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24/05/2016 | FRANCE | N°15NT00401

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 24 mai 2016, 15NT00401


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 2 janvier 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de la 5ème section de l'unité territoriale de Maine-et-Loire a autorisé son licenciement.

Par un jugement n°1401938 du 23 décembre 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 février 2015 et un mémoire du 10 mars 2016, Mme A..., représentée par MeC..., demande à la c

our :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 décembre 2014 ;

2°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 2 janvier 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de la 5ème section de l'unité territoriale de Maine-et-Loire a autorisé son licenciement.

Par un jugement n°1401938 du 23 décembre 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 février 2015 et un mémoire du 10 mars 2016, Mme A..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 décembre 2014 ;

2°) d'annuler la décision du 2 janvier 2014 de l'inspectrice du travail de la 5ème section de l'unité territoriale de Maine-et-Loire ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que la société Chemillé Distribution n'a pas respecté son obligation de recherche de reclassement en n'examinant pas la possibilité d'aménager des postes de travail existants ;

- la décision de l'inspecteur du travail a été prise au-delà du délai de 15 jours requis ; les éléments versés au dossier par son employeur ne lui ont pas été communiqués ; aucune confrontation avec l'employeur n'a eu lieu au cours de l'enquête contradictoire ;

- la recherche de reclassement par l'employeur au sein de la société Chemillé Distribution a été insuffisante ;

- les sociétés exploitant les magasins à l'enseigne E. Leclerc forment un groupe au sens du code du travail, l'employeur n'a effectué aucune recherche de reclassement au sein de ce groupe.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2015, la société Chemillé Distribution, représentée par Me E...conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de Mme A...le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requérante n'est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 avril 2016, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête en s'en rapportant à ses observations de 1ère instance.

Par ordonnance du 15 avril 2016, la clôture d'instruction initialement fixée au 18 mars 2016 a été reportée au 29 avril 2016.

Un mémoire non communiqué présenté par la société Chemillé Distribution a été enregistré le 28 avril 2016.

Mme A...a produit le 29 avril 2016 une pièce non communiquée.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. François,

- les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant MmeA... et de MeB..., substituant Me E... représentant la société Chemillé Distribution ;

1. Considérant que Mme A..., recrutée en 2007 par la société Chemillé Distribution, exploitante d'un hypermarché à l'enseigne E. Leclerc, en tant qu'employée administrative et secrétaire, a été désignée représentante de la section syndicale CGT le 26 février 2013 ; qu'à la suite de deux visites médicales tenues les 2 et 17 septembre 2013, le médecin du travail l'a déclarée définitivement et totalement inapte au travail dans l'entreprise ; que par décision du 2 janvier 2014, l'inspectrice du travail de la 5ème section de l'unité territoriale de Maine-et-Loire a autorisé son licenciement ; que Mme A... relève appel du jugement du 23 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'en indiquant " que les offres de reclassement adressées à Mme A... mentionnaient avec suffisamment de précision la nature des fonctions et des tâches à accomplir et permettaient à l'intéressée d'apprécier les caractéristiques du poste proposé " , le tribunal a suffisamment répondu au moyen, au demeurant non développé, tiré de ce que la société Chemillé Distribution n'aurait pas respecté son obligation de recherche de reclassement en n'examinant pas la possibilité d'aménager des postes de travail existants ; que, par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché de l'irrégularité alléguée ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 2 janvier 2014 :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 2421-4 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. L'inspecteur du travail prend sa décision dans un délai de quinze jours (...) Ce délai court à compter de la réception de la demande d'autorisation de licenciement. Il n'est prolongé que si les nécessités de l'enquête le justifient. L'inspecteur informe les destinataires mentionnés à l'article R. 2421-5 de la prolongation du délai. " ;

4. Considérant que si l'inspectrice du travail n'a pas notifié à la requérante son intention de prolonger le délai d'enquête et a pris sa décision au-delà du délai de quinze jours prévu par l'article précité, ces circonstances ne sont pas de nature à entacher cette décision d'irrégularité ; que, contrairement à ce qu'elle soutient, Mme A... a été destinataire de la demande d'autorisation de licenciement introduite par son employeur et des pièces jointes, et a ainsi été mise à même d'en discuter utilement les éléments ; qu'aucune disposition du code du travail n'imposait la tenue d'une confrontation entre le salarié concerné et son employeur ; que, dès lors, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que la procédure suivie a été irrégulière ;

5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise.(...) L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. ".

