La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/07/2016 | FRANCE | N°15NT00011

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 05 juillet 2016, 15NT00011


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...et l'EARL du Petit Cordillon ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 12 novembre 2013 par laquelle le maire de la commune de Lingèvres (Calvados) a rejeté leur demande d'abrogation du plan local d'urbanisme de la commune.

Par un jugement n° 1302199 du 6 novembre 2014, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 janvier 2015, un mémoire en réplique enregistré le 23 dé

cembre 2015, et un mémoire en duplique enregistré le 11 février 2016, M. B...C...et l'EARL du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...et l'EARL du Petit Cordillon ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 12 novembre 2013 par laquelle le maire de la commune de Lingèvres (Calvados) a rejeté leur demande d'abrogation du plan local d'urbanisme de la commune.

Par un jugement n° 1302199 du 6 novembre 2014, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 janvier 2015, un mémoire en réplique enregistré le 23 décembre 2015, et un mémoire en duplique enregistré le 11 février 2016, M. B...C...et l'EARL du Petit Cordillon, représentés par MeA..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 6 novembre 2014 ;

2°) d'annuler la décision du 12 novembre 2013 ;

3°) d'enjoindre à la commune de Lingèvres d'abroger, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, le plan local d'urbanisme, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Lingèvres une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

-l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme a été méconnu à plusieurs niveaux ;

- d'abord, si la délibération du 23 avril 2002 précise les modalités de la concertation, elle ne mentionne, contrairement à son intitulé, aucunement la présentation du bilan de la concertation aux membres du conseil municipal, qui n'ont pas été invités à en délibérer ;

- ensuite, le conseil municipal en ouvrant la concertation, par sa délibération du 22 juin 2001, a omis de délibérer sur les objectifs poursuivis par la commune, de sorte que la délibération du 5 mars 2004 approuvant le PLU est entachée d'illégalité et devait donc être abrogée ;

- en outre, le classement de la parcelle C 182 en zone naturelle N, alors qu'elle est exploitée à des fins agricoles par l'EARL du Petit Cordillon, et n'est pas située en fond de vallée justifiant une protection, est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- ce classement ne répond pas aux critères prévus à l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2015 et des mémoires enregistrés les 3 juillet 2015, 29 janvier 2016 et 18 mars 2016, la commune de Lingèvres, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. C...et de l'EARL du Petit Cordillon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- si la délibération du 14 octobre 1999 prescrivant le POS valait prescription d'un PLU, et impliquait, en vertu de la loi SRU du 13 décembre 2000, que la commune délibère sur les modalités de la concertation, ainsi qu'elle l'a fait par sa délibération du 22 juin 2001, elle n'avait pas à délibérer sur les objectifs poursuivis par la procédure d'élaboration puisqu'aucune référence n'y est faite par les articles L. 123-4 et L. 123-19 du code de l'urbanisme alors en vigueur ;

- en outre, l'illégalité invoquée relevait de la légalité externe de la délibération approuvant le plan local d'urbanisme ;

- or, d'une part, un vice affectant la délibération prescrivant l'élaboration d'un document d'urbanisme ne peut être invoqué, par la voie de l'exception, passé un délai de six mois, en application de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- d'autre part, l'absence de définition des objectifs poursuivis par les délibérations des 14 octobre 1999 et 22 juin 2001 ne constitue que l'irrégularité d'une étape de l'élaboration de sorte que le vice doit nécessairement être regardé comme un vice de procédure affectant la délibération " aval " portant approbation du document d'urbanisme ;

- la jurisprudence Danthony trouvant ainsi à s'appliquer, l'illégalité des délibérations des 14 octobre 1999 et 22 juin 2001 n'est de nature à emporter l'illégalité de la délibération d'approbation du PLU que pour autant que le vice a exercé une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ;

- le prétendu vice n'a eu aucune incidence ;

- les autres moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Un courrier du 4 mai 2016 a été adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.

Un avis d'audience emportant clôture d'instruction immédiate a été adressé aux parties le 20 mai 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 ;

- la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Millet,

- les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., substituant MeE..., représentant la commune de Lingèvres.

