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19/05/2016 | FRANCE | N°15NT00244

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 19 mai 2016, 15NT00244


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile d'exploitation agricole (SCEA) La Ménigaudière a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007 à 2009 et des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1211460 du 5 décembre 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le

27 janvier 2015 et le 15 octobre 2015, la SCEA La Ménigaudière, représentée par MeA..., demande à la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile d'exploitation agricole (SCEA) La Ménigaudière a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007 à 2009 et des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1211460 du 5 décembre 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 janvier 2015 et le 15 octobre 2015, la SCEA La Ménigaudière, représentée par MeA..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 décembre 2014 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007 à 2009 et des intérêts de retard correspondants, pour un montant total de 25 552 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition est irrégulière ; elle n'a pas bénéficié, malgré sa demande qu'elle n'avait pas à réitérer, de la garantie substantielle que constitue la possibilité d'être entendu par le supérieur hiérarchique du vérificateur ; cette garantie, organisée par la charte du contribuable vérifié, fait partie des obligations découlant du principe général du droit de la défense applicable en matière de taxe professionnelle ;

- elle est susceptible, en application des dispositions de l'article 1450 du code général des impôts, de bénéficier de l'exonération de taxe professionnelle prévue en faveur des exploitants agricoles ; ses recettes au titre des années de référence ne sont pas uniquement constituées par des opérations de stockage et de conditionnement qui apparaissent comme le prolongement de l'activité de mise à disposition de bâtiments agricoles ; il convient de ventiler la valeur locative de ses immobilisations, compte tenu de l'exercice d'une activité agricole et d'une activité industrielle et commerciale ;

- dès lors que les prestations qu'elle réalise dans la cadre de l'entraide agricole sont faites à prix coûtant, elle est susceptible d'être exonérée de taxe professionnelle sur le fondement de l'article 20 de la loi n° 62-933 du 8 août 1962 complémentaire à la loi d'orientation agricole ;

- elle entend se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle d'Aillières, publiée au Journal officiel le 21 avril 1962, qui prévoit une exonération de taxe professionnelle pour les prestations d'entraide agricole.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 août 2015 et le 20 novembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SCEA La Ménigaudière ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 62-933 du 8 août 1962 complémentaire à la loi d'orientation agricole ;

- loi n° 93-934 du 22 juillet 1993 relative à la partie législative du livre III (nouveau) du code rural ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Allio-Rousseau,

- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public.

1. Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité dont la société civile d'exploitation agricole (SCEA) La Ménigaudière a fait l'objet , le service des impôts a remis en cause l'exonération de taxe professionnelle dont elle avait bénéficié en 2007, 2008 et 2009 au titre de son activité de stockage, calibrage et conditionnement de pommes ; que la SCEA La Ménigaudière relève appel du jugement du 5 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments de taxe professionnelle laissés à sa charge au titre des années 2007, 2008 et 2009 et des intérêts de retard correspondants, à la suite des dégrèvements accordés, le 19 octobre 2012, respectivement à hauteur de 7 574 euros, 7 626 euros et 9 459 euros ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 56 du livre des procédures fiscales : " La procédure de redressement contradictoire n'est pas applicable : 1 ° En matière d'impositions directes perçues au profit des· collectivités locales ou d'organismes divers (. .. ) " ; que la taxe professionnelle, qui constitue une imposition directe perçue au profit des collectivités locales, entre dans le champ d'application de l'article L. 56 du livre des procédure fiscales ; que les dispositions de cet article ont pour effet d'écarter la procédure de redressement contradictoire ainsi que les obligations attachées à cette procédure par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié rendue opposable à l'administration par l'article L. 10 du livre des procédures fiscales ;

3. Considérant que la circonstance que les suppléments de taxe professionnelle ont été établis à la suite de la vérification de comptabilité de la SCEA La Ménigaudière ne saurait avoir pour effet d'étendre à la procédure de rectification de cet impôt direct local les garanties propres à cette procédure contradictoire ; que, par suite, la SCEA La Ménigaudière ne saurait utilement se prévaloir du paragraphe 5 du chapitre III de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié qui assure au contribuable la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de redressement, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur sur les points sur lesquels persiste un désaccord avec ce dernier ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que si les dispositions de l'article L. 56 du livre des procédures fiscales ne sauraient dispenser l'administration du respect des obligations qui découlent du principe général des droits de la défense, la possibilité d'être entendu par le supérieur hiérarchique du vérificateur n'est pas au nombre des obligations découlant de ce principe général ;

