de 25 % prévu à l'article 187 de ce code ; que la SARL Morl 2 relève appel du jugement du 17 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2007, 2008 et 2009 et des pénalités correspondantes ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la retenue à la source :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL Morl 2, soumise à l'impôt sur les sociétés en France, a procédé à des distributions de dividendes en faveur de la société Banyan, établie au Luxembourg, au titre de l'année 2007 d'un montant de 53 235 euros, au titre de l'année 2008 de 79 380 euros, et au titre de l'année 2009 de 74 498 euros ; qu'elle a estimé que ces dividendes devaient être exonérés de retenue à la source en application des dispositions du 1 de l'article 119 ter du code général des impôts ;

3. Considérant, d'une part, qu'en vertu du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, les produits visés aux articles 108 à 117 bis de ce code donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par le 1 de l'article 187 du même code lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France ; que le 1 de l'article 119 ter code général des impôts prévoit une exonération de retenue à la source pour les dividendes distribués par une société soumise à l'impôt sur les sociétés au taux normal au profit d'une personne morale qui n'a pas son siège en France, sous réserve que cette dernière justifie " auprès du débiteur ou de la personne qui assure le paiement de ces revenus qu'elle est le bénéficiaire effectif des dividendes et qu'elle remplit les conditions " énumérées au 2 de cet article, tenant au lieu du siège de sa direction effective et de sa résidence fiscale dans un Etat membre de la Communauté européenne, devenue Union européenne, à sa forme sociale, à sa participation minimale dans le capital de sa filiale établie en France, fixée à 15 % pour les dividendes distribués entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2008 et à 10 % pour les dividendes distribués à compter du 1er janvier 2009, et son imposition à l'impôt sur les sociétés dans l'Etat membre où elle a son siège de direction effective ; que le 3 de l'article 119 ter du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable prévoit enfin que l'exonération de retenue à la source prévue au 1 n'est pas applicable " lorsque les dividendes distribués bénéficient à une personne morale contrôlée directement ou indirectement par un ou plusieurs résidents d'Etats qui ne sont pas membres de la Communauté, sauf si cette personne morale justifie que la chaîne de participations n'a pas comme objet principal ou comme un de ses objets principaux de tirer avantage des dispositions du 1. " ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions, que pour bénéficier de l'exonération de retenue à la source prévue par les dispositions du 1 de l'article 199 ter du code général des impôts, il incombe à la personne morale établie dans un Etat membre qui bénéficie des dividendes distribués par une filiale française d'établir qu'elle remplit les conditions d'exonération prévues au 2 de cet article ; que toutefois les dispositions du 3 de l'article 119 ter du code général des impôts ont pour effet d'exclure de l'exonération de retenue à la source les dividendes versés par une société soumise à l'impôt sur les sociétés en France à une société domiciliée..., lorsqu'elle est contrôlée directement et indirectement par un résident d'un pays tiers ; qu'il n'en va autrement, de manière dérogatoire, que si la société bénéficiaire démontre que la participation à son capital n'a pas principalement pour objet d'échapper à l'impôt français ;

4. Considérant, d'autre part, qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; que, dans ces conditions, il appartient à la société bénéficiaire des dividendes ou, le cas échéant, à la société qui assure le paiement de ces revenus de justifier que la première satisfait à toutes les conditions d'exonération de retenue à la source prévue aux 2 et 3 de l'article 119 ter du code général des impôts ; que, s'agissant des conditions de détention du capital de la société bénéficiaire des dividendes, les parties apportent cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis sur l'identité et le lieu de résidence des détenteurs du capital de cette société, ainsi que sur l'importance de leur participation ;

5. Considérant que si, au cours de la vérification de sa comptabilité qui s'est déroulée du 5 juillet 2010 au 8 décembre 2010, la société requérante a produit des attestations établies par la société luxembourgeoise certifiant que celle-ci était le bénéficiaire effectif des dividendes et remplissait les conditions d'exonération, elle n'a pas justifié, malgré la demande qui lui a été faite le 8 décembre 2010 et avant l'envoi de la proposition de rectification du 21 décembre 2010, de l'identité des actionnaires ainsi que de leur taux de détention dans le capital de cette société ;

6. Considérant, en outre, que l'administration n'était pas tenue d'accorder cette exonération sur la base du seul document, souscrit à l'occasion de la liquidation de la retenue à la source sur les dividendes, par lequel la société requérante a attesté le 12 mai 2011 qu'à sa connaissance la société Banyan n'était pas contrôlée directement ou indirectement par un ou plusieurs résidents d'Etats qui ne sont pas membres de l'Union européenne ;