1. Considérant que M. C...et l'EARL du Petit Cordillon relèvent appel du jugement du 6 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 12 novembre 2013 par laquelle le maire de la commune de Lingèvres (Calvados) a rejeté leur demande tendant à l'abrogation du plan local d'urbanisme de la commune approuvé par une délibération du 5 mars 2004 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue de la loi susvisée du 30 décembre 1988 : " I - Le conseil municipal délibère sur les objectifs poursuivis et sur les modalités d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées dont les représentants de la profession agricole, avant : a) Toute modification ou révision du plan d'occupation des sols qui ouvre à l'urbanisation tout ou partie d'une zone d'urbanisation future (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 123-19 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue de la loi du 13 décembre 2000 : " Les délibérations prescrivant l'élaboration ou la révision d'un plan d'occupation des sols en application des articles L. 123-3 et L. 123-4 dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 précitée valent prescription de l'élaboration ou de la révision du plan local d'urbanisme en application des articles L. 123-6 et L. 123-13 dans leur rédaction issue de cette loi. L'élaboration ou la révision est soumise au régime juridique défini par le présent chapitre (...). La commune ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale délibère, en application de l'article L. 300-2, sur les modalités de la concertation avec la population (...) " ; et qu'aux termes de l'article L. 123-6 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Le plan local d'urbanisme est élaboré à l'initiative et sous la responsabilité de la commune. La délibération qui prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme et précise les modalités de concertation, conformément à l'article L. 300-2, est notifiée au préfet, au président du conseil régional, au président du conseil général et, le cas échéant, au président de l'établissement public prévu à l'article L. 122-4, ainsi qu'aux représentants de l'autorité compétente en matière d'organisation des transports urbains et des organismes mentionnés à l'article L. 121-4. (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions combinées, la délibération du 14 octobre 1999 prescrivant l'élaboration d'un plan d'occupation des sols valait prescription de l'élaboration d'un plan local d'urbanisme en application de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme et le conseil municipal de Lingèvres n'était pas tenu à cette occasion de délibérer sur les objectifs qu'il entendait poursuivre mais seulement de préciser, ainsi qu'il l'a fait par sa délibération du 22 juin 2001, les modalités de la concertation avec la population ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la commune de Lingèvres n'aurait pas délibéré sur les objectifs poursuivis doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 123-18 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " La délibération qui arrête un projet de plan local d'urbanisme peut simultanément tirer le bilan de la concertation, en application du sixième alinéa de l'article L. 300-2 " ; qu'il ressort des pièces du dossier que le conseil municipal s'est réuni le 23 avril 2002, afin de présenter le bilan de la concertation et d'arrêter le projet de plan local d'urbanisme conformément à son ordre du jour; que les dispositions de l'article R.123-18 du code de l'urbanisme n'ont, par suite, pas été méconnues alors même que cette délibération ne précise pas que le maire a présenté le bilan de la concertation et que le conseil municipal en a délibéré ;

4. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; b) Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; c) Soit de leur caractère d'espaces naturels. / En zone N, peuvent seules être autorisées : les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole et forestière ; les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs ou à des services publics, dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière dans l'unité foncière où elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages (...) " ;

5. Considérant qu'il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction ; qu'ils peuvent être amenés, à cet effet, à classer en zone naturelle, pour les motifs énoncés à l'article R. 123-8, un secteur qu'ils entendent soustraire, pour l'avenir, à l'urbanisation ; que leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts ;

6. Considérant qu'il ressort des orientations générales d'urbanisme et d'aménagement que les auteurs du document d'urbanisme ont pris le parti, d'une part, de maîtriser le développement de l'urbanisation dans le bocage en favorisant la reprise du bâti ancien dans les zones naturelles, en ouvrant à l'urbanisation quelques parcelles dans ces zones, en continuité de secteurs déjà bâtis, là où notamment l'activité agricole et le paysage le permettent, et en proscrivant toute urbanisation linéaire le long des routes, d'autre part, de préserver l'espace agricole, notamment en évitant le voisinage trop rapproché des sièges d'exploitations avec les habitations ; qu'il ressort, en outre, du rapport de présentation que le classement en zone N a pour objectif de protéger du développement de l'urbanisation les fonds de vallées, afin qu'ils conservent leur rôle dans le fonctionnement hydrologique du territoire, et les sites et paysages de qualité, en particulier le Cordillon ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la parcelle C 182, qui est séparée du siège de l'exploitation agricole par une route, se trouve, contrairement à ce qui est allégué, comprise dans un vaste espace naturel destiné à être protégé au fond de la vallée du Cordillon ; que si les requérants soutiennent que la parcelle en cause doit être classée en zone agricole dès lors qu'elle est exploitée, son classement en zone N ne fait toutefois pas obstacle à son exploitation et n'est, dès lors, tant à la date de la délibération approuvant le plan local d'urbanisme qu'à la date à laquelle le maire a refusé d'abroger le document d'urbanisme, entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...et l'EARL du Petit Cordillon ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, présentées par les requérants ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Lingèvres, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent M. C...et l'EARL du Petit Cordillon au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C...et de l'EARL du Petit Cordillon le versement à la commune d'une somme globale de 1 500 euros au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...et de l'EARL du Petit Cordillon est rejetée.

Article 2 : M. C...et l'EARL du Petit Cordillon verseront une somme globale de 1 500 euros à la commune de Lingèvres au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C..., à l'EARL du Petit Cordillon et à la commune de Lingèvres.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- Mme Buffet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 juillet 2016.

Le rapporteur,

J-F. MILLET

Le président,

A. PÉREZLe greffier,

S. BOYÈRE

La République mande et ordonne au ministre du logement et de l'habitat durable, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT00011

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT00011
Date de la décision : 05/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme. Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d'urbanisme (PLU). Légalité des plans. Procédure d'élaboration. Prescription.


Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : SELARL JURIADIS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-07-05;15nt00011 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award