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05/07/2016 | FRANCE | N°14NT02936

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 05 juillet 2016, 14NT02936


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Groupement Régional des Associations de Protection de l'Environnement (GRAPE) a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 2 août 2012 du préfet du Calvados pris à l'encontre de la société Guy Dauphin Environnement et relatif aux résidus de broyage automobiles, issus de l'installation classée que cette société exploite à Rocquancourt, qu'elle a entreposés sur le site de l'installation de stockage de déchets inertes exploitée par la société Eco-Mine, sur le territoire de la

commune de Soumont-Saint-Quentin.

Par un jugement n° 1301410 du 18 septembre 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Groupement Régional des Associations de Protection de l'Environnement (GRAPE) a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 2 août 2012 du préfet du Calvados pris à l'encontre de la société Guy Dauphin Environnement et relatif aux résidus de broyage automobiles, issus de l'installation classée que cette société exploite à Rocquancourt, qu'elle a entreposés sur le site de l'installation de stockage de déchets inertes exploitée par la société Eco-Mine, sur le territoire de la commune de Soumont-Saint-Quentin.

Par un jugement n° 1301410 du 18 septembre 2014, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 2 août 2012 du préfet du Calvados.

Procédure devant la cour :

I- Sous le n°14NT02936

Par une requête enregistrée le 19 novembre 2014, la société Guy Dauphin Environnement, représentée par Me C...et MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 septembre 2014 du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 2 août 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ; elle critique les motifs et le dispositif du jugement ;

- le jugement est entaché d'irrégularité ; le moyen d'annulation, tiré de la violation de l'arrêté préfectoral du 1er octobre 2007 autorisant la société Eco-Mine à exploiter l'installation de stockage de déchets inertes de Soumont-Saint-Quentin, retenu par le tribunal administratif de Caen n'a pas été soulevé par le Groupement Régional des Associations de Protection de l'Environnement (GRAPE) ; ce moyen a été soulevé par les premiers juges, sans en informer les parties, ainsi qu'elle en a informé les premiers juges ; les dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ont été méconnues ;

- ce moyen était inopérant ; le préfet a pris acte de l'irrégularité, constituée par le dépôt de résidus de broyage automobiles, commise dans l'exploitation de l'installation de stockage de déchets inertes de Soumont-Saint-Quentin et fait usage de pouvoirs qu'il tient de l'article L. 512-20 en vue de protéger les intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ;

- la société Guy Dauphin Environnement, qui n'est que le producteur des déchets, ne pouvait donc être le destinataire de cet arrêté ; il devait être pris à l'encontre de la société Eco-Mine ; l'arrêté litigieux est donc entaché d'illégalité pour ce motif et non pour le motif retenu par le tribunal administratif de Caen ;

- la décision litigieuse aurait pu être prise au titre de la police des déchets ; il n'est, toutefois, pas possible de procéder à une substitution de base légale ; le préfet n'aurait pu prendre la même décision sur le fondement de l'article L. 541-3 du code de l'environnement.

Par un mémoire en défense, enregistré les 24 avril 2015, le Groupement régional des associations de protection de l'environnement (GRAPE), représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat et de la société Guy Dauphin Environnement à lui verser, chacun, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la société Guy Dauphin Environnement ne sont pas fondés ;

- le préfet du Calvados a commis une erreur manifeste d'appréciation en prescrivant le confinement des résidus sur place et non leur excavation totale.

Par ordonnance du 1er février 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 12 février 2016.

Par un mémoire, enregistré le 2 mai 2016, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions de la requête de la société Guy Dauphin Environnement ne sont pas dirigées contre le dispositif du jugement du tribunal mais contre ses motifs ; sa requête n'est donc pas recevable ;

- le préfet pouvait, en vertu des de pouvoirs qu'il tient de l'article L. 512-20 du code de l'environnement, demander à la société Guy Dauphin Environnement, en sa qualité d'exploitant de l'installation classée de Rocquancourt dont sont issus les résidus de broyage automobiles entreposés illégalement sur le site, de prendre les mesures nécessaires à la protection des intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

Par une ordonnance du 4 mai 2016, la réouverture de l'instruction a été prononcée et une nouvelle clôture a été fixée au 17 mai 2016.