6. Considérant qu'en vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé ; que la circonstance que l'avis du médecin du travail, auquel il incombe de se prononcer sur l'aptitude du salarié à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment ou à exercer d'autres tâches existantes, déclare le salarié protégé " inapte à tout emploi dans l'entreprise ", ne dispense pas l'employeur, qui connaît les possibilités d'aménagement de l'entreprise, de rechercher toute possibilité de reclassement, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations des postes de travail ou aménagement du temps de travail ; que, l'autorité administrative doit en outre s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'employeur a également procédé à la recherche des possibilités de reclassement du salarié dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel ;

7. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier qu'afin de satisfaire à ses obligations en matière de reclassement, la société Chemillé Distribution a proposé à Mme A... trois postes, l'un de secrétaire comptable, qu'elle occupait depuis son embauche, puis ceux d'employée libre-service et d'hôtesse de caisse, ce dernier poste s'inscrivant dans le cadre d'un contrat à durée déterminée ; que, consulté sur les postes proposés, le médecin du travail a estimé dans un certificat du 17 septembre 2013, confirmé par un courrier adressé à l'entreprise le 1er octobre suivant, qu'aucun poste n'était compatible dans l'entreprise avec l'état de santé de la requérante et que " tout reclassement, mutation ou aménagement de poste était tout à fait impossible au sein de l'établissement "; que l'employeur a par ailleurs décrit les tâches et les contraintes physiques inhérentes à chaque poste proposé et précisé la durée du travail, permettant ainsi à l'intéressée d'en apprécier les caractéristiques ; que, contrairement à ce qui est soutenu, il n'était pas tenu de reprendre dans ses propositions l'ensemble des mentions afférentes à un contrat de travail ; qu'il n'est pas contesté que Mme A... n'a pas donné suite à ces propositions de reclassement ;

8. Considérant, d'autre part, que si la requérante se prévaut de l'appartenance de la société Chemillé Distribution à un groupe en raison d'une mutualisation des moyens entre les sociétés exploitant des établissements sous l'enseigne E. Leclerc, et notamment de l'existence d'un groupement d'achat unique, d'une association des centres distributeurs chargée de déterminer la politique de l'enseigne, d'une société chargée du développement des marques propres à l'enseigne, d'une coopérative régionale et d'une bourse d'emploi, ces éléments, en l'absence de toute gestion centralisée du personnel entre ces diverses entités et alors que la société Chemillé Distribution est juridiquement indépendante des autres sociétés partageant la même enseigne, ne sont pas de nature à établir la possibilité d'une permutation de tout ou partie du personnel entre chacune des sociétés exploitant des magasins à l'enseigne E. Leclerc ; que, dans ces conditions, il n'incombait pas à la société Chemillé Distribution de rechercher le reclassement éventuel de Mme A...dans les autres entreprises exerçant leurs activités sous cette enseigne ;

9. Considérant que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la société Chemillé Distribution n'aurait pas satisfait à son obligation de reclassement doit être écarté ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat , qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement à Mme A...de la somme demandée à ce titre ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'accorder à la société Chemillé Distribution le bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions formées par la société Chemillé Distribution sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à MmeA..., à la société Chemillé Distribution et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 3 mai 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Millet, président assesseur,

- M. François, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 mai 2016.

Le rapporteur,

E. FRANCOISLe président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

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N° 15NT00401


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT00401
Date de la décision : 24/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Eric FRANCOIS
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : CABINET DMT DENIS MESCHIN LE TAILLANTER

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-05-24;15nt00401 ?
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