Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Courtes Pattes a demandé au tribunal administratif de Nantes de la décharger des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1302458 du 16 juillet 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 septembre 2014, la SARL Courtes Pattes, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 juillet 2014 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; en effet, le vérificateur ne justifie pas son évaluation des stocks à la clôture de l'exercice 2008 ainsi qu'à l'ouverture et à la clôture de l'exercice 2006 ;
- la circonstance qu'aucun inventaire de stock n'ait été conservé ne suffit pas à retirer tout caractère probant à la comptabilité ; l'absence de chronologie des lignes de ventes sur le serveur de la société STIAC n'est lié à aucune anomalie dans la chronologie des ventes de chaque magasin ; si la chronologie des ventes est parfois rompue, cela s'explique par les caractéristiques du logiciel de comptabilisation ; si un taux de tickets manquants de 0,5 à 1,2 % selon les périodes peut être relevé, ce taux est normal ; si des doublons peuvent être constatés dans les numéros de tickets sur le serveur de la société STIAC, cette situation est normale puisque ce serveur consolide les tickets des deux magasins ; compte tenu du mode de fonctionnement des magasins de détail, il est normal que des erreurs puissent apparaître dans la ventilation des modes de paiement entre les cartes bancaires, les chèques et les espèces, à la suite d'erreurs de saisie, de sorte que les écarts entre les encaissements par cartes bancaires retracés dans les " feuilles de journée " et ceux portés sur les comptes bancaires, constatés au titre de 7 journées, ne sont pas révélateurs ; la comptabilisation, au titre d'un exercice, d'avoirs et de factures d'achat relatifs à un exercice antérieur ne suffit pas à ôter tout caractère probant à la comptabilité ; il s'ensuit que l'administration ne pouvait pas écarter la comptabilité ;
- la méthode de reconstitution suivie par le vérificateur est excessivement sommaire et radicalement viciée ; en effet, contrairement à ce qu'a estimé le vérificateur, la valeur des stocks à la clôture de l'exercice 2008, rapportée à celle des achats de cet exercice, devait nécessairement être élevée, compte tenu de la conjoncture ; de même, les stocks ne pouvaient pas être inchangés à l'ouverture et à la clôture de l'exercice 2006 ; est anormalement faible le prix moyen des paires de chaussures en stock à l'ouverture de l'exercice 2006, obtenu en divisant la valeur du stock en comptabilité à la clôture de l'exercice 2005 par le nombre de paires de chaussures en stock, selon l'administration, à l'ouverture de l'exercice 2006 ; il en va de même s'agissant du prix moyen des paires de chaussure en stock à la clôture de l'exercice 2008, obtenu en divisant la valeur du stock en comptabilité par le nombre de paires en stock d'après l'administration ; le service a omis de prendre en compte des avoirs de fournisseurs et des factures d'achats, commettant ainsi des erreurs de calcul dans le nombre de paires de chaussures achetées ; 16 journées de vente n'ont pas été comptabilisées ; le montant des achats d'accessoires est anormalement faible par rapport au chiffre d'affaires retenu pour ces accessoires par l'administration ; le prix unitaire de vente de certains de ces accessoires est excessivement élevé compte tenu de leur nature ; les articles vendus à un prix excédant 10 euros étaient des chaussures et non des accessoires ;
- le service a omis de faire usage de plusieurs méthodes de reconstitution, méconnaissant ainsi les prévisions des instructions du 4 août 1976 et du 15 décembre 1983 ; la reconstitution réalisée par un cabinet comptable mandaté par la société, qui repose sur des extrapolations à partir de l'état du stock au 31 décembre 2009, en tenant compte des achats et des ventes au cours de l'exercice 2009, est plus fiable que celle opérée par le service.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 21 janvier 2016, la clôture d'instruction a été fixée au jour même.
Des pièces complémentaires, déposées pour la SARL Courtes Pattes, ont été enregistrées le 3 février 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jouno,
- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la SARL Courtes Pattes.