Par un mémoire, enregistré le 13 mai 2016, la société Guy Dauphin Environnement demande à la cour " d'annuler le jugement critiqué " et " d'infirmer l'annulation de l'arrêté préfectoral du 2 août 2012 ".

Elle soulève les mêmes moyens que précédemment et soutient, en outre, que :

- l'annulation prononcée par le tribunal administratif de Caen peut être confirmée mais pour des motifs de droit différents ; elle ne demande pas la confirmation mais l'infirmation du jugement critiqué, pour erreur de droit ; sa requête n'est donc pas irrecevable ; il est vrai qu'elle demande la confirmation de l'annulation de l'arrêté du 2 août 2012, mais pour un motif autre que celui, erroné selon elle, retenu par le premier juge ; elle comprend cependant que sa demande (implicite) tendant à la confirmation de l'annulation de l'arrêté du 2 août 2012 est susceptible de rendre sa requête irrecevable ; elle modifie en conséquence ses demandes de façon à critiquer les motifs et le dispositif du jugement du 18 septembre 2014 ;

- elle persiste à croire que le premier juge a commis une importante erreur de droit en retenant que le préfet était fondé à rechercher, en application de la police des installations classées, la société Guy Dauphin Environnement sur un site dont elle n'était pas l'exploitant.

Par un mémoire, enregistré le 1er juin 2016, le Groupement régional des associations de protection de l'environnement (GRAPE) conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens.

Il soutient en outre que la requête de la société Guy Dauphin Environnement n'est pas recevable ; les conclusions initiales de la requête sont irrecevables dès lors que ne sont contestés que les motifs du jugement du tribunal administratif de Caen ; les conclusions présentées par la société Guy Dauphin Environnement dans son mémoire du 16 mai 2016, présentées au-delà du délai de deux mois imparti pour interjeter appel, tendant à solliciter l'infirmation du jugement sont également irrecevables.

Par une ordonnance du 2 juin 2016, la réouverture de l'instruction a été prononcée.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office.

La société Guy Dauphin Environnement a transmis à la cour le 27 mai 2016 une lettre à la suite de la communication de ces moyens d'ordre public.

II- Sous le n° 14NT02940 :

Par un recours enregistré le 20 novembre 2014, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 septembre 2014 du tribunal administratif de Caen ;

2°) de rejeter la demande présentée par le Groupement Régional des Associations de Protection de l'Environnement (GRAPE) devant le tribunal administratif de Caen ;

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité ; son mémoire en défense enregistré au greffe du tribunal administratif de Caen le 24 octobre 2013 n'est, ni visé, ni analysé dans le jugement attaqué ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Caen, l'arrêté litigieux n'a pas prescrit les modalités de stockage des résidus de broyage automobiles sur le site mais a imposé le confinement des déchets en vue de la protection des intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ;

- son arrêté n'est pas entaché d'une erreur d'appréciation.

Un mémoire, enregistré le 13 février 2015, a été présenté pour la société Guy Dauphin Environnement qui fait siennes les observations présentées par le ministre et n'a pas de nouvelles observations à présenter.

Elle soutient qu'elle ne demande pas l'annulation de l'arrêté du 2 août 2012 alors même qu'elle considère cet arrêté comme entaché d'illégalité dans la mesure où il aurait dû être adressé à la société Eco-Mine.

Par un mémoire, enregistré le 24 avril 2015, le GRAPE conclut au rejet du recours du ministre et à la condamnation de l'Etat et de la société Guy Dauphin Environnement à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens invoqués par le ministre ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 1er février 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 15 février 2016.

