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30/06/2016 | FRANCE | N°14NT02366

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 30 juin 2016, 14NT02366


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner l'État à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation des préjudices résultant pour lui, d'une part, de l'illégalité de la sanction de 20 jours de cellule disciplinaire prise à son encontre le 3 mai 2011 et exécutée du 9 mai 2001 au 19 mai suivant, date de son annulation par le directeur interrégional des services pénitentiaires, et, d'autre part, des conditions de sa détention en cellule disciplinaire durant cette période.r>
Par un jugement n° 1200332 du 5 août 2014, le tribunal administratif d'Orléans...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner l'État à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation des préjudices résultant pour lui, d'une part, de l'illégalité de la sanction de 20 jours de cellule disciplinaire prise à son encontre le 3 mai 2011 et exécutée du 9 mai 2001 au 19 mai suivant, date de son annulation par le directeur interrégional des services pénitentiaires, et, d'autre part, des conditions de sa détention en cellule disciplinaire durant cette période.

Par un jugement n° 1200332 du 5 août 2014, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 septembre 2014 et 16 novembre 2015 M. A...D..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 août 2014 du tribunal administratif d'Orléans ;

2°) de condamner l'État à lui verser une somme de 15 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur quant aux faits qui lui ont été reprochés ;

- la sanction de 10 jours de cellule disciplinaire prise par la commission de discipline le 3 mai 2011 a été annulée alors qu'elle avait été totalement exécutée, ce qui est de nature à lui causer un préjudice ;

- la circonstance que la sanction a été annulée pour vice de procédure ne signifie pas qu'elle ait pu être légalement justifiée ;

- la cellule disciplinaire dans laquelle il a été incarcéré du 9 mai au 19 mai 2011 ne constituait pas un logement décent au sens du décret n°2002-120 du 30 janvier 2002, de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel, des articles D. 350 à D. 352 du code de procédure pénale, du règlement sanitaire départemental, et de l'article 22 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ; la taille de cette cellule, sa propreté et les conditions de l'hygiène corporelle étaient contraires à la dignité humaine ;

- les conditions de détention en cellule disciplinaire ont été constatée par des experts et sont également constitutives de préjudices ;

- son préjudice moral et psychologique est attesté par une perte de poids de 10 kgs.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 novembre 2015, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens développés par M. D...n'est fondé.

Par une ordonnance du 8 octobre 2015 la clôture d'instruction a été fixée au 5 novembre 2015.

Par une ordonnance du 5 novembre 2015, la clôture de l'instruction a été reportée au 19 novembre 2015 à 12h00.

M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 décembre 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n°2009-1436 du 24 novembre 2009 ;

- le décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris pour l'application de l'article 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lemoine,

- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.

1. Considérant que M.D..., né le 11 mai 1975, incarcéré à ...; qu'après avoir présenté au garde des sceaux, ministre de la justice, une demande préalable d'indemnisation, M. D...a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à la condamnation de l'État à l'indemniser des préjudices subis du fait de sa détention en cellule disciplinaire pour la période du 9 mai au 19 mai 2011 et des conditions de cette détention ; qu'il relève appel du jugement du 5 août 2014 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur le préjudice résultant de l'exécution de la sanction prononcée le 3 mai 2011 :

2. Considérant que M. D...s'est vu infliger, par une décision de la commission de discipline de la maison d'arrêt d'Orléans du 3 mai 2011, une sanction de vingt jours de cellule disciplinaire dont dix jours avec sursis, qui a été retirée, après avoir été exécutée, par le directeur interrégional des services pénitentiaires pour un motif d'irrégularité de procédure ; que M. D...demande à être indemnisé du préjudice qu'il estime avoir subi en raison de l'illégalité de cette décision ;

