La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/09/2016 | FRANCE | N°14NT02253

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 15 septembre 2016, 14NT02253


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Pecheries d'Armorique a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 27 septembre 2012 par laquelle le directeur départemental des finances publiques des Côtes-d'Armor lui a refusé la restitution de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qu'elle a acquittée au titre de l'année 2011 et de lui accorder la restitution de cette taxe.

Par un jugement no 1204570 du 5 juin 2014, le tribunal administratif

de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Pecheries d'Armorique a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 27 septembre 2012 par laquelle le directeur départemental des finances publiques des Côtes-d'Armor lui a refusé la restitution de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qu'elle a acquittée au titre de l'année 2011 et de lui accorder la restitution de cette taxe.

Par un jugement no 1204570 du 5 juin 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 août 2014, la SAS Pecheries d'Armorique, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 juin 2014 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler la décision du 27 septembre 2012 rejetant sa réclamation ;

3°) de lui accorder la restitution demandée ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dispositions du II de l'article 39 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 méconnaissent, du fait de leur caractère rétroactif, les articles 6, 13 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, les stipulations du 1 de l'article 6 et de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les dispositions du II de l'article 39 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, en distinguant selon que les contribuables ont déposé leur demande de restitution de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée avant ou après le 11 juillet 2012, méconnaissent les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les dispositions du II de l'article 39 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, dont le caractère rétroactif repose seulement sur un motif financier, méconnaissent les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les dispositions du II de l'article 39 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012, qui la privent de la possibilité de présenter une réclamation en vue de bénéficier de la restitution de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dont elle s'est acquittée au titre de l'année 2011, méconnaissent les principes généraux du droit communautaire de sécurité juridique et de confiance légitime.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 février 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens tirés de la méconnaissance de dispositions ou de principes constitutionnels, qui ne peuvent être présentés que dans un mémoire distinct, sont irrecevables ; au surplus, les dispositions de l'article 39 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 ont été jugées conformes à la Constitution ;

- les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent être utilement invoquées en matière fiscale ;

- les autres moyens soulevés par la SAS Pecheries d'Armorique ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation de la décision de rejet de la réclamation préalable.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bougrine,

- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public,

1. Considérant que, par une décision du 27 septembre 2012, le directeur départemental des finances publiques des Côtes-d'Armor a rejeté la réclamation du 18 juillet 2012 par laquelle la société par actions simplifiée (SAS) Pecheries d'Armorique a sollicité auprès de l'administration fiscale la restitution de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dont elle s'était acquittée spontanément au titre de l'année 2011 ; que cette société relève appel du jugement du 5 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la restitution de cette taxe ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de rejet de la réclamation :

2. Considérant que la décision de rejet de la réclamation de la SAS Pecheries d'Armorique prise par le directeur départemental des finances publiques des Côtes-d'Armor le 27 septembre 2012, qui n'est pas détachable de la procédure d'imposition, n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; qu'il suit de là que les conclusions tendant à son annulation sont irrecevables et doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur les conclusions à fin de restitution :

3. Considérant que la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dont il est demandé la restitution a été liquidée sur le fondement des dispositions de l'article 1600 du code général des impôts, dans leur rédaction issue de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ; que le I de l'article 39 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 a introduit, après les huit premiers alinéas du III de cet article 1600 du code général des impôts, un 1 bis précisant les modalités de recouvrement de cette taxe additionnelle ; que le II de ce même article 39 précise que : " Le I s'applique aux impositions dues à compter du 1er janvier 2011, sous réserve des impositions contestées avant le 11 juillet 2012 " ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. " ; qu'une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte ; qu'à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations ;

5. Considérant que, par une décision n° 2012-298 QPC du 28 mars 2013, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires aux droits et libertés que la Constitution garantit les dispositions des huit premiers alinéas du III de l'article 1600 du code général des impôts, dans leur rédaction résultant de la loi de finances pour 2011, au motif que celles-ci ne prévoyaient pas les modalités de recouvrement de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ; que, toutefois, d'une part, l'inconstitutionnalité de ces dispositions était, à la date à laquelle la société requérante a introduit sa réclamation, le 18 juillet 2012, purement hypothétique et ne correspondait pas à une jurisprudence ancienne et constante du Conseil constitutionnel ; que, d'autre part, il ressort notamment des travaux parlementaires relatifs à cette taxe additionnelle que l'intention du législateur avait été de renvoyer aux modalités de recouvrement définies pour l'imposition principale ; que, par ailleurs, si les dispositions de l'article 39 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative définissent explicitement, par leur I, les modalités de recouvrement de la taxe additionnelle, elles n'ont pu, de ce seul fait, faire naître aucune espérance légitime d'obtenir la restitution litigieuse, dès lors qu'elles sont complétées par celles du II qui, en vue de prévenir les contestations à compter du 11 juillet 2012, prévoient une application rétroactive aux impositions dues à compter du 1er janvier 2011 ; que, par suite, la société requérante ne pouvait se prévaloir, à cette date, d'une espérance légitime d'obtenir la restitution de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises acquittée au titre de l'année 2011 ; que, dès lors, elle ne peut utilement invoquer les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que, par une décision n° 2013-327 QPC du 21 juin 2013, le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution les dispositions du II de l'article 39 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative ; que, par suite, la SAS Pecheries d'Armorique n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que ces dispositions sont contraires aux articles 6, 13 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. " ; qu'aux termes de l'article 13 de cette convention : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. " ; que si la SAS Pecheries d'Armorique soutient que les dispositions du II de l'article 39 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative méconnaissent, du fait de leur caractère rétroactif, ces stipulations, il ressort des termes mêmes de celles-ci qu'elles ne peuvent être invoquées que lorsqu'est en cause un droit ou une liberté reconnu par cette convention et ses protocoles ; que la société requérante, n'invoquant dans ses écritures, la méconnaissance d'aucun autre droit ainsi protégé que le droit au recours effectif de l'article 13 et le principe de non-discrimination de l'article 14, ces moyens doivent être écartés ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que, pour faire échec aux dispositions du II de l'article 39 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative, la société requérante se prévaut des stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, cependant, ces stipulations ne peuvent être utilement invoquées pour contester les droits de taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises en litige devant le juge de l'impôt, qui ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas des contestations sur des droits et obligations à caractère civil ;

9. Considérant, en cinquième lieu, que les principes de confiance légitime et de sécurité juridique, qui font partie des principes généraux du droit de l'Union européenne, ne trouvent à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit communautaire ; que tel n'est pas le cas, en l'espèce, de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que les dispositions du II de l'article 39 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative ont méconnu ces principes doit être écarté comme inopérant ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS Pecheries d'Armorique n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la SAS Pecheries d'Armorique de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Pecheries d'Armorique est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Pecheries d'Armorique et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- Mme Bougrine, conseiller.

Lu en audience publique, le 15 septembre 2016.

Le rapporteur,

K. BougrineLe président,

F. Bataille

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

N°14NT022532


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14NT02253
Date de la décision : 15/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : CABINET FIDAL (PLERIN)

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-09-15;14nt02253 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award