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16/06/2016 | FRANCE | N°15NT00480

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 16 juin 2016, 15NT00480


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Vasco da Gama a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010, des pénalités pour manquement délibéré et de la pénalité prévue à l'article 1759 du code général des impôts.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Vasco da Gama a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010, des pénalités pour manquement délibéré et de la pénalité prévue à l'article 1759 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1205000 du 17 décembre 2014, le tribunal administratif de Rennes a, par son article 1er, prononcé la décharge des majorations pour manquement délibéré appliquées à la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés due au titre de l'exercice clos en 2010 et aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er septembre 2009 au 31 août 2010 et, par son article 2, rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 février 2015 et le 27 janvier 2016, la SARL Vasco da Gama, représentée par MeA..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 17 décembre 2014 ;

2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010 et de la pénalité prévue à l'article 1759 du code général des impôts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors qu'elle n'a eu aucune explication ni détail sur le calcul du chiffre d'affaires reconstitué après 1'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 16 mars 2012 ;

- l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère irrégulier de sa comptabilité ;

- les bases d'imposition sont exagérées ; les marges réalisées sur la vente de bières en pression n'est pas comparable à celle de la vente de bières en bouteille ; l'administration fiscale n'a retenu aucun taux de perte pour les autres boissons que la bière ; il est fait totalement abstraction des aléas liés à l'activité de bar-restaurant, à savoir la casse, les périmés, les erreurs de dosage ; l'administration n'a pas tiré toutes les conséquences de l'avis de la commission départementale ; les résultats dégagés par la société requérante et spontanément déclarés sont en cohérence avec l'importance de son entreprise ; les travaux de reconstitution du chiffre d'affaires opérés sur les exercices clos au 30 juin 2008 et au 30 juin 2009 n'ont pas abouti à constater de discordances significatives ;

- l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts n'est pas due dès lors qu'elle a désigné sa gérante comme bénéficiaire des distributions ; en tout état de cause, cette désignation ne pouvait être effectuée avant la fixation des bases d'imposition.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 septembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la SARL Vasco da Gama n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Allio-Rousseau,

- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public.

1. Considérant que la société à responsabilité limitée (SARL) Vasco da Gama exploite à Roscoff un restaurant-débit de boissons de 4ème catégorie ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur l'ensemble de ses déclarations fiscales relatives à la période du 1er octobre 2007 au 30 juin 2010 ; qu'après avoir écarté la comptabilité de la société comme dépourvue de valeur probante, le service vérificateur a procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires ; que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010, d'un montant de 3 463 euros, et la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2010, d'un montant de 5 520 euros, ont été assortis de la majoration de 40% pour manquement délibéré ; que l'administration a également appliqué l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts, faute pour la société d'avoir désigné les bénéficiaires des distributions ; que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du Finistère a confirmé lors de sa séance du 16 mars 2012 le rejet de la comptabilité et a validé la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires proposée par l'administration en faisant toutefois droit à la demande de la SARL Vasco da Gama portant sur la ventilation " jour-nuit " de ses ventes ; que, par un jugement du 17 décembre 2014, le tribunal administratif de Rennes a, par son article 1er, prononcé la décharge des majorations pour manquement délibéré appliquées à la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés due au titre de l'exercice clos en 2010 et aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010 et, par son article 2, rejeté le surplus de sa demande ; que la SARL Vasco da Gama relève appel de l'article 2 de ce jugement ;

Sur la régularité de la procédure :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales : " A l'issue (...) d'une vérification de comptabilité, lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 (...), le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications. Lorsqu'à un stade ultérieur de la procédure de rectification contradictoire l'administration modifie les rehaussements, pour tenir compte des observations et avis recueillis au cours de cette procédure, cette modification est portée par écrit à la connaissance du contribuable avant la mise en recouvrement, qui peut alors intervenir sans délai. " ;

3. Considérant que la SARL Vasco da Gama fait valoir qu'elle n'a eu aucune explication ni aucun détail sur le calcul du chiffre d'affaires reconstitué après 1'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 16 mars 2012 ; que toutefois ni les dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales ni aucune autre disposition de ce livre n'imposent à l'administration d'informer le contribuable du montant du chiffre d'affaires reconstitué selon l'avis de la commission départementale ; qu'il résulte en outre de l'instruction que, par deux courriers du 30 mars 2012, l'administration a, d'une part, informé la société requérante de la teneur de l'avis émis par la commission départementale auquel elle envisageait de donner suite et, d'autre part, indiqué le nouveau décompte des droits, pénalités et majorations à la suite de cet avis ; que ces deux courriers lui ont été adressés avant la mise en recouvrement le 30 juillet 2012 de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ; que, dans ces conditions, la modification des rehaussements issus de la vérification de comptabilité contenus dans la proposition de rectification du 17 juin 2011 ont été portés à la connaissance de la société requérante conformément aux dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

S'agissant du rejet de la comptabilité :