3. Considérant que les faits reprochés à M. D...doivent être regardés comme établis par les pièces du dossier, qui attestent de la détention par lui d'une téléphone portable sans autorisation ; que le fait d'avoir introduit ou tenté d'introduire au sein de l'établissement un objet ou une substance dangereux pour la sécurité des personnes ou de l'établissement, de les détenir ou d'en faire l'échange contre tout bien, produit ou service, constitue une faute du 1er degré au sens du 7° de l'article R 54-7-1 du code de procédure pénale ; que, dans ces conditions, la sanction de 20 jours de cellule disciplinaire dont 10 jours avec sursis prononcée à l'encontre de M.D..., qui est comprise dans le quantum des sanctions prévues par l'article R. 57-7-41 du code de procédure pénale pour les fautes du 1er degré, était justifiée au fond ; qu'elle était également proportionnée à la faute commise ; que, par suite, et dès lors que la sanction disciplinaire aurait pu être légalement prise si la procédure avait été régulièrement suivie, le préjudice résultant pour M. D...de son placement en cellule disciplinaire pour une durée de dix jours est dépourvu de lien de causalité avec le vice de procédure dont cette décision était entachée ; que, par conséquent, les conclusions indemnitaires présentées par M. D...du fait de l'illégalité de cette décision de sanction ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur le préjudice lié aux conditions de détention :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article 22 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 : " L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits. L'exercice de ceux-ci ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l'âge, de l'état de santé, du handicap et de la personnalité de la personne détenue. " ; qu'aux termes de l'article D. 349 du code de procédure pénale : " L'incarcération doit être subie dans des conditions satisfaisantes d'hygiène et de salubrité, tant en ce qui concerne l'aménagement et l'entretien des bâtiments, le fonctionnement des services économiques et l'organisation du travail, que l'application des règles de propreté individuelle et la pratique des exercices physiques " ; qu'aux termes des articles D. 350 et D. 351 du même code, d'une part, " les locaux de détention et, en particulier, ceux qui sont destinés au logement, doivent répondre aux exigences de l'hygiène, compte tenu du climat, notamment en ce qui concerne le cubage d'air, l'éclairage, le chauffage et l'aération " et, d'autre part, " dans tout local où les détenus séjournent, les fenêtres doivent être suffisamment grandes pour que ceux-ci puissent lire et travailler à la lumière naturelle. L'agencement de ces fenêtres doit permettre l'entrée d'air frais. La lumière artificielle doit être suffisante pour permettre aux détenus de lire ou de travailler sans altérer leur vue. Les installations sanitaires doivent être propres et décentes. Elles doivent être réparties d'une façon convenable et leur nombre proportionné à l'effectif des détenus " ; qu'en raison de la situation d'entière dépendance des personnes détenues vis-à-vis de l'administration pénitentiaire, l'appréciation du caractère attentatoire à la dignité des conditions de détention dépend notamment de leur vulnérabilité, appréciée compte tenu de leur âge, de leur état de santé, de leur personnalité et, le cas échéant, de leur handicap, ainsi que de la nature et de la durée des manquements constatés et des motifs susceptibles de justifier ces manquements eu égard aux exigences qu'impliquent le maintien de la sécurité et du bon ordre dans les établissements pénitentiaires, la prévention de la récidive et la protection de l'intérêt des victimes ; que seules des conditions de détention qui porteraient atteinte à la dignité humaine, appréciées à l'aune de ces critères et à la lumière des dispositions du code de procédure pénale, notamment des articles D. 349 à D. 351 ainsi que de l'article D. 354, révèlent l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique ;

5. Considérant, d'une part, que M.D..., alors âgé de 36 ans, qui ne fait état d'aucune situation de vulnérabilité particulière, se plaint de ses conditions de sa détention dans la cellule disciplinaire n°21 de la maison d'arrêt d'Orléans durant la période du 9 mai au 19 mai 2011, en se fondant sur un rapport d'expertise établi le 29 septembre 2010 à la demande d'un autre détenu ; que ce rapport, rédigé par un architecte, concernant une cellule disciplinaire identique à celle occupée par M.D..., a relevé que le système de ventilation de la cellule n'était pas conforme au règlement sanitaire départemental, que l'apport d'air extérieur était insuffisant, que la surface des ouvrants était insuffisante dans la cellule disciplinaire et dans les douches, et que ces douches manquaient d'hygiène ; que, toutefois, M. D...ne peut utilement se prévaloir des normes définies en matière de logement par le règlement sanitaire départemental, lequel n'est applicable qu'aux habitations et non aux cellules des maisons d'arrêt ; que, par ailleurs, les cellules disciplinaires individuelles de cette maison d'arrêt sont d'une surface supérieure à 9 m² et disposent d'une ouverture en permettant l'éclairage et une ventilation suffisante ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment d'un rapport d'expertise judiciaire établi par un médecin expert qui a visité la cellule n°21 le 24 mars 2011, soit peu de temps avant la période concernée, que cette cellule avait été entièrement rénovée moins d'un mois avant cette visite, qu'elle avait été repeinte et ne présentait aucune dégradation ; que cet expert a par ailleurs relevé que si les douches du quartier disciplinaire étaient mal ventilées, elles étaient cependant d'un niveau d'entretien correct ; que si M. D...fait encore valoir le manque d'hygiène de la cellule lorsqu'il y a été admis, les photos qu'il produit ne démontrent pas l'état de saleté qu'il invoque, alors au demeurant que l'entretien courant des cellules relève des détenus qui les occupent ; que si M. D...fait également valoir qu'il ne disposait pas des produits d'entretien nécessaires, il est constant que l'intéressé a obtenu des produits de nettoyage distribués par l'administration pénitentiaire durant son séjour dans cette cellule, quand bien même il les auraient, comme il le soutient, obtenus à la suite du référé-liberté introduit le 13 mai 2011 ; qu'au surplus, il ressort des termes de l'ordonnance rendue le 16 mai 2011 par le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans qu'à la date de l'audience en référé l'état de propreté de la cellule de M. D...était acceptable ; que, dès lors, M. D...n'établit pas que ses conditions de détention dans la cellule n°21 de la maison d'arrêt d'Orléans pour la période du 9 au 19 mai 2011 auraient été contraires aux dispositions du code de procédure pénale et aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et seraient, pour ce motif, de nature à engager la responsabilité de l'État ;

6. Considérant, d'autre part, que M. D...ne peut utilement se prévaloir ni de l'objectif à valeur constitutionnelle visant à permettre à toute personne de disposer d'un logement décent, ni des normes définies en matière de logement issues du décret du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent, qui ne concernent ni l'un ni l'autre les cellules des établissements pénitentiaires ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D...et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2016 à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique le 30 juin 2016.

Le rapporteur,

F. Lemoine

Le président,

I. Perrot

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT02366


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT02366
Date de la décision : 30/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

37-05-02-01 Juridictions administratives et judiciaires. Exécution des jugements. Exécution des peines. Service public pénitentiaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. François LEMOINE
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : CHOLLET

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-06-30;14nt02366 ?
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