Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2013 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour au titre de l'asile.
Par un jugement n° 1402166 du 29 janvier 2016, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 6 décembre 2013 refusant de délivrer à M. D...une autorisation provisoire de séjour au titre de l'asile.
Procédure devant la cour :
I - Par une requête n°16NT00577, enregistrée le 17 février 2016, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 29 janvier 2016.
Il soutient que le motif d'annulation est erroné car le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant s'agissant d'une demande de réexamen d'une demande d'asile.
Une mise en demeure a été adressée le 2 mai 2016 à M. D...en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.
II - Par une requête n°16NT00493, enregistrée le 8 février 2016, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n°1402166 du tribunal administratif de Rennes du 29 janvier 2016.
Il soulève des moyens identiques à ceux exposés à l'appui de la requête n°16NT00577.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 août 2016, M.D..., représenté par MeC..., demande à la cour :
A titre principal de rejeter le recours ;
A titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté préfectoral du 6 décembre 2013 et d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente ;
De mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à son conseil apr application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé le refus d' autorisation provisoire de séjour au titre de l'asile motif pris du non respect des dispositions de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision est en outre entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation personnelle et d'un défaut de motivation ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 41 de la charte des droits fondamentaux et principes généraux de l'Union européenne ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle, compte tenu de la situation politique prévalant à Kinshasa ;
- la décision est encore entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 741-4 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 23 mai 2016.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur,
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant M.D....
1. Considérant que le 31 janvier 2012, M.D..., ressortissant de la République démocratique du Congo, a sollicité l'asile auprès des services de la préfecture d'Ille-et-Vilaine ; qu'une consultation du fichier Eurodac ayant révélé qu'il avait précédemment demandé l'asile en Espagne, le préfet d'Ille-et-Vilaine a sollicité, le 7 mars 2012, sa prise en charge par les autorités de cet Etat ; qu'après acceptation par les autorités espagnoles de la reprise en charge de l'intéressé le 2 avril 2012, le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé, par arrêté du 9 mai 2012 sa réadmission vers l'Espagne ; que par un jugement du 22 mars 2013, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de cette décision ; que le 17 octobre 2014, la cour administrative d'appel de Nantes a toutefois annulé tant le jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 mars 2013 que l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 9 mai 2012 et a enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. D...; que le 19 novembre 2013, ce dernier a de nouveau sollicité le bénéfice de l'asile et demandé une autorisation provisoire de séjour à ce titre ; que le 6 décembre 2013, le préfet d'Ille-et-Vilaine a rejeté cette demande et orienté sa demande d'admission au statut de réfugié en procédure prioritaire ; que, par les requêtes susvisées, qu'il y a lieu de joindre pour se prononcer par un seul arrêt, le préfet d'Ille-et-Vilaine relève appel du jugement n°1402166 du 29 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé ce dernier arrêté et demande à la cour de sursoir à l'exécution du jugement attaqué ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'indication des pièces à fournir par l'étranger qui sollicite son admission au séjour au titre de l'asile en application du présent article est portée à sa connaissance par les services de la préfecture. Ces derniers remettent alors à l'étranger un document d'information sur ses droits et sur les obligations qu'il doit respecter eu égard aux conditions d'accueil des demandeurs d'asile, ainsi que sur les organisations qui assurent une assistance juridique spécifique et celles susceptibles de l'aider ou de l'informer sur les conditions d'accueil dont il peut bénéficier, y compris les soins médicaux. Cette information se fait dans une langue dont il est raisonnable de penser que le demandeur d'asile la comprend " ;
3. Considérant qu'en vertu de ces dispositions, adoptées pour assurer la transposition en droit interne des objectifs fixés par l'article 10 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres, l'étranger présent sur le territoire français qui, n'étant pas déjà admis à séjourner en France, sollicite son admission au séjour au titre de l'asile, est informé par les services de la préfecture des pièces à fournir en vue de cette admission et doit se voir remettre un document d'information sur ses droits et sur les obligations qu'il doit respecter, ainsi que sur les organisations susceptibles de lui procurer une assistance juridique, de l'aider ou de l'informer sur les conditions d'accueil offertes aux demandeurs d'asile ; que cette information doit être faite dans une langue dont il est raisonnable de penser que l'intéressé la comprend ;
4. Considérant qu'eu égard à l'objet de ce document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, sur les organisations susceptibles de leur procurer une assistance juridique, de les aider ou de les informer sur les conditions d'accueil qui peuvent leur être proposées, la remise de ce document doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile, ainsi que le prévoit l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, dans le respect notamment des délais prévus ; que le moyen tiré de l'omission, par les services de la préfecture, de la remise à l'intéressé du document d'information prévu au dernier alinéa de l'article R. 741-2 peut ainsi être utilement invoqué à l'encontre de la décision du préfet portant refus d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile ;
5. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie ;
6. Considérant que l'obligation de remise à l'intéressé du document d'information prévu au dernier alinéa de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est constitutive d'une garantie ; que, par suite, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un tel moyen à l'appui de conclusions dirigées contre un refus d'admission au séjour au titre de l'asile, d'apprécier si l'intéressé a été, en l'espèce, privée de cette garantie ou, à défaut, si cette irrégularité a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ;
7. Considérant que le préfet d'Ille-et-Vilaine, qui invoque l'inopérance du moyen s'agissant d'une demande de réexamen d'une demande d'asile, ne justifie pas davantage devant la cour avoir remis le document d'information exigé par les dispositions précitées, alors que, comme l'ont constaté les premiers juges, en se bornant à produire le guide du demandeur d'asile édité en 2013 et les brochures " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de ma demande d'asile ' " (brochure A) et " Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce-que cela signifie ' " (brochure B) éditées en 2014, le préfet n'avait pas justifié, notamment par la signature d'un récépissé ou la mention signée d'une telle remise, que ces documents avaient été effectivement remis à M. D...lors de l'instruction de sa demande d'asile introduite le 31 janvier 2012 ou lors du nouvel examen de cette demande ; que le préfet ne peut se prévaloir de ce que sa décision du 6 décembre 2013 aurait statué sur une demande de réexamen de la demande d'asile de l'intéressé, alors qu'ainsi qu'il a été rappelé au point 1 du présent arrêt, la cour a annulé le précédent arrêté du 9 mai 2012 par lequel avait été refusée l''admission provisoire au séjour de M. D...au titre de l'asile et décidée sa remise aux autorités espagnoles, au motif que le formulaire de demande d'admission au séjour au titre de l'asile rempli et signé par celui-ci ne comportait pas l'ensemble des éléments d'information exigés par l'article 18 du règlement communautaire du 11 décembre 2000, notamment la mention que l'intéressé a l'obligation d'accepter que soient relevées ses empreintes digitales ; que, dans ces conditions, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'est pas fondé à soutenir que le défaut de remise du document d'information prévu par les dispositions précitées de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'aurait pas privé M. D...d'une garantie ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté contesté du 6 décembre 2013 ;
Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué :
9. Considérant que, dès lors que le présent arrêt statue sur la requête à fin d'annulation du jugement attaqué, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement, présentées par le préfet d'Ille-et-Vilaine dans sa requête enregistrée sous le n° 16NT00493, sont devenues sans objet ; qu'il n'y a, par suite, pas lieu de statuer sur ces dernières conclusions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête n°16NT00577 du préfet d'Ille-et-Vilaine est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n°16NT00493.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- Mme Rimeu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 septembre 2016.
Le rapporteur,
C. LOIRATLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.