5. Considérant, en troisième lieu et en tout état de cause, qu'il résulte de l'instruction que l'administration a informé la société requérante qu'elle envisageait de rehausser ses bases d'imposition à la taxe professionnelle des années 2007 à 2009 par deux lettres modèle n° 751 du 20 décembre 2010 et 17 mars 2011, qui détaillaient la nature et les motifs de ces rehaussements, mettant ainsi, conformément aux exigences du principe général des droits de la défense, la SCEA La Ménigaudière en mesure de produire utilement ses observations, ce qu'au demeurant cette dernière a fait le 18 janvier 2011 et le 1er avril 2011 ; que si, alors qu'elle n'y était nullement tenue, l'administration a, en réponse à ce dernier courrier et après prise en compte d'une partie des observations formulées, demandé à la SCEA La Ménigaudière de lui confirmer sa demande d'entrevue avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, l'absence d'une telle rencontre à la suite du silence gardé par la société requérante pendant plus de trente jours, dont le principe ne s'imposait pas au service, est sans influence sur la régularité de la procédure d'établissement des impositions en litige ; qu'ainsi, la SCEA La Ménigaudière n'est pas fondée à soutenir que la procédure d'imposition est irrégulière ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne le principe d'assujettissement :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1450 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Les exploitants agricoles (...) sont exonérés de la taxe professionnelle. " ; que l'exonération ainsi prévue s'applique aux activités agricoles, c'est-à-dire à la réalisation d'opérations qui s'insèrent dans le cycle biologique de la production animale ou végétale ou qui constituent le prolongement de telles opérations ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCEA La Ménigaudière exerce une activité de location de vergers, bâtiments et bureaux et réalise des prestations de services consistant dans le stockage, le calibrage et le conditionnement de pommes ; que cette dernière activité a représenté respectivement 58 %, 66 % et 63 % de son chiffre d'affaires au titre des trois années 2005, 2006 et 2007, qui constituaient la période de référence ; qu'elle est exercée pour l'essentiel pour les besoins de la SCEA Les Vergers de la Croix de Pierre, qui constitue son client quasi-exclusif, à laquelle elle donne par ailleurs en location des vergers, des bâtiments et des bureaux et avec laquelle elle entretient une communauté capitalistique ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la SCEA La Ménigaudière participe à la mise en valeur des biens ruraux lui appartenant ; que, dans ces conditions, les opérations réalisées par la SCEA La Ménigaudière ne s'insèrent pas dans le cycle biologique de la production végétale et ne constituent pas le prolongement d'opérations agricoles ; qu'il en résulte que la SCEA La Ménigaudière n'est pas fondée à soutenir qu'elle est susceptible, en application des dispositions de l'article 1450 du code général des impôts, de bénéficier de l'exonération de taxe professionnelle prévue en faveur des exploitants agricoles pour son activité de stockage, calibrage et conditionnement de pommes ;

8. Considérant, en second lieu, que si la SCEA La Ménigaudière fait valoir que cette activité relève de l'entraide entre agriculteurs, telle qu'elle est définie par les dispositions de l'article 20 de la loi n° 62-933 du 8 août 1962 complémentaire à la loi d'orientation agricole, lequel exonérait de taxe professionnelle l'entraide réalisée entre agriculteurs par des échanges de services en travail et en moyens d'exploitation consentis à titre gratuit, ces dispositions ont été abrogées par l'article 4 de la loi n° 93-934 du 22 juillet 1993 relative à la partie législative du livre III du code rural ;

S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

9. Considérant que la SCEA La Ménigaudière doit être regardée, comme se prévalant sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle d'Aillières publiée au Journal officiel de l'Assemblée nationale le 21 avril 1962, reprise dans la documentation administrative 6 E 132, aux termes de laquelle il a toujours été admis qu'eu égard à leur caractère occasionnel et en l'absence de la poursuite d'un profit, les opérations effectuées dans le cadre de l'aide réciproque entre voisins que se prêtent traditionnellement les agriculteurs et qui ne donnent lieu à aucune rémunération, hormis le remboursement, en espèces ou en nature, des dépenses engagées, n'entraînent pas, en principe, l'assujettissement à la taxe professionnelle ;

10. Considérant, toutefois, qu'il n'est pas établi qu'il y ait eu, en l'espèce, échange à titre gratuit de services en travail et en moyens d'exploitation ; que, par suite, la SCEA La Ménigaudière n'entre pas dans les prévisions de l'interprétation administrative de la loi fiscale qu'elle invoque ;

En ce qui concerne la valeur locative de la calibreuse :

11. Considérant qu'aux termes de l'article 1380 du code général des impôts : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code " ; qu'aux termes de l'article 1467 du même code : " La taxe professionnelle a pour base : 1° Dans le cas des contribuables autres que les titulaires de bénéfices non commerciaux, les agents d'affaires et les intermédiaires de commerce employant moins de cinq salariés : la valeur locative, telle qu'elle est définie aux articles 1469, 1518 A et 1518 B, des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle (...) " ; qu'aux termes de l'article 1469 du même code : " La valeur locative est déterminée comme suit : 1° Pour les biens passibles d'une taxe foncière, elle est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe, (...) 3° Pour les autres biens, lorsqu'ils appartiennent au redevable, lui sont concédés ou font l'objet d'un contrat de crédit-bail mobilier, la valeur locative est égale à 16 % du prix de revient " ;

12. Considérant que pour procéder au rehaussement des bases de la taxe professionnelle, l'administration a estimé que la valeur locative d'une calibreuse devait être calculée en retenant 16 % de son prix de revient, conformément au 3° de l'article 1469 précité du code général des impôts ; qu'il résulte de l'instruction que si la calibreuse est fixée au sol par un arrimage comportant une certaine stabilité, cette installation peut être déplacée ; qu'elle n'est pas en conséquence incorporée à un bien soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties ; que par suite, et alors même que le coût de démontage de ce bien est important, elle doit être retenue dans les bases de la taxe professionnelle dans la catégorie des équipements et biens mobiliers ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCEA La Ménigaudière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par la SCEA La Ménigaudière au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCEA La Ménigaudière est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCEA La Ménigaudière et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 mai 2016.

Le rapporteur,

M-P. Allio-Rousseau Le président,

F. Bataille

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT00244


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15NT00244
Date de la décision : 19/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : CABINET ORATIO

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-05-19;15nt00244 ?
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