Par une ordonnance du 4 mai 2016, la réouverture de l'instruction a été prononcée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Buffet,

- les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public.

Une note en délibéré présentée par la société Guy Dauphin Environnement a été enregistrée le 23 juin 2016.

1. Considérant que la requête n° 14NT02936 présentée pour la société Guy Dauphin Environnement et le recours n° 14NT02940 présenté par le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer sont dirigés contre le même jugement du 18 septembre 2014 du tribunal administratif de Caen ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que, par le jugement du 18 septembre 2014, le tribunal administratif de Caen a annulé, à la demande du Groupement Régional des Associations de Protection de l'Environnement (GRAPE), l'arrêté du 2 août 2012 du préfet du Calvados pris à l'encontre de la société Guy Dauphin Environnement et relatif aux résidus de broyage automobiles (RBA), issus de l'installation classée que cette société exploite à Rocquancourt, qu'elle a entreposés sur le site de l'installation de stockage de déchets inertes exploitée par la société Eco-Mine sur le territoire de la commune de Soumont-Saint-Quentin ;

Sur la recevabilité de la requête n°14NT02936 de la société Guy Dauphin Environnement :

3. Considérant que la requête formée par la société Guy Dauphin Environnement saisit la cour de conclusions tendant à ce que l'arrêté préfectoral du 2 août 2012 soit déclaré illégal, non pour le motif retenu par le tribunal administratif de Caen, mais pour un autre motif tiré de ce que cet arrêté ne pouvait être pris à son encontre dès lors que la société Eco-Mine était l'exploitant de l'installation de stockage de déchets inertes de Soumont-Saint-Quentin ; que, toutefois, d'une part, la société Guy Dauphin Environnement n'a pas demandé, devant le tribunal administratif de Caen, l'annulation de l'arrêté du 2 août 2012 qui a été contesté, en première instance, par le GRAPE, d'autre part, ces conclusions ne sont pas dirigées contre le dispositif du jugement du tribunal mais contre ses motifs ; qu'il suit de là qu'elles ne sont pas recevables ; que la société Guy Dauphin Environnement soutient, toutefois, dans son mémoire, enregistré le 13 mai 2016, en réponse à l'irrecevabilité opposée à sa requête par le ministre, qu'elle demande " la confirmation de l'annulation de l'arrêté du 2 août 2012 mais pour un motif autre que celui, erroné selon elle, retenu par le premier juge ", qu'elle " comprend cependant que sa demande (implicite) tendant à la confirmation de l'arrêté du 2 août 2012 est susceptible de rendre sa requête irrecevable ", et qu'elle " modifie en conséquence ses demandes de façon à critiquer les motifs et le dispositif du jugement du 18 septembre 2014 et qu'il est désormais demandé à la cour, d'infirmer le jugement attaqué en tant qu'il a annulé l'arrêté du 2 août 2012 " ; que, ce faisant, la société doit être regardée comme substituant des conclusions différentes à celles présentées dans sa demande primitive ; que ses nouvelles conclusions, présentées après l'expiration du délai d'appel, sont, par suite, également irrecevables ; qu'il résulte de ce qui précède que la requête de la société Guy Dauphin Environnement n'est pas recevable ;

Sur le recours n° 1402940 du ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer :

Sur régularité du jugement attaqué :

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : "La décision (...) contient (...) l'analyse des conclusions et mémoires (...)" ; qu'il ressort de la minute du jugement du 18 septembre 2014, que celui-ci vise et analyse, notamment, le mémoire en défense du préfet du Calvados, enregistré le 24 octobre 2013 au greffe du tribunal administratif de Caen ; que, dans ces conditions, les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative n'ont pas été méconnues ;

Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 2 août 2012 :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 512-20 de ce code: " En vue de protéger les intérêts visés à l'article L. 511-1, le préfet peut prescrire la réalisation des évaluations et la mise en oeuvre des remèdes que rendent nécessaires soit les conséquences d'un accident ou incident survenu dans l'installation, soit les conséquences entraînées par l'inobservation des conditions imposées en application du présent titre, soit tout autre danger ou inconvénient portant ou menaçant de porter atteinte aux intérêts précités. Ces mesures sont prescrites par des arrêtés pris, sauf cas d'urgence, après avis de la commission départementale consultative compétente " ;

6. Considérant que, par arrêté préfectoral du 19 juin 2000, la société Guy Dauphin Environnement a été autorisée à exploiter, à Rocquancourt, une installation classée, notamment, de stockage et d'activités de récupération de déchets de métaux et d'alliage de résidus métalliques, d'objets en métal et de carcasses de véhicules hors d'usage ; qu'à la suite d'investigations menées, en 2008, par l'inspection des installations classées, cette société a reconnu avoir entreposé des résidus de broyage automobile provenant de son installation de Rocquancourt, sur une parcelle AB 116, dans le site de l'installation de stockage de déchets inertes qu'exploitait alors, sur le territoire de la commune de Soumont-Saint-Quentin, à une quinzaine de kilomètres environ, la société Eco-Mine, en vertu d'un arrêté d'autorisation délivré en décembre 2004 par le maire puis, le 1er octobre 2007, pour une durée de quatre ans, par le préfet du Calvados ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport du 8 juin 2012 de l'inspecteur des installations classées qu'ont ainsi été entreposés illégalement par la société Guy Dauphin Environnement, sur ce site, en 2005, 8 000 m3 de remblais contenant des résidus de broyage automobile d'une teneur en plomb de 9 470 mg/kg, dont il n'est pas contesté qu'ils sont classés dans la catégorie des déchets dangereux au sens de l'article R. 541-8 du code de l'environnement, soit un tonnage compris entre 9 600 et 12 850 tonnes, sur une superficie de 2 000 m2 environ, à une profondeur pouvant atteindre 8 mètres ; que, par l'arrêté du 2 août 2012 litigieux, le préfet a prescrit à la société Guy Dauphin Environnement de procéder sur le site de Soumont-Saint-Quentin à des travaux de confinement de ces déchets dangereux ;

7. Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté préfectoral du 2 août 2012 au motif que les déchets en cause, classés dangereux, ne constituaient pas des déchets inertes issus de la construction ou de la démolition, seuls autorisés sur le site de Soumont-Saint-Quentin par l'arrêté préfectoral du 1er octobre 2007 ; que, toutefois, l'arrêté préfectoral du 2 août 2012, pris au titre de la police des installations classées, sur le fondement de l'article L. 512-20 du code de l'environnement, prescrivant et définissant les mesures de confinement devant être mises en oeuvre sur le site de Soumont-Saint-Quentin par la société Guy Dauphin Environnement, en vue de prévenir les risques de pollution liés à des déchets dangereux déjà entreposés illégalement par cette société ne peut être regardé comme l'autorisant à y stocker des déchets alors, en outre, qu'il résulte de l'instruction que l'autorisation d'exploiter une installation de stockage de déchets inertes délivrée le 1er octobre 2007 à la société Eco Mine, pour une durée de quatre ans, n'a pas été renouvelée ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Caen s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté préfectoral du 2 août 2012 ;

8. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par le Groupement Régional des Associations de Protection de l'Environnement (GRAPE) devant le tribunal administratif de Caen ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'il existe, au droit du site, une nappe d'intérêt régional dite du Bajo Bathonien, destinée à la production d'eau potable, qui est " libre et non protégée par une couche imperméable " ; que, dans son avis du 24 mars 2011, la mission interservices de l'eau (MISE), consultée sur les modalités de gestion des déchets entreposés illégalement par la société Guy Dauphin Environnement, a indiqué que, les aquifères souterrains n'étant pas protégés par une couche de matériaux à faible perméabilité, " les nappes souterraines sont exposées à une pollution à plus ou moins long terme " et que, compte tenu du type de roches en place et des anciennes mines, " il ne peut être exclu que des voies d'infiltration rapide existent " ; qu'elle a, également, souligné que " le maintien en place des déchets, même avec une couverture étanche, est une menace pour la nappe utilisée pour la production d'eau potable ", et que " la réalisation d'une étude hydrogéologique approfondie ne permettrait probablement pas de lever ce doute " ; que, compte tenu de ces éléments, elle a préconisé l'excavation totale des déchets et leur stockage dans un centre spécialisé ; que, dans son second avis du 24 mai 2012, la MISE s'est de nouveau prononcée en faveur de cette solution, en estimant que la pollution pouvait intervenir " par transfert via les pluies météorites ou par mise en contact des déchets par les circulations subhorizontales souterraines ou par ennoiement du stock en période de hautes eaux " ; que, dans son rapport du 8 juin 2012, l'inspecteur des installations classées a, également, précisé que le maintien en place des déchets présente un risque de pollution des sols de la nappe compte tenu de l'absence de couche d'argile sous-jacente, de la présence probable de zones karstiques et d'un contexte hydrogéologique " complexe ", du fait de la présence des galeries d'une ancienne mine de fer ; qu'aucun élément versé au dossier ne permet d'exclure les risques de remontées de la nappe et de lessivage de la partie basse du dépôt de résidus de broyage ; qu'enfin, deux des campagnes d'analyses de la qualité des eaux souterraines réalisées en décembre 2009 et 20 juillet 2011, à partir des piézomètres installés sous le site, ont mis en évidence la présence, notamment, de plomb et de manganèse ; que, si, dans son rapport du 14 février 2011, le Bureau de Recherches Géologiques et Minières(BRGM) a considéré que " le maintien des résidus sur place avec mise en oeuvre d'une couverture bien dimensionnée paraît acceptable ", il ressort de la lecture de ce rapport, d'une part, que le BRGM s'est fondé sur ce que les résultats des analyses n'avaient pas révélé de pollution des eaux souterraines, résultats qui, ainsi qu'il vient d'être dit, sont contredits par les campagnes d'analyses menées en 2009 et 2011, d'autre part, qu'il a reconnu l'existence " d'un fort facteur d'incertitude concernant la présence de circulations d'eaux souterraines dans les couches et qui n'auraient pas été interceptées par les études de pression réalisées " ; que, par suite, en prescrivant à la société Guy Dauphin Environnement de procéder au confinement, sur le site de Soumont-Saint-Quentin, de plusieurs tonnes de résidus de broyage automobile, classés déchets dangereux en raison d'une teneur en plomb de 9 470 mg/kg, alors que la nappe souterraine d'intérêt régional dite du Bajo Bathonien, utilisée pour la production d'eau potable, n'était protégée, ni par une barrière naturelle, ni par aucun autre dispositif destiné à prévenir les atteintes aux intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, le préfet du Calvados a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 512-20 de ce code ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 2 août 2012 du préfet du Calvados ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge, d'une part, de l'Etat, le versement de la somme de 750 euros, d'autre part, de la société Guy Dauphin Environnement, le versement de la somme de 750 euros, que le Groupement Régional des Associations de Protection de l'Environnement demande au titre des frais de même nature qu'il a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Guy Dauphin Environnement et le recours du ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer sont rejetés.

Article 2 : L'Etat versera au Groupement Régional des Associations de Protection de l'Environnement une somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La société Guy Dauphin Environnement versera au Groupement Régional des Associations de Protection de l'Environnement une somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Guy Dauphin Environnement, au groupement régional des associations de protection de l'environnement et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, en charge des relations internationales sur le climat.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Perez, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- Mme Buffet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 juillet 2016.

Le rapporteur,

C. BUFFET Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT02936,14NT02940


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT02936
Date de la décision : 05/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : HARADA

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-07-05;14nt02936 ?
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