1. Considérant que la société à responsabilité limitée (SARL) Courtes Pattes, qui exploite deux magasins de chaussures pour enfants à Nantes, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 ; que, par une proposition de rectification du 23 décembre 2009, l'administration a estimé qu'au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007, la comptabilité de cette société comportait de graves irrégularités et a, dès lors, procédé, s'agissant de cette période, à la reconstitution du chiffre d'affaires ; qu'elle a par ailleurs relevé qu'au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2008, la société n'avait pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elle était tenue de souscrire en sa qualité de redevable de la taxe sur la valeur ajoutée et l'a taxée d'office sur le fondement du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales ; qu'il en a résulté des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'ensemble de la période vérifiée, assortis de la majoration de 40 % prévue en cas de manquement délibéré ainsi que de l'intérêt de retard ; qu'après le rejet partiel de sa réclamation, la SARL Courtes Pattes a demandé au tribunal administratif de Nantes de la décharger des rappels de taxe sur la valeur ajoutée restant à sa charge et des pénalités correspondantes ; que, par le jugement attaqué, dont elle relève appel, cette demande a été rejetée ;
Sur la régularité de la procédure :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter, outre la désignation de l'impôt concerné, de la période d'imposition et de la base des redressements, ceux des motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés qui sont nécessaires pour permettre au contribuable de formuler utilement ses observations ;
3. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 23 décembre 2009 adressée à la SARL Courtes Pattes, qui indique les raisons pour lesquelles la comptabilité de cette société ne peut être tenue pour probante au titre de la période correspondant aux exercices clos les 31 décembre 2006 et 2007 et précise la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires et les calculs effectués, comporte l'ensemble des mentions exigées par ces dispositions ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des rectifications portant sur la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 doit être écarté ;
4. Considérant, d'autre part, que, s'agissant des rectifications notifiées au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2008 suivant la procédure de taxation d'office, la SARL Courtes Pattes ne peut utilement invoquer une méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, applicable lorsque la procédure de redressement contradictoire a été suivie ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
5. Considérant, d'une part, qu'il résulte certes de l'instruction, et notamment du procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité du 20 juillet 2009, que la SARL Courtes Pattes n'a pas été en mesure de présenter au vérificateur un inventaire détaillé de ses stocks aux 31 décembre 2006 et 31 décembre 2007 ; que, pour ce seul motif, la comptabilité de cette société devait être regardée comme étant entachée, au titre des exercices clos à ces dates, de graves irrégularités ; qu'après avoir constaté ces graves irrégularités, le vérificateur a reconstitué le chiffre d'affaires de la SARL Courtes Pattes ; qu'il ne résulte, toutefois, pas de l'instruction que les rectifications en résultant aient été soumises à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que, par suite, la SARL Courtes Pattes n'entre pas dans le champ d'application du deuxième alinéa de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales ; que, dès lors que la requérante a formulé des observations sur ces rectifications dans le délai légal, le 21 janvier 2010, et que celles-ci ont été notifiées, s'agissant de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007, selon la procédure contradictoire, l'administration supporte la charge de la preuve du bien-fondé des impositions litigieuses au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 ;
6. Considérant, d'autre part, que la régularité de la procédure de taxation d'office mise en oeuvre par l'administration s'agissant de la période du 1er janvier au 31 décembre 2008 n'a pas été contestée ; qu'il appartient, par conséquent, à la SARL Courtes Pattes, en vertu des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, de démontrer l'exagération des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de cette période ;
En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :
7. Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. " ;
