La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/06/2016 | FRANCE | N°15NT02101

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 21 juin 2016, 15NT02101


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...G...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 3 janvier 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation et la décision du 10 avril 2012 par laquelle le ministre a rejeté son recours gracieux dirigé contre cette décision d'ajournement.

Par un jugement n° 1206415 du 13 mai 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Proc

dure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 juillet 2015, M.G..., représe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...G...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 3 janvier 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation et la décision du 10 avril 2012 par laquelle le ministre a rejeté son recours gracieux dirigé contre cette décision d'ajournement.

Par un jugement n° 1206415 du 13 mai 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 juillet 2015, M.G..., représenté par la MeI..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 mai 2015 ;

2°) d'annuler les décisions du ministre de l'intérieur, des collectivités territoriales et de l'immigration du 3 janvier 2012 et du 10 avril 2012 ;

3°) d'enjoindre à l'administration à lui délivrer la nationalité française ;

4°) de mettre à charge de l'Etat la somme de 5600 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens ;

Il soutient que :

- la décision du 3 janvier 2012 est entachée d'un double vice de compétence ;

- les décisions des 3 janvier et 10 avril 2012 sont insuffisamment motivées ;

- le ministre a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation ;

- il ne peut faire l'objet d'une double sanction pour les mêmes faits ;

- les renseignements favorables devaient également être pris en compte, en vertu de la circulaire du 27 juillet 2010.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. G... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le décret n°2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement ;

- le décret du 30 juin 2010 modifiant le titre V du décret du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Millet.

1. Considérant que M. G..., ressortissant syrien, relève appel du jugement du 13 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 janvier 2012 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ajournant à deux ans sa demande d'acquisition de la nationalité française et de la décision du 10 avril 2012 rejetant son recours gracieux ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 9 du décret du 30 juin 2010 susvisé, " Le présent décret entre en vigueur le 1er juillet 2010 sur tout le territoire de la République. Les demandes de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française qui, à cette date, ont fait l'objet de la transmission prévue aux articles 44 et 45 du décret susvisé du 30 décembre 1993 dans leur rédaction antérieure au présent décret restent régies par ces dispositions. " ; qu'aux termes de l'article 45 du décret du 30 décembre 1993, dans sa version applicable : " Si au cours de la procédure de constitution du dossier une pièce fait apparaître que la demande est manifestement irrecevable, l'autorité auprès de laquelle la demande a été déposée transmet le dossier en l'état, assorti de son avis motivé, au ministre chargé des naturalisations, qui statue sur la demande. " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de naturalisation de M. G...a été transmise aux services du ministère le 30 juin 2010 ; qu'en vertu des dispositions précitées du décret du 30 décembre 1993 dans leur version consolidée au 30 juin 2010, le ministre était compétent pour prononcer, le 17 juin 2011, l'irrecevabilité de la demande de M. G...après avis du préfet ; qu'en conséquence, le ministre, a pu, en réponse au recours gracieux présenté par l'intéressé, décider, le 3 janvier 2012, de substituer à sa première décision une décision d'ajournement ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, et d'une part, qu'aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre (...) et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / 1° (... ) les directeurs d'administration centrale (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de ce décret : " Les personnes mentionnées aux 1° et 3° de l'article 1er peuvent donner délégation pour signer tous actes relatifs aux affaires pour lesquelles elles ont elles-mêmes reçu délégation : 1° (...) aux fonctionnaires de catégorie A (...) qui n'en disposent pas au titre de l'article 1er (...) " ; que, par décret du 15 juillet 2009, publié au Journal officiel de la République française du 16 juillet 2009, M. D...C...a été nommé directeur de l'accueil, de l'intégration et de la citoyenneté du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ; que, par une décision du 9 août 2011, régulièrement publiée au Journal officiel de la République française du 11 août 2011, M. C...a donné délégation à Mme A...J..., attachée principale d'administration des affaires sociales au premier bureau des naturalisations et signataire de la décision d'ajournement du 3 janvier 2012, et à Mme E...H..., attachée principale d'administration des affaires sociales au premier bureau des naturalisations et signataire de la décision de rejet du recours gracieux du 10 avril 2012, à l'effet de signer, au nom du ministre chargé des naturalisations, tous actes, arrêtés et décisions à l'exclusion des décrets, dans la limite de leurs attributions ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 3 du décret du 27 juillet 2005 : "La délégation prévue au présent article entre en vigueur le lendemain de la publication au Journal officiel de la République française de l'arrêté désignant le ou les titulaires de la délégation et précisant les matières qui en font l'objet. Elle peut être abrogée à tout moment par un acte contraire. Elle prend fin en même temps que les fonctions de celui qui l'a donnée " ; qu'il n'est cependant pas établi qu'à la date de la décision contestée l'arrêté donnant délégation de signature, qui n'avait pas à être limité dans le temps, aurait été abrogé ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que les décisions contestées auraient été signées par des autorités incompétentes manque en fait ;

6. Considérant, en troisième lieu, que le rejet d'un recours administratif contre une décision motivée n'a pas à être lui-même motivé ; qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du 3 janvier 2012 ajournant à deux ans la demande de naturalisation présentée par M. G...énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; que par suite, elle est suffisamment motivée ; que dès lors, M. G...ne peut utilement soutenir que la décision d'ajournement et celle rejetant son recours gracieux seraient insuffisamment motivées ;

En ce qui concerne la légalité interne :

7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 49 du décret du 30 décembre 1993 susvisé dans sa version applicable : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient au postulant, s'il le juge opportun, de formuler une nouvelle demande " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement fiscal du postulant et décider de rejeter la demande ou de l'ajourner ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de bordereaux de situation émis par le Centre des finances publiques de Courbevoie, datés du 8 mars 2010 et du 3 août 2011, que le requérant a méconnu ses obligations fiscales en ne s'acquittant de son impôt sur les revenus de 2008, 2009 et 2010 et de sa taxe d'habitation en 2008 et 2009 qu'avec retard et après majoration ; qu'ainsi, compte tenu du caractère récent et répété de la méconnaissance par le postulant de ses obligations de contribuable, et alors même qu'il se serait par la suite acquitté dans les délais requis du paiement de ses impôts, le ministre a pu, dans le cadre de son large pouvoir d'appréciation, ajourner à deux ans la demande de M. G...sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que l'accès à la nationalité française ne constitue pas un droit pour l'étranger qui la sollicite ; que le refus d'accorder la naturalisation à un étranger au motif qu'il a manqué à ses obligations fiscales ne saurait dès lors constituer, contrairement à ce que soutient le requérant, une sanction ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que la décision du ministre infligerait une " double peine " au requérant pour le non respect de ses obligations fiscales ne peut qu'être rejeté ;

10. Considérant, en dernier lieu, que M. G...ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du 27 juillet 2010 du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, relative à la déconcentration de la procédure d'acquisition de la nationalité française, laquelle ne présente pas de caractère réglementaire ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. G...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de M. G...n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction de l'intéressé ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demande M. G...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... G...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- M. François, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 juin 2016.

Le rapporteur,

J-F. MILLETLe président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

N° 15NT02101


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT02101
Date de la décision : 21/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : CABINET PETROUSSENKO

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-06-21;15nt02101 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award