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24/05/2016 | FRANCE | N°15NT00139

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 24 mai 2016, 15NT00139


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 23 janvier 2014 du ministre du travail autorisant la Société normande d'études et de réalisation à le licencier pour inaptitude physique.

Par un jugement n°1400377 du 20 novembre 2014, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 janvier 2015 et un mémoire du 7 août 2015, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1

°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 20 novembre 2014 ;

2°) d'annuler la déci...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 23 janvier 2014 du ministre du travail autorisant la Société normande d'études et de réalisation à le licencier pour inaptitude physique.

Par un jugement n°1400377 du 20 novembre 2014, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 janvier 2015 et un mémoire du 7 août 2015, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 20 novembre 2014 ;

2°) d'annuler la décision du 23 janvier 2014 du ministre du travail ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en se bornant à lui communiquer la liste des documents transmis par son employeur à l'inspecteur du travail à l'occasion de la demande de licenciement, le ministre n'a pas respecté le principe du contradictoire ;

- en ne tenant pas compte des possibilités de reclassement existant à la date à laquelle il a statué, le ministre a commis une erreur de droit ;

- il n'était pas établi par les seules pièces communiquées par l'employeur à l'administration que l'entreprise ne disposait d'aucun poste susceptible de lui être proposé ;

- le ministre a commis une erreur d'appréciation en s'abstenant de vérifier la possibilité de mise en oeuvre d'une formation adaptée à un autre poste ;

Par un mémoire en défense enregistré le 25 mars 2015 et un mémoire complémentaire du 17 septembre 2015, la Société normande d'études et de réalisation, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. B...le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 avril 2016, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 26 avril 2016, la clôture d'instruction initialement fixée au 18 mars 2016 a été reportée au 29 avril 2016.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. François ;

- les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public ;

- et les observations de MeD..., substituant MeC..., représentant M. B... et

de MeE..., représentant la Société normande d'études et de réalisation.

1. Considérant que M.B..., recruté en 2004, occupait la fonction de menuisier poseur au sein de la Société normande d'études et de réalisation ayant pour activité la réalisation de travaux de plâtrerie et de menuiserie ; qu'il est devenu en 2010 délégué syndical et représentant syndical au comité d'entreprise ; qu'à la suite d'un accident du travail survenu en novembre 2010, le médecin du travail a constaté le 19 février 2013 que M. B...était inapte à son poste, mais pouvait exercer des " activités administratives, de technicien d'étude, de maîtrise de travaux hors activités d'exécution, de magasinage et des métiers liés à la sécurité " ; que l'avis d'inaptitude a été confirmé par décision du 14 mai 2013 de l'inspecteur du travail ; qu'en l'absence de disponibilité dans l'entreprise des postes recommandés par le médecin du travail, ce dernier, sollicité à nouveau par l'employeur, a précisé le 25 février 2013 que l'intéressé " était dans l'incapacité de produire une activité à un rythme normal sur les postes disponibles sans aggraver son état de santé et qu'aucun aménagement de poste n'est envisageable, la seule option consistant en la mise à disposition permanente d'un manutentionnaire ", ajoutant dans une lettre du 4 mars 2013 qu'aucune formation ne permettrait de diminuer les contraintes propres aux postes existants dans la société et qu'une formation serait requise pour des fonctions exigeant une qualification de technicien ; qu'au vu de ces avis, la Société normande d'études et de réalisation a obtenu le 22 mai 2013 de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier M.B... ; que l'intéressé a exercé un recours hiérarchique auprès du ministre du travail, lequel, par une décision du 23 janvier 2014, a annulé la décision de l'inspecteur du travail pour défaut de respect du contradictoire mais autorisé le licenciement du salarié ; que M. B...relève appel du jugement du 20 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette autorisation ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise.(...) L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. ".

3. Considérant qu'en vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé ; que la circonstance que l'avis du médecin du travail, auquel il incombe de se prononcer sur l'aptitude du salarié à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment ou à exercer d'autres tâches existantes, déclare le salarié protégé apte seulement à des emplois de type tertiaire, ne dispense pas l'employeur, qui connaît les possibilités d'aménagement de l'entreprise, de rechercher toute possibilité de reclassement au sein de celle-ci, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations des postes de travail ou aménagement du temps de travail ;

4 Considérant, en premier lieu, que le ministre a annulé la décision de l'inspecteur du travail au motif que le principe du contradictoire n'avait pas été respecté en l'absence de communication à M. B...de l'ensemble des pièces jointes à la demande d'autorisation de licenciement ; que si le requérant soutient qu'en se bornant à lui communiquer par courrier le 8 janvier 2014 la liste des documents transmis par son employeur à l'inspecteur du travail avec la demande de licenciement, le ministre n'a lui-même pas respecté le contradictoire, il ne conteste cependant pas sérieusement que par cette communication, il a été mis en mesure de prendre connaissance en temps utile de l'ensemble des pièces auxquelles il devait pouvoir accéder, le courrier du 8 janvier 2014 comportant en effet l'identification du service à contacter et indiquant que l'intéressé pouvait adresser jusqu'au 20 janvier suivant à l'administration toutes observations qu'il jugerait nécessaires, par télécopie ou messagerie électronique ; que, dans ces conditions et alors au surplus que le requérant n'a pas estimé utile de prendre connaissance des documents cités par le ministre , la procédure n'est pas entachée de l'irrégularité alléguée ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que le requérant fait valoir que le ministre a méconnu l'étendue de ses compétences en n'appréciant pas les possibilités de reclassement au jour de sa décision ; que, toutefois, dès lors que le licenciement autorisé le 22 mai 2013 par l'inspecteur du travail était intervenu dès le lendemain, l'obligation de recherche de reclassement par l'employeur avait pris fin à la date du 23 mai 2013 ; que, par suite, le ministre a pu légalement apprécier à cette dernière date la réalité des recherches de reclassement effectuées par l'employeur ;

6. Considérant, en dernier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que si la Société normande d'études et de réalisation a recruté dix jours avant le licenciement de M. B..., le 13 mai 2013, un technicien dessinateur, le requérant ne pouvait prétendre être reclassé sur cet emploi pour lequel il ne possédait pas la qualification requise ; que, compte-tenu de ce qui a été dit au point 5, M. B...ne peut utilement invoquer la circonstance qu'un magasinier a été licencié le 8 août 2013 et remplacé d'abord par le biais d'un contrat à durée déterminée jusqu'au 29 mars 2014, puis de manière pérenne au-delà de cette date, alors au surplus que cet emploi, impliquant des compétences d'ordre logistique et la maîtrise de logiciels spécifiques, ne correspondait pas à ses compétences; qu'en outre, l'employeur était tenu de rechercher un poste compatible avec la qualification de l'intéressé comparable dans la mesure du possible à l'emploi qu'il occupait précédemment, mais n'avait pas l'obligation d'organiser à son intention une formation permettant l'accession à des postes plus qualifiants tels que celui de conducteur de travaux ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la Société normande d'études et de réalisation n'aurait pas satisfait à son obligation de reclassement doit être écarté ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme demandée à ce titre par M.B... ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'accorder à la Société normande d'études et de réalisation le bénéfice de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M.B... est rejetée.

Article 2: Les conclusions formées par la Société normande d'études et de réalisation sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M.B..., à la Société normande d'études et de réalisation et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 3 mai 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Millet, président assesseur,

- M. François, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 mai 2016.

Le rapporteur,

E. FRANCOISLe président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

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N° 15NT00139


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT00139
Date de la décision : 24/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Eric FRANCOIS
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : CABINET HELLEBOID OLLIVIER DREUX

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-05-24;15nt00139 ?
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