7. Considérant, enfin, que ni les rapports du conseil d'administration de l'assemblée générale des actionnaires de la société Banyan, ni les statuts de cette société, ni les attestations de résidence visées le 28 octobre 2011 par les autorités luxembourgeoises ne comportent de précisions sur l'identité et le lieu de résidence de ses actionnaires, les pages concernant ces informations n'ayant pas été adressées à l'administration ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Morl 2 n'apporte pas d'éléments permettant de vérifier si la condition d'exonération prévue au 3 de l'article 119 ter du code général des impôts est remplie ; que, dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que les dividendes qu'elle a versés à la SA Banyan au titre des années 2007, 2008 et 2009 devaient bénéficier de l'exonération prévue par le 1 du même article ;

S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

9. Considérant que la SARL Morl 2 doit être regardée comme se prévalant, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des commentaires 81 et 82 publiés à la documentation de base 4 J - 1334, issus des points 61 et 62 de l'instruction publiée au bulletin officiel des impôts le 3 août 1992 sous la référence 4 J-2-92, aux termes desquels pour obtenir le bénéfice de la suppression de la retenue à la source, les sociétés mères non résidentes doivent adresser à l'établissement payeur, ou le cas échéant à la société distributrice, si elle assure directement le paiement des dividendes, une justification qu'elles satisfont les conditions requises, qui doit revêtir la forme d'une attestation sur l'honneur signée par un représentant autorisé de la société ; que, toutefois, cette instruction, en ce qu'elle prévoit des modalités d'application de l'exonération de retenues à la source, ne comporte pas d'interprétation différente de la loi fiscale de celle énoncée précédemment ; qu'en tout état de cause, il ressort de ces commentaires que l'attestation sur l'honneur aurait dû être adressée pour chaque année à l'établissement payeur au plus tard lors de la première mise en paiement des dividendes distribués au cours d'une même année civile, ce qui n'est pas le cas des attestations sur l'honneur produites par la société requérante, qui ont été établies postérieurement à l'engagement des opérations de contrôle sur place ;

En ce qui concerne le montant de la retenue à la source :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention du 1er avril 1958 signée entre la France et le Luxembourg: " 1. Les dividendes payés par une société qui a son domicile fiscal dans un Etat contractant à une personne qui a son domicile fiscal dans l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. / 2. a) Toutefois, ces dividendes peuvent être imposés dans l'Etat contractant où la société qui paie les dividendes a son domicile fiscal, et selon la législation de cet Etat, mais l'impôt ainsi établi ne peut excéder : / 1. 5 % du montant brut des dividendes si le bénéficiaire des dividendes est une société de capitaux qui détient directement au moins 25 % du capital social de la société de capitaux qui distribue les dividendes ; / 2. 15 % du montant brut des dividendes, dans tous les autres cas. (...) " ; qu'aux termes de l'article 10 bis de la même convention : " Pour bénéficier des dispositions de l'article 8, paragraphes 2, 3 et 4 (...) la personne qui a son domicile fiscal dans un des Etats contractants doit produire aux autorités fiscales de l'autre Etat contractant une attestation, visée par les autorités fiscales du premier Etat, précisant les revenus pour lesquels le bénéfice des dispositions visées ci-dessus est demandé et certifiant que ces revenus (....) seront soumis aux impôts directs, dans les conditions du droit commun, dans l'Etat où elle a son domicile fiscal

(...) " ; qu'il résulte de ces stipulations que le bénéfice du taux réduit de retenue à la source sur les dividendes versés à des résidents luxembourgeois est subordonné non seulement à certaines conditions de fond mais également à la production de l'attestation prévue par cet article 10 bis, visée par l'Etat dans lequel la personne ayant encaissé les dividendes a son domicile fiscal, précisant les revenus concernés et les modalités de leur imposition ;

11. Considérant qu'il est constant qu'aucune attestation visée par les autorités fiscales luxembourgeoises précisant les modalités d'imposition des dividendes versés n'a été produite par la SARL Morl 2 ; qu'en outre, il résulte de l'instruction que les attestations de résidence fiscale visées par l'administration fiscale luxembourgeoise pour les années 2007, 2008 et 2009, délivrées à la société Banyan postérieurement au contrôle de la société requérante, ne mentionnent pas que les dividendes perçus ont été soumis aux impôts directs dans les conditions du droit commun au Luxembourg ; que, dans ces conditions, la SARL Morl 2 ne peut bénéficier de l'application du taux réduit de retenue à la source prévu par l'article 8 de la convention ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Morl 2 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par la SARL Morl 2 au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Morl 2 est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL MORL 2 et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- Mme Chollet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2016.

Le rapporteur,

L. Chollet Le président,

F. Bataille

Le greffier,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT00549


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15NT00549
Date de la décision : 29/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : OUTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-09-29;15nt00549 ?
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