8. Considérant que, pour déterminer le chiffre d'affaires de la SARL Courtes Pattes au titre des exercices clos les 31 décembre 2006 à 2008, le vérificateur a, en premier lieu, examiné l'ensemble des factures d'achat de chaussures au cours de la période vérifiée et ainsi déterminé le nombre de paires achetées au titre des trois exercices vérifiés ; que, selon ces calculs, celui-ci s'élevait respectivement à 25 257, 31 577 et 43 264 paires ;
9. Considérant qu'en deuxième lieu, après avoir rappelé qu'" aucun document permettant d'établir la réalité des stocks constatés en comptabilité n'[avait] été présenté durant le contrôle ", le vérificateur a cherché à évaluer ces stocks ; qu'à cette fin, il a tout d'abord relevé que le stock figurant en comptabilité aux 31 décembre 2006, 2007 et 2008 représentait respectivement 39,5 %, 39,4 % et 53,10 % des achats effectués au cours des exercices clos à ces dates, puis estimant que le rapport entre les stocks et les achats, constaté au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2008, était " hors norme " par rapport à celui des deux autres exercices, a évalué le stock à la clôture de l'ensemble des exercices vérifiés en multipliant le nombre de paires achetées en cours d'exercice par 39,5 %, soit le rapport entre le stock au 31 décembre 2006 et les achats réalisés au cours de l'exercice 2006 ; que, selon ce calcul, le stock devait être regardé comme constitué, au 31 décembre 2006 de 9 976 paires, au 31 décembre 2007 de 12 472 paires, et au 31 décembre 2008 de 17 089 paires ; qu'estimant qu'aucun élément ne justifiait le stock à la date du 1er janvier 2006, le vérificateur a supposé que le stock était resté constant en 2006 ;
10. Considérant qu'en troisième lieu, le vérificateur a déterminé le nombre de paires de chaussures vendues au titre de chaque exercice en tenant compte des achats ainsi que des stocks d'ouverture et de clôture ;
11. Considérant qu'en quatrième lieu, le vérificateur a estimé le prix de vente moyen des paires de chaussures en prenant soin, d'une part, d'intégrer les périodes de soldes et d'inclure des articles vendus pour un prix nul et, d'autre part, de ne tenir compte ni des accessoires vendus, ni des articles achetés auprès d'un fournisseur de crèmes et imperméabilisants, ni des chaussettes, ni de la layette, ni de la petite maroquinerie ; que le prix de vente moyen ainsi déterminé était, toutes taxes comprises, de 45,27 euros en 2006, 46,40 euros en 2007 et 47,90 euros en 2008 ; qu'ainsi, les ventes reconstituées de chaussures s'élevaient, toutes taxes comprises, à 1 143 384 euros en 2006, 1 349 358 euros en 2007 et 1 851 191 euros en 2008 ; que les ventes d'autres biens ont été évaluées, toutes taxes comprises, à 15 590,90 euros en 2006, 28 357,80 euros en 2007 et 108 360,10 euros en 2008 ;
12. Considérant que, dans sa réclamation, la SARL Courtes Pattes a notamment relevé des erreurs commises par le vérificateur dans la comptabilisation des achats, certaines factures d'achats et certains avoirs n'ayant pas été pris en compte par lui ; qu'ayant reconnu ces erreurs, l'administration a, statuant sur cette réclamation, réduit son estimation du nombre de paires de chaussures achetées ; qu'ainsi, ce nombre a été fixé, respectivement, à 24 402, 31 301 et 42 148 paires au titre des exercices clos les 31 décembre 2006, 2007 et 2008 ; que l'administration n'a pas modifié son évaluation des stocks de clôture ; qu'il en a résulté des dégrèvements partiels au titre des périodes correspondant à chacun des exercices en cause ;
Quant à la période du 1er janvier au 31 décembre 2006 :
13. Considérant que la SARL Courtes Pattes soutient que le nombre de paires de chaussures en stock au 1er janvier 2006 d'après l'administration, à savoir 9 976, est anormalement élevé dès lors que le stock au 31 décembre 2005 est valorisé, dans son bilan, à 69 597 euros ; qu'elle ajoute qu'elle n'exploitait qu'un seul magasin au début de l'exercice 2006 et en a acquis un second en mars 2006, ce qui a nécessairement eu pour effet une croissance du stock en cours d'exercice ; qu'elle en déduit que, si le vérificateur avait appliqué la même méthode que celle exposée aux points 7 à 11 tout en retenant un nombre de paires de chaussures en stock au 1er janvier 2006 compatible avec la valeur du stock à cette date, aucune rectification n'aurait été proposée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2006 ;
14. Considérant que le ministre relève, pour sa part, qu'aucun inventaire du stock à la clôture de l'exercice 2005 ne lui a été présenté et fait valoir qu'il y a lieu de supposer, ainsi que l'a fait le vérificateur, que le stock est resté constant au cours de l'exercice 2006, de sorte que le stock de chaussures à l'ouverture de cet exercice doit, au même titre que le stock à la clôture, être évalué à 39,5 % des achats de chaussures réalisés en cours d'exercice, soit 9 976 paires ;
