Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. François,
- les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant la société Carrefour Hypermarchés, de MeB..., substituant MeC..., représentant la société Distribution Casino France, et de MeF..., représentant l'EURL Saint Doulchardis.
1. Considérant que les requêtes n°15NT00708, présentée par la société Carrefour Hypermarchés, et n°15NT00711, présentée par la société Distribution Casino France, sont dirigées contre la même décision de la Commission nationale d'aménagement commercial ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur l'intervention de la commune de Saint-Doulchard :
2. Considérant que la commune de Saint-Doulchard a intérêt au maintien de la décision attaquée ; qu'ainsi son intervention est recevable ;
Sur la demande d'autorisation :
3. Considérant, en premier lieu, que, d'une part et contrairement à ce qui est soutenu, l'autorisation d'exploitation commerciale contestée n'a pas été attribuée à une société inexistante en tant qu'elle vise l'EURL Saint-Doulchardis et non la société Saint-Doulchard Distribution ; qu'il ressort en effet des pièces du dossier que cette dernière société est également désignée sous l'appellation " société Saint-Doulchardis ", comme elle l'a fait au demeurant devant la Commission et devant la Cour ; que, d'autre part, la société pétitionnaire a présenté à l'appui de sa demande un extrait " K bis " du registre du commerce et des sociétés la qualifiant de " société à responsabilité limitée à associé unique " ; qu'il est constant que cette qualification est synonyme de celle " d'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée " (EURL) sous laquelle la société se présente habituellement ; qu'enfin l'objet social de la pétitionnaire, qui porte notamment sur toute demande d'autorisation de construire des bâtiments nécessaires à l'exploitation de commerces, lui donnait qualité pour solliciter l'autorisation de création d'un ensemble commercial ;
4. Considérant que l'EURL Saint-Doulchardis justifiait de l'accord du Groupe SCAC, propriétaire des trois parcelles sur lesquelles doit être édifié l'hypermarché litigieux, pour présenter une demande d'autorisation de création d'un ensemble commercial ; que, compte tenu de ce qui a été dit au point 3, cet accord doit être regardé comme établi, alors même qu'il vise la société Saint-Doulchard Distribution ;
5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R.752-7 du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable : " II La demande est également accompagnée (...) d'une étude destinée à permettre à la commission d'apprécier les effets prévisibles du projet (...) Celle-ci comporte les éléments permettant d'apprécier les effets du projet sur (...) 2 ° les flux de voitures particulières et de véhicules de livraison (...) " ;
6. Considérant que le dossier de la demande comporte de manière suffisante des éléments relatifs aux flux supplémentaires de circulation induits par le centre commercial projeté, précisant que 48 % des 2 744 clients motorisés appelés à le fréquenter quotidiennement seront des " migrants pendulaires ", circulant déjà sur la route départementale (RD) 2076 longeant le futur centre, le flux complémentaire généré par ce dernier étant limité à 584 véhicules, chiffre porté à 654 véhicules en tenant compte de la construction simultanée d'une station service non concernée par l'autorisation contestée ; que, par ailleurs, le dossier de demande qui énumère l'ensemble des commerces existant à Bourges et à Saint-Doulchard, contient également une analyse de l'impact du projet sur ces commerces ; qu'ainsi, la pétitionnaire, dont le dossier permettait à la commission nationale de se prononcer en toute connaissance de cause, a satisfait à la règle posée par l'article R.752-7 précité du code de commerce ;
Sur la procédure suivie devant la Commission nationale d'aménagement commercial :
7. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de convocation des membres de la commission n'est assorti d'aucune précision de nature à en établir le bien fondé ;
8. Considérant, en second lieu, que la circonstance que M. G...E..., qui avait reçu délégation de signature par arrêté du 29 juin 2011 du directeur général de la compétitivité, de l'industrie et des services, lui-même régulièrement habilité, ait signé sous la forme d'une lettre d'accompagnement l'avis émis au nom du ministre chargé du commerce prescrit à l'article R. 752-51 du code de commerce est sans incidence sur la régularité de cet avis ;
Sur l'appréciation de la commission nationale :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L 752-6 du code de commerce : " Lorsqu'elle statue sur l'autorisation d'exploitation commerciale visée à l'article L. 752-1, la commission (...) se prononce sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d'évaluation sont : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne ;b) L'effet du projet sur les flux de transport (...) 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet ; b) Son insertion dans les réseaux de transports collectifs. "
10. Considérant qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles se prononcent sur un projet d'exploitation commerciale soumis à autorisation en application de l'article L. 752-1 du code de commerce, d'apprécier la conformité de ce projet aux objectifs prévus à l'article L. 750-1 du code de commerce, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du même code ; que l'autorisation ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet compromet la réalisation de ces objectifs ;
11. Considérant, en premier lieu, que si, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de la Commission nationale d'aménagement commercial, les décisions qu'elle prend doivent être motivées, cette obligation n'implique pas que la commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables ; que la commission nationale s'est en l'espèce implicitement prononcée sur les effets attendus du projet en matière d'animation de la vie urbaine ; que le moyen tiré du défaut d'examen de la demande au regard de cet objectif doit ainsi être écarté ;
12. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'ensemble commercial autorisé sera implanté à 3 kilomètres du centre de Saint-Doulchard et à 6 kilomètres du centre de Bourges, dans la continuité d'une zone commerciale diversifiée existante ; que, situé dans une des quatre zones d'aménagement commercial identifiées dans le schéma de cohérence territoriale (SCOT) de l'agglomération berruyère approuvé le 18 juin 2013, il est compatible avec ce dernier ; que les requérantes ne sauraient se prévaloir de ce qu'en 2013, la commission nationale avait refusé la création d'un ensemble commercial sur la même emprise que celle du projet autorisé, ce refus ayant alors été motivé par l'ampleur de l'opération qui comprenait un hypermarché, 7 magasins de moyenne surfaces et 17 boutiques pour une surface de vente totale de 15 907 m², alors que le projet litigieux, hormis l'hypermarché et les huit espaces à l'enseigne E. Leclerc qui en sont indissociables, ne comprendra que cinq boutiques et que l'ensemble aura une surface de vente limitée à 7461,50 m² ; qu'il sera ainsi insusceptible de concurrencer l'activité commerciale diversifiée du centre de Bourges ; qu'en outre, le magasin E. Leclerc déjà implanté à l'intérieur de la ville est destiné à y demeurer ; que, dans ces conditions, et alors que les sociétés requérantes ne sauraient utilement se prévaloir ni de l'importance des implantations commerciales en périphérie de Bourges, ni de la concurrence exercée sur ceux-ci par l'implantation projetée, dès lors que ces critères ne sont pas au nombre de ceux mentionnés par les dispositions de l'article L. 752-6 précité du code de commerce, ni enfin de ce que la ville de Bourges ait bénéficié de subventions du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce pour deux projets précis de réhabilitation urbaine, la commission nationale n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que le projet autorisé ne porterait pas atteinte à l'animation de la vie urbaine ;
13. Considérant, en troisième lieu, que l'ensemble commercial autorisé sera desservi par les RD 944 et 2076, axes routiers structurants à l'échelle de l'agglomération ; qu'il sera relié à la RD 2076 par un rond-point mis en service en 2011 et qu'une nouvelle sortie, financée par la société pétitionnaire, sera créée sur la RD 944, le président du conseil général ayant accordé une permission de voirie à cet effet le 14 octobre 2014 ; que l'impact du projet sur les flux de transport, évalué à 584 véhicules supplémentaires par jour comme il a été dit au point 6, sera limité au regard des capacités de ces infrastructures, la RD 2076 absorbant, au droit du rond-point desservant le projet, un flux journalier de près de 11 000 véhicules et la RD 944 un flux de 2 500 véhicules ;
14. Considérant, en quatrième lieu, qu'une ligne d'autobus, dont la fréquence d'un véhicule toutes les 25 minutes est satisfaisante, relie le site du projet aux centres-villes de Bourges et de Saint-Doulchard ; que la circonstance que les cheminements dédiés aux piétons et aux cyclistes demeurent... ;
15. Considérant, en cinquième lieu, qu'il ressort des éléments complémentaires produits par la pétitionnaire devant la commission nationale que la circulation au sein du site sera assurée sans croisements entre les véhicules et que le trafic des camions de livraison sera indépendant de celui de la clientèle du centre commercial, les livraisons destinées à l'hypermarché se déroulant en outre pour l'essentiel en dehors des heures d'ouverture à la clientèle ; qu'ainsi le plan de circulation interne au centre commercial apparait dépourvu de danger pour les usagers ;
16. Considérant, enfin, que l'ensemble commercial autorisé, inséré dans un secteur ayant vocation à être urbanisé entre des lotissements à usage d'habitation et des zones d'activités, occupera d'anciennes terres agricoles actuellement en friche ; que son insertion paysagère est satisfaisante, marquée par la plantation de 335 arbres de haute tige, notamment sur le parc de stationnement de 700 places, et l'aménagement de haies et de noues plantées de graminées et d'arbustes, les espaces verts représentant ainsi 27% de l'emprise foncière ; que 310 m² de murs végétaux seront aménagés sur la façade principale de l'hypermarché, en alternance avec le bardage métallique ; que l'adoption de la réglementation thermique 2012 et la réalisation d'aménagements spécifiques permettront l'adéquation optimale des consommations énergétiques ; qu'il résulte par ailleurs des pièces produites par le pétitionnaire, lequel n'était pas tenu de fournir à la commission nationale le fonctionnement détaillé du procédé de méthanisation des déchets retenu, qu'une gestion adéquate des eaux et des déchets sera réalisée, l'ensemble visant la " haute qualité environnementale " ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commission nationale a fait une exacte appréciation de l'article L 752-6 du code de commerce en estimant que le projet satisfaisait aux critères définis par cet article ; que, par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de la décision attaquée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat et de l'EURL Saint-Doulchardis , qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, le versement aux sociétés Carrefour Hypermarchés et Distribution Casino France des sommes demandées à ce titre ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge des sociétés Carrefour Hypermarchés et Distribution Casino France une somme de 1 000 euros chacune au titre des frais de même nature exposés par l'EURL Saint-Doulchardis ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de la commune de Saint-Doulchard est admise.
Article 2 : Les requêtes de la société Carrefour Hypermarchés et de la société Distribution Casino France sont rejetées.
Article 3 : La société Carrefour Hypermarchés et la société Distribution Casino France verseront chacune à l'EURL Saint-Doulchardis une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Carrefour Hypermarchés, à la société Distribution Casino France, à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Saint-Doulchardis, à la Commission nationale d'aménagement commercial et à la commune de Saint-Doulchard.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bachelier, président de la cour,
- M. Millet, président assesseur ;
- M. François, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 juin 2016.
Le rapporteur,
E. FRANCOISLe président,
G. BACHELIER
Le greffier,
S BOYERE
La République mande et ordonne au ministre du logement et de l'habitat durable, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°s 15NT00708, 15NT00711