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19/09/2016 | FRANCE | N°15NT03430

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 19 septembre 2016, 15NT03430


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 25 avril 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a ajourné sa demande de naturalisation jusqu'au 19 janvier 2014.

Par un jugement n° 1210060 du 28 avril 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Vu I) la procédure suivante dans l'affaire n° 15NT03430 :

Par une requête enre

gistrée le 12 novembre 2015 M.B..., représenté par

MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 25 avril 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a ajourné sa demande de naturalisation jusqu'au 19 janvier 2014.

Par un jugement n° 1210060 du 28 avril 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Vu I) la procédure suivante dans l'affaire n° 15NT03430 :

Par une requête enregistrée le 12 novembre 2015 M.B..., représenté par

MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 avril 2015 ;

2°) d'annuler la décision contestée ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui accorder la nationalité française, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa demande, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au profit de son avocat en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée est fondée sur une discrimination liée à la fortune et constitue une rupture d'égalité entre les étrangers ;

- elle a pour effet, en lui interdisant de voter, de rétablir un système censitaire contraire à l'article 3 de la Constitution, dès lors qu'elle l'empêche de participer à l'exercice de la souveraineté nationale en raison de son état de fortune ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il est entré en France en 2005, qu'il est marié à une ressortissante française depuis 2007 et est père de deux enfants français, qu'il est parfaitement inséré socio-professionnellement, qu'il a été licencié en raison de la liquidation de la société qui l'employait dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, qu'il est en recherche d'emploi depuis décembre 2011 et a suivi une formation professionnelle jusqu'en 2013 ;

- elle méconnait les articles 8 et 14 et le protocole 12 additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la Constitution, des articles 8, 14 et du 12ème protocole additionnelle de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne sont inopérants ;

- les autres moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu II) la procédure suivante dans l'affaire n° 15NT03502 :

Par une ordonnance du 17 novembre 2015, la cour administrative d'appel de Douai a transmis la requête de M. B...à la cour administrative d'appel de Nantes.

Par une requête, enregistrée le 19 novembre 2015, M.B..., représenté par

MeA..., demande à la cour :

Il soutient que :

- la décision contestée est fondée sur une discrimination liée à la fortune et constitue une rupture d'égalité entre les étrangers ;

- elle a pour effet, en lui interdisant de voter, de rétablir un système censitaire contraire à l'article 3 de la Constitution, dès lors qu'elle l'empêche de participer à l'exercice de la souveraineté nationale en raison de son état de fortune ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il est entré en France en 2005, qu'il est marié à une ressortissante française depuis 2007 et est père de deux enfants français, qu'il est parfaitement inséré socio-professionnellement, qu'il a été licencié en raison de la liquidation de la société qui l'employait dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, qu'il est en recherche d'emploi depuis décembre 2011 et a suivi une formation professionnelle jusqu'en 2013 ;

- elle méconnait les articles 8 et 14 et le protocole 12 additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er septembre 2015 au titre de l'instance n° 15NT03430.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Massiou, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que les requêtes n° 15NT03430 et 15NT03502 présentées par

M.B..., tendent, par les mêmes moyens, à l'annulation du même jugement et ont, dès lors, fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'en vertu de l'article 27 du même code, l'administration a le pouvoir de rejeter ou d'ajourner une demande de naturalisation ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions (...) " ; qu'il appartient ainsi au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte le caractère suffisant et durable des ressources du postulant ;

3. Considérant que, pour ajourner à deux ans la demande de naturalisation de

M.B..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur la circonstance que l'activité de l'intéressé, qu'il exerce dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée pour une durée limitée à 120 heures par mois, ne lui procure pas de revenus suffisants pour subvenir durablement à ses besoins et à ceux de sa famille ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il est constant que M. B...a perçu, au titre de l'année 2011, un revenu d'un montant de 10 049 euros, soit un revenu mensuel moyen de 837,41 euros ; que, dans ces conditions, eu égard au large pouvoir dont il dispose pour apprécier l'opportunité d'accorder ou non la nationalité française à l'étranger qui la sollicite, le ministre n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ajournant à deux ans la demande de naturalisation de M. B...pour le motif mentionné au point 2 ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la Constitution :

" (...) Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret (...) " ; que, ces dispositions, qui sont relatives à l'exercice de la souveraineté nationale par le peuple français, sont sans rapport avec les conditions d'acquisition de la nationalité française ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 3 de la Constitution est inopérant et ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, que la décision par laquelle est ajournée une demande de naturalisation, qui n'implique aucunement l'éloignement du postulant du territoire français, n'est pas, par nature, susceptible de porter atteinte au droit de ce dernier au respect de sa vie privée et familiale ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée est inopérant ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que l'accès à la nationalité française ne constitue pas un droit pour l'étranger qui la sollicite ; que, par suite, la décision contestée ne saurait constituer une discrimination dans l'accès à un droit fondamental ni caractériser une rupture d'égalité ; que le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non-discrimination, protégé par les stipulations combinées de l'article 8 et de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de son 12ème protocole additionnel ne peut, dès lors, qu'être écarté ;

8. Considérant, en cinquième lieu, qu'il résulte des stipulations de l'article 51 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qu'elle s'adresse " aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union " ; que dès lors que la décision contestée ne met pas en oeuvre le droit de l'Union, le moyen tiré de la méconnaissance de cette charte est inopérant et ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant, en sixième et dernier lieu, que M. B...ne saurait se prévaloir utilement d'une circulaire relative aux procédures d'accès à la nationalité française dépourvue de valeur réglementaire ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

11. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions des requêtes à fin d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par M. B...ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, le versement de la somme dont

M. B...sollicite le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. B...sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Massiou, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 septembre 2016.

Le rapporteur,

B. MASSIOULe président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT03430 15NT03502


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT03430
Date de la décision : 19/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Barbara MASSIOU
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : SELARL MARY et INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-09-19;15nt03430 ?
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