15. Considérant que si le vérificateur a postulé que le stock n'avait pas varié au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2006, c'est implicitement mais nécessairement au motif que les conditions d'exploitations étaient, durant cet exercice, restées inchangées ; qu'il est, cependant, constant qu'ainsi qu'elle le rappelle, la SARL Courtes Pattes a acquis un second point de vente au cours de cet exercice ; que le ministre ne produit aucun élément de nature à justifier qu'en dépit de l'incidence qu'elle est susceptible d'avoir eu sur le volume d'activité de la requérante, une telle circonstance n'a pas eu pour effet une augmentation du stock de chaussures en cours d'exercice 2006 ; qu'au surplus, le nombre de paires de chaussures en stock au 1er janvier 2006, tel qu'évalué par le vérificateur, est anormalement élevé, compte tenu de la valeur du stock au 31 décembre 2005, selon la comptabilité, qui, au titre de l'exercice clos en 2005 n'avait pas été écartée ; que, dans ces conditions, l'administration ne justifie pas du bien-fondé de l'unique méthode qu'elle a suivie pour reconstituer le chiffre d'affaires au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2006, laquelle ne peut qu'être regardée comme radicalement viciée ; que, par suite, c'est à tort que l'administration a notifié à la SARL Courtes Pattes des rappels de taxe au titre de cette période, assortis de pénalités ;
Quant à la période du 1er janvier au 31 décembre 2007 :
S'agissant de l'application de la loi fiscale :
16. Considérant, en premier lieu, que, pour contester les rectifications opérées au titre de cette période, la SARL Courtes Pattes fait valoir que le vérificateur a omis de prendre en compte des avoirs de fournisseurs et des factures d'achats, de sorte qu'il a surévalué le nombre de paires de chaussures achetées ;
17. Considérant, toutefois, qu'ainsi qu'il est exposé au point 12, l'administration, statuant sur la réclamation, a reconnu ces erreurs et dégrevé la société des rappels en résultant ;
18. Considérant, en deuxième lieu, que la SARL Courtes Pattes soutient que le vérificateur a surévalué le chiffre d'affaires résultant de la vente d'accessoires tels que des semelles ou des chaussettes ; qu'à l'appui de ce moyen, elle indique, tout d'abord, que ce chiffre d'affaires s'élevait, toutes taxes comprises, selon le vérificateur, à 28 357,80 euros en 2007 et 108 360,10 euros en 2008 alors que le montant des achats correspondant aux accessoires était de 1 468 euros en 2007 et 2 540 euros en 2008 ; qu'elle ajoute, ensuite, que le prix unitaire de vente de certains de ces accessoires, tel qu'il ressort des calculs de l'administration, est excessivement élevé ; qu'elle précise, enfin, que les articles vendus sous la référence " divers ou accessoires " à un prix excédant 10 euros étaient des chaussures et non, comme le libellé associé à leur vente tend à l'indiquer, des accessoires ;
19. Considérant, toutefois, que le ministre expose, sans être contredit, que la société n'a pas intégré dans son logiciel de gestion l'intégralité des articles livrés et que ces articles ont été revendus sous une référence " divers ou accessoires ", laquelle ne permettait pas de connaître la nature de l'article en cause ; qu'il doit être regardé comme justifiant, en particulier par la production d'un tableau annexé à sa décision d'admission partielle, que, compte non tenu des retours de marchandises, les articles portant cette référence ou relevant de la " petite maroquinerie " étaient au nombre de 620 en 2007 et 2 202 en 2008 et que, respectivement, 46 et 84 d'entre eux avaient un prix de vente, toutes taxes comprises, inférieur à 10 euros ; qu'il établit enfin que le montant des ventes de tels articles, tel que mentionné sur le tableau annexé à sa décision d'admission partielle, d'une part, et celui des ventes d'articles autres que des chaussures, tel que reconstitué par le vérificateur, d'autre part, étaient, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2007, cohérents entre eux ; que, ce faisant, il doit être regardé comme justifiant du bien-fondé des rectifications portant sur la taxe ayant grevé les ventes d'articles autres que des chaussures au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2007 ;
20. Considérant, en troisième lieu, que la SARL Courtes Pattes fait valoir que la reconstitution réalisée par un cabinet comptable mandaté par elle, qui repose sur des extrapolations à partir de l'état du stock au 31 décembre 2009, justifié par un inventaire de stocks, et tient compte des achats et des ventes réalisés au cours de l'exercice 2009, est plus fiable que celle opérée par le service ;
21. Mais considérant que cette méthode de reconstitution du chiffre d'affaires proposée par la SARL Courtes Pattes se fonde sur des données comptables relatives à l'exercice 2009, lesquelles n'ont pas été examinées par le vérificateur ; qu'ainsi, l'administration justifie que, contrairement à ce que prétend la requérante, elle ne présente pas un degré de fiabilité supérieur à celle retenue par elle ;
