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07/07/2016 | FRANCE | N°16NT00685

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 07 juillet 2016, 16NT00685


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Pevildis a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge des cotisations de taxe sur les ventes de poissons, crustacés, mollusques et autres invertébrés marins ainsi que sur les ventes de produits alimentaires dont le poids comporte plus de 30 % de ces produits auxquelles elle a été assujettie pour la période du 1er janvier 2008 au 30 juin 2010, et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1201563 du 19 mars 2013, le tribunal administratif de Caen l'a déchargée

en droits et pénalités du montant auquel elle avait été assujettie pour la périod...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Pevildis a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge des cotisations de taxe sur les ventes de poissons, crustacés, mollusques et autres invertébrés marins ainsi que sur les ventes de produits alimentaires dont le poids comporte plus de 30 % de ces produits auxquelles elle a été assujettie pour la période du 1er janvier 2008 au 30 juin 2010, et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1201563 du 19 mars 2013, le tribunal administratif de Caen l'a déchargée en droits et pénalités du montant auquel elle avait été assujettie pour la période du 1er janvier 2008 au 18 janvier 2008, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Par une ordonnance n°13NT01354 du 9 septembre 2014, le président de la 1ère chambre de la cour, statuant par application des dispositions du 6° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, a rejeté la requête formée par la SAS Pelvidis à l'encontre de ce jugement du tribunal administratif de Caen en tant qu'il avait rejeté ses conclusions relatives à la période du 19 janvier 2008 au 30 juin 2010.

Par une décision n° 385612 du 24 février 2016 le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi formé par la SAS Pevildis, a annulé cette ordonnance et renvoyé l'affaire devant la cour pour y être jugée.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 mai 2013, la SAS Pevildis, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201563 du 19 mars 2013 du tribunal administratif de Caen en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations de taxe sur les ventes de poissons, crustacés, mollusques et autres invertébrés marins ainsi que sur les ventes de produits alimentaires dont le poids comporte plus de 30 % de ces produits auxquelles elle a été assujettie pour la période du 19 janvier 2008 au 30 juin 2010.

2°) de prononcer la décharge de ces contributions pour la période du 19 janvier 2008 au 30 juin 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la taxe instituée par l'article 302 bis KF du code général des impôts n'est pas conforme à la règlementation européenne en matière de concurrence et d'aides de l'Etat dans la mesure où elle constitue une imposition intérieure discriminatoire prohibée par les articles 87, 92 et 90 du traité instituant la Communauté économique européenne devenus les articles 107 et 110 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la contribution pour une pêche durable a été mise en oeuvre en méconnaissance des dispositions de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne devenu l'article 108 du traité sur le fonctionnement de la Communauté économique européenne qui prévoit que lorsqu'un Etat membre institue un régime d'aide il doit le soumettre au préalable à la Commission européenne et ne peut le mettre en application avant que la procédure d'examen de sa compatibilité ait abouti à une décision finale.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 août 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Pevildis ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité instituant la Communauté européenne ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.

1. Considérant que la SAS Pevildis, dont le siège social est situé à Saint-Hilaire-Petitville dans la Manche, et qui exploite un centre de distribution " E Leclerc ", a fait l'objet en 2010 d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2008 au 30 juin 2010 ; qu'au cours de ce contrôle, le vérificateur a constaté que la société n'avait déclaré au titre de cette période aucune vente soumise à la contribution instaurée par l'article 60 de la loi du 25 décembre 2007 sur les ventes de poissons, crustacés, mollusques et autres invertébrés marins ainsi que sur les ventes de produits alimentaires dont le poids comporte plus de 30 % de ces produits, codifié à l'article 302 bis KF du code général des impôts ; qu'une proposition de rectification lui a été adressée le 27 octobre 2010 ; qu'en dépit des observations présentées par la société, un avis de mise en recouvrement d'un montant de 36 144 euros (34 375 euros en droits et 1 769 euros d'intérêts de retard) a été émis le 31 janvier 2012 à son encontre ; que la SAS Pevildis a saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à la décharge de cette imposition ; que, par un jugement du 19 mars 2013, le tribunal administratif a déchargé la société de la taxe litigieuse en droits et pénalités pour la période du 1er janvier au 18 janvier 2008 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ; que, par une ordonnance du 9 septembre 2014, le président de la 1ère chambre de la cour a rejeté la requête de la SAS Pelvidis tendant à l'annulation de ce jugement en tant qu'il avait rejeté le surplus de sa demande ; que, par une décision du 24 février 2016, le Conseil d'Etat a annulé cette ordonnance et renvoyé l'affaire devant la cour pour y être jugée ;

Sur la méconnaissance des articles 87 et 88 du traité instituant la Communauté européenne, devenus les articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne :

2. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne, alors applicable, devenu l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) : " Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions " ; qu'aux termes de l'article 88 du même traité, alors applicable, devenu l'article 108 du TFUE : " 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. (...) / 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87 (...) elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier (...) / 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale. " ; qu'il résulte de ces stipulations que, s'il relève de la compétence exclusive de la Commission de décider, sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne, si une aide de la nature de celles visées par l'article 87 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par le traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité des dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ;

3. Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, d'une part, que les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des stipulations précitées du traité concernant les aides d'Etat, à moins qu'elles ne constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de sorte qu'elles font partie intégrante de cette mesure, d'autre part, que, pour que l'on puisse juger qu'une taxe, ou une partie d'une taxe, fait partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 302 bis KF du code général des impôts, applicable du 19 janvier 2008 au 30 juin 2010, instituant une contribution pour une pêche durable : " Les ventes en France métropolitaine à des personnes autres que des personnes assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée agissant en tant que telles, de poissons, crustacés, mollusques et autres invertébrés marins, ainsi que de produits alimentaires dont le poids comporte pour plus de 30 % de tels produits de la mer sont soumises à une taxe. / La taxe ne s'applique pas aux huîtres et aux moules. / La liste des poissons, crustacés, mollusques ou invertébrés marins visés au premier alinéa est fixée par arrêté. / La taxe est calculée au taux de 2 % sur le montant hors taxe des ventes des produits visés au premier alinéa. / La taxe est due par les personnes dont le chiffre d'affaires de l'année précédente a excédé le premier des seuils mentionnés au I de l'article 302 septies A. / Le fait générateur et l'exigibilité de la taxe interviennent dans les mêmes conditions que celles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée. La taxe est constatée, liquidée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe. " ;

5. Considérant qu'en vertu du principe à valeur constitutionnelle d'universalité budgétaire résultant des dispositions de l'article 2 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l'Etat pour leur montant brut, sans être contractées, et l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues par le deuxième alinéa de l'article 2 et le quatrième alinéa de l'article 6 ;

6. Considérant qu'eu égard à ce principe et aux dispositions précitées de l'article 302 bis KF du code général des impôts, il n'existait aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe litigieuse, dite contribution pour une pêche durable, et le plan d'action en quinze mesures pour une pêche durable et responsable ou une mesure de ce plan ; que cette taxe constituait une recette du budget général dépourvue de tout lien avec le budget du ministère en charge de la pêche et la dotation inscrite à son budget servant à financer le plan d'action pour une pêche durable ; qu'il résulte de l'instruction qu'il n'existait aucun rapport entre le produit de cette taxe ou contribution et le montant des financements publics consacrés à ce plan ; qu'ainsi, la taxe dénommée " contribution pour une pêche durable " n'entrait pas dans le champ d'application des stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne devenu l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne concernant les aides d'Etat ; qu'il suit de là que, contrairement à ce que soutient la SAS Pevildis, les dispositions de l'article 302 bis KF du code général des impôts instaurant la contribution pour une pêche durable n'ont pas été édictées en méconnaissance de l'obligation, prévue par l'article 88 paragraphe 3 du traité instituant la Communauté européenne devenu l'article 108 paragraphe 3 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de notification préalable de ce régime d'imposition à la Commission européenne ;

Sur la méconnaissance des articles 87, 92 et 90 du traité instituant la Communauté européenne devenus les articles 107 et 110 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 90 du traité instituant la Communauté européenne devenu l'article 110 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Aucun État membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres États membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires. / En outre, aucun État membre ne frappe les produits des autres États membres d'impositions intérieures de nature à protéger indirectement d'autres productions. " ; qu'aux termes de l'article 92 du traité instituant la Communauté européenne devenu l'article 112 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " En ce qui concerne les impositions autres que les taxes sur le chiffre d'affaires, les droits d'accises et les autres impôts indirects, des exonérations et des remboursements à l'exportation vers les autres États membres ne peuvent être opérés, et des taxes de compensation à l'importation en provenance des États membres ne peuvent être établies, que pour autant que les mesures envisagées ont été préalablement approuvées pour une période limitée par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission. " ;

8. Considérant que, pour qu'une taxe puisse être qualifiée d'imposition intérieure discriminatoire interdite par l'article 90, les recettes procurées par cette taxe doivent être affectées au profit des seuls produits nationaux ; que la contribution sur les ventes de poissons, crustacés, mollusques et autres invertébrés marins ainsi que sur les ventes de produits alimentaires dont le poids comporte plus de 30 % de ces produits ayant été, ainsi qu'il a été dit aux points précédents, affectée au budget général de l'Etat, compte tenu du principe d'universalité budgétaire, les moyens tirés de ce qu'elle constituerait une imposition intérieure discriminatoire et qu'elle méconnaîtrait les stipulations précitées des articles 90 et 92 du traité instituant la Communauté européenne devenus les articles 110 et 112 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ne peuvent qu'être écartés ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAS Pevildis n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté le surplus de sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la SAS Pevildis de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Pevildis est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Pevildis et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 juillet 2016.

Le rapporteur,

V. GélardLe président,

I. Perrot

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°16NT00685


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT00685
Date de la décision : 07/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : FARCY

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-07-07;16nt00685 ?
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