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28/09/2016 | FRANCE | N°15NT03228

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 28 septembre 2016, 15NT03228


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...E...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 22 février 2012 par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation, ainsi que la décision du 17 juillet 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1209044 du 13 mars 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces c

omplémentaires, enregistrés les 22 octobre 2015, le 21 mai 2016 et le 2 septembre 2016, Mme C......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...E...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 22 février 2012 par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation, ainsi que la décision du 17 juillet 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1209044 du 13 mars 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrés les 22 octobre 2015, le 21 mai 2016 et le 2 septembre 2016, Mme C...B...E...épouseD..., représentée par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 mars 2015 ;

2°) d'annuler la décision du préfet d'Ille-et-Vilaine du 22 février 2012 et la décision du ministre de l'intérieur du 17 juillet 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision du ministre de l'intérieur, qui ne mentionne pas le statut de travailleur handicapé de son époux, est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen complet de sa situation personnelle ;

- la décision ministérielle méconnait les articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le ministre a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision ministérielle méconnaît les stipulations de l'article 34 de la convention de Genève.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions dirigées contre la décision du 22 février 2012 sont irrecevables ;

- le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

- le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant ;

- les autres moyens soulevés par Mme D...ne sont pas fondés.

Mme B... E...épouse D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 août 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 93-1362 du 10 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M.A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeD..., ressortissante de la République Démocratique du Congo, relève appel du jugement du 13 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 février 2012 du préfet d'Ille-et-Vilaine ajournant à deux ans sa demande de naturalisation, ainsi que la décision du 17 juillet 2012 du ministre de l'intérieur rejetant son recours hiérarchique ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision préfectorale :

2. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 45 du décret du 30 décembre 1993 que les décisions par lesquelles le ministre statue sur les recours préalables obligatoires se substituent à celles des autorités préfectorales qui lui sont déférées ; que la décision du 17 juillet 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a ajourné la demande de la requérante s'étant ainsi substituée à la décision préfectorale du 22 février 2012, les conclusions de la requérante tendant à l'annulation de cette dernière décision doivent être rejetées comme irrecevables ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision ministérielle :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 27 du code civil : " Toute décision déclarant irrecevable, ajournant ou rejetant une demande d'acquisition, de naturalisation ou de réintégration par décret ainsi qu'une autorisation de perdre la nationalité française doit être motivée " ; qu'une telle motivation doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ;

4. Considérant que la décision contestée vise les dispositions des articles 45 et 48 du décret du 30 décembre 1993 et fait état de ce que l'intéressée, employée à temps partiel, ne dispose pas de revenus autonomes lui permettant de subvenir durablement à ses besoins et à ceux de son foyer ; que par suite, et alors même qu'elle ne mentionne pas le statut de travailleur handicapé et le taux d'incapacité de travail de son époux, elle est suffisamment motivée ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre se serait abstenu de prendre en considération la situation personnelle de la requérante ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que la décision refusant d'accorder la nationalité française n'est pas, par nature, susceptible de porter atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale ; que, dès lors, Mme D...ne peut utilement invoquer la méconnaissance, par la décision contestée, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6. Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non-discrimination résultant de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être utilement soulevé indépendamment de l'invocation du droit ou de la liberté garanti par la convention dont la jouissance est affectée par la discrimination alléguée ; qu'au surplus, l'accès à la nationalité française ne constituant pas un droit pour l'étranger qui la sollicite, le refus d'accorder la naturalisation à un étranger ou de prononcer un ajournement au motif d'un défaut d'autonomie matérielle pérenne ne saurait, dès lors, constituer, contrairement à ce que soutient la requérante, une discrimination dans l'accès à un droit fondamental ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande " ; qu'il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte le degré d'autonomie matérielle du postulant ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, Mme B...E...épouse D...exerçait une activité professionnelle en qualité de technicienne de surface dans le cadre de plusieurs contrats à temps partiel lui procurant des revenus mensuels variables, pour une moyenne d'environ 1 200 euros ; que ces revenus ne sont pas suffisants pour subvenir durablement à ses besoins et à ceux de son foyer composé de six personnes dont quatre enfants mineurs ; que, par ailleurs, il est constant que ces revenus d'activité sont complétés par des allocations familiales, l'aide personnalisée au logement et le complément familial, qui ne sont pas, au regard de leur nature même, propres à caractériser l'autonomie matérielle de la postulante ; que, dans ces conditions, eu égard au large pouvoir dont il dispose pour apprécier l'opportunité d'accorder ou non la nationalité française à l'étranger qui la sollicite, le ministre n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ajournant à deux ans la demande de naturalisation de Mme D...au motif qu'elle ne justifiait pas d'une autonomie matérielle pérenne ;

9. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 34 de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés : " Les Etats contractants faciliteront, dans toute la mesure du possible, l'assimilation et la naturalisation des réfugiés. Ils s'efforceront notamment d'accélérer la procédure de naturalisation (...) " ; que cet article ne crée pas pour l'Etat français l'obligation d'accueillir les demandes de naturalisation présentées par les personnes bénéficiant du statut de réfugié ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...E...épouse D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme B... E...épouseD..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... E...épouse D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...E...épouse D...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Millet, président,

- Mme Buffet, premier conseiller,

- M. A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 septembre 2016.

Le rapporteur,

M. G...Le président,

J-F. MILLET

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT03228


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT03228
Date de la décision : 28/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MILLET
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: Mme PILTANT
Avocat(s) : LE VERGER

Origine de la décision
Date de l'import : 11/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-09-28;15nt03228 ?
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