4. Considérant que, lors du contrôle sur place de la SARL Vasco da Gama, le vérificateur a relevé, d'une part, que les états détaillés des recettes ne comportaient aucune dénomination des produits vendus, ce qui rendait impossible l'identification des consommations vendues, et, d'autre part, que la ventilation des recettes par mode de paiement qui figurait sur les tickets " RAZ " était corrigée après comptage des recettes sur 1'agenda de caisse, la mention " espèces " étant portée par défaut sur les tickets ; que si la société fait valoir que les bandes de caisse permettaient d'identifier la vente de bouteilles entières, il résulte des constats effectués par le vérificateur que les insuffisances des pièces justificatives de recettes et les modifications manuscrites relatives aux modes de paiement faisaient obstacle à la vérification de la concordance des ventes avec les achats comptabilisés de l'activité de vente de boissons ; qu'ainsi et alors même que le chiffre d'affaires lié à la restauration n'a pas été remis en cause, l'administration a pu, à bon droit, tenir la comptabilité de la SARL Vasco da Gama comme dénuée de toute valeur probante ;

S'agissant de la méthode de reconstitution :

5. Considérant que l'administration s'étant conformée à l'avis rendu par la commission départementale le 16 mars 2012, tant en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés qu'en matière de taxe sur la valeur ajoutée, la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition incombe à la société requérante en application des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales ; qu'elle peut, dès lors qu'elle n'est pas en mesure d'établir le montant exact de ses bases d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée et de son bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés en s'appuyant sur une comptabilité régulière et probante, soit critiquer la méthode d'évaluation que l'administration a suivie et qu'elle doit faire connaître au contribuable, en vue de démontrer que cette méthode aboutit à une exagération des bases d'imposition, soit, aux mêmes fins, soumettre à l'appréciation du juge une nouvelle méthode d'évaluation permettant de déterminer les bases d'imposition avec une précision meilleure que celle qui pouvait être obtenue par la méthode utilisée par l'administration ;

6. Considérant, en premier lieu, que le vérificateur a admis la prise en compte des offerts et des consommations de la gérante et du personnel salarié sur la base des quantités résultant des montants comptabilisés à ce titre par la société ; que l'administration a également tenu compte des explications de la société sur la correction à apporter au titre de la bière en fût vendue au verre et a réduit en conséquence les impositions initialement notifiées ; que si la SARL Vasco da Gama fait valoir que n'a été retenu aucun taux de perte sur les boissons autres que la bière et indique que les aléas liés à l'activité n'ont pas été pris en compte, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir, ainsi qu'il lui incombe, le taux représentatif de la casse, des articles périmés et des erreurs de dosage qu'elle évalue à 5% ; qu'elle ne démontre pas davantage que les offerts et consommations comptabilisés en 2010 seraient sous-évalués ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'en se bornant à faire valoir que son taux de marge brut après reconstitution de ses recettes au titre de l'exercice clos en 2010 serait irréaliste compte tenu de son activité, de sa taille et des achats consommés, la SARL Vasco da Gama n'apporte aucun élément de nature à démontrer le caractère radicalement vicié de la méthode de reconstitution mise en oeuvre par l'administration ;

8. Considérant, en troisième lieu, que l'absence de rectification des chiffres d'affaires déclarés au titre des exercices clos en 2008 et 2009 et le montant des droits rappelés sont sans incidence sur le bien-fondé des impositions en litige ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales qu'il incombe au juge, saisi d'une contestation portant sur des impositions mises à la charge d'une société dont la comptabilité a été écartée comme non probante et qui ont été soumises à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, afin d'attribuer la charge de la preuve, de rechercher si l'administration s'est conformée à cet avis ; que le juge se prononce notamment au vu des éléments produits par le contribuable de nature à établir que l'administration ne s'y est pas conformée ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que l'administration a, avant de mettre en recouvrement les impositions en litige, tenu compte de l'avis de la commission qui a estimé que le chiffre d'affaires " boissons " devait tenir compte de l'ensemble des cafés inclus dans les recettes liées à l'activité de restauration et modifié en conséquence la ventilation des boissons consommées en journée et la nuit ; qu'en l'espèce, la SARL Vasco da Gama ne produit aucun élément de nature à établir que l'administration ne se serait pas conformée à cet avis ;

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

10. Considérant, en troisième lieu, que l'instruction administrative, reprise au paragraphe 200 du BOI-CF-IOR-10-20, en ce qu'elle précise que les reconstitutions du bénéfice brut doivent être effectuées à partir des conditions concrètes de fonctionnement de l'entreprise et que les renseignements donnés par les contribuables doivent être soigneusement étudiés et retenus s'ils sont jugés acceptables par le vérificateur, ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale, au sens et pour l'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que, dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir de cette instruction sur le fondement de ces dispositions ;

Sur le bien-fondé de l'amende :

11. Considérant qu'aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759. " ; qu'aux termes de cet article 1759 : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. / (...) " ;

12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL Vasco da Gama n'a pas répondu dans le délai légal de 30 jours à la demande de 1'administration, formulée dans la proposition de rectification reçue le 24 juin 2011, de lui fournir toutes indications sur les bénéficiaires des revenus distribués mis en évidence par les rectifications litigieuses ; que la circonstance que la SARL Vasco da Gama contestait le bien-fondé des réintégrations envisagées par l'administration en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés ne la dispensait pas de répondre à la demande de désignation des bénéficiaires de la distribution des sommes ainsi contestées ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration lui a infligé l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Vasco da Gama n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le surplus de sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la SARL Vasco da Gama demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Vasco da Gama est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Vasco Da Gama et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juin 2016.

Le rapporteur,

M-P. Allio-Rousseau Le président,

F. Bataille

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT00480


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15NT00480
Date de la décision : 16/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : SELARL AVOXA BREST

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-06-16;15nt00480 ?
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