S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :
22. Considérant que la SARL Courtes Pattes ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des instructions administratives du 14 août 1976 et du 15 décembre 1983 reprises à la documentation de base 4 G3342, n° 4, dans sa rédaction à jour au 25 juin 1998, qui précisent que, le cas échéant, les bases imposables du contribuable sont reconstituées selon plusieurs méthodes de reconstitution, dès lors qu'elles ne formulent, à l'intention des agents des impôts, que de simples recommandations ;
Quant à la période du 1er janvier au 31 décembre 2008 :
S'agissant de l'application de la loi fiscale :
23. Considérant, en premier lieu, qu'en se bornant à se prévaloir de statistiques professionnelles et de la situation économique défavorable en cours d'année 2008, la requérante ne justifie pas que le rapport entre les stocks en fin d'exercice et les achats réalisés en cours d'exercice serait supérieur à 39,5 % ;
24. Considérant, en deuxième lieu, qu'en invoquant le caractère élevé du rapport entre la valeur du stock au 31 décembre 2008, selon sa propre comptabilité, écartée, et le nombre de paires de chaussures figurant dans ce même stock d'après l'administration, la requérante, qui n'a pas conservé d'inventaires de ses stocks, ne démontre pas que ce dernier nombre serait sous-évalué ;
25. Considérant, en troisième lieu, que la SARL Courtes Pattes doit être regardée comme faisant valoir que le prix de vente moyen des chaussures retenu par l'administration est surévalué dès lors que le vérificateur a déterminé ce prix sans prendre en compte 16 journées de ventes ; que, cependant, elle ne justifie pas que, si le vérificateur avait intégré à ses calculs ces 16 journées de ventes, qui étaient prises en compte par sa comptabilité mais n'apparaissaient pas dans le logiciel de gestion, le prix de vente moyen des chaussures au titre de l'exercice aurait été inférieur à 47,90 euros, prix retenu dans le cadre de la reconstitution du chiffre d'affaires ;
26. Considérant, en quatrième lieu, qu'au soutien des conclusions tendant à la décharge des rappels mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2008, la SARL Courtes Pattes soulève le moyen mentionné au point 16 ; que celui-ci doit être écarté par le motif mentionné au point 17 ; qu'elle soulève en outre le moyen exposé au point 18 ; que, toutefois, compte tenu des explications fournies par le ministre et rappelées au point 19, elle ne justifie pas que les rectifications portant sur la taxe ayant grevé les ventes d'articles autres que des chaussures au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2008 seraient exagérées ; qu'enfin, elle soulève le moyen exposé au point 20 ; que, cependant, pour le motif mentionné au point 21, ce moyen doit être écarté ;
27. Considérant qu'il résulte des énonciations des points 23 à 26 que la SARL Courtes Pattes ne démontre pas l'exagération du chiffre d'affaires résultant, au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2008, de la reconstitution opérée par l'administration, laquelle n'est ni excessivement sommaire ni radicalement viciée ;
S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :
28. Considérant que l'invocation, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des instructions administratives du 14 août 1976 et du 15 décembre 1983 doit être écartée pour les motifs exposés au point 22 ;
29. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Courtes Pattes est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes ne l'a pas déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2006 ainsi que des pénalités correspondantes, sans qu'il soit besoin de statuer sur le surplus des moyens soulevés au soutien des conclusions en décharge relatives à cette période ; qu'en revanche, la société, qui n'a saisi la cour d'aucune contestation propre aux pénalités, n'est pas fondée à se plaindre de ce que ce tribunal a rejeté le surplus de ses conclusions en décharge ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
30. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que la SARL Courtes Pattes demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La SARL Courtes Pattes est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2006 ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 16 juillet 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Courtes Pattes est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée (SARL) Courtes Pattes et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 19 mai 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 juin 2016.
Le rapporteur,
T. JounoLe président,
F. Bataille
Le greffier,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT02406