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12/05/2016 | FRANCE | N°15NT01658

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 12 mai 2016, 15NT01658


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de l'arrêté du 17 novembre 2014 du préfet de la Sarthe portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1500224 du 28 avril 2015, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination, a enjoint au préfet de la Sarthe de

réexaminer la situation de la requérante dans un délai de deux mois, a mis à la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de l'arrêté du 17 novembre 2014 du préfet de la Sarthe portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1500224 du 28 avril 2015, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination, a enjoint au préfet de la Sarthe de réexaminer la situation de la requérante dans un délai de deux mois, a mis à la charge de l'Etat une somme de 600 euros en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 mai 2015, le préfet de la Sarthe demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 avril 2015 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant l'Algérie comme pays de destination ne sont pas entachées d'une erreur manifeste quant à leurs conséquences sur la situation personnelle de MmeD... ;

- la Cour nationale du droit d'asile dans sa décision du 14 mars 2014 puis l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans sa décision du 27 février 2015 ont rejeté la demande d'asile de son époux aux motifs que les témoignages présentés étaient dépourvus de valeur probante en ce qui concerne les menaces qui pèseraient sur sa famille en cas de retour en Algérie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2015, MmeD..., représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, qui devra être versée à son conseil, MeB..., qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- aucun des moyens soulevés par le préfet de la Sarthe n'est fondé ;

- à titre subsidiaire, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, elle se prévaut de l'intégralité des moyens qu'elle a présentés en première instance ; il convient d'enjoindre au préfet de la Sarthe de réexaminer sa demande.

Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 juillet 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Allio-Rousseau a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que Mme A...C...épouseD..., de nationalité algérienne, née le 5 novembre 1971, est entrée en France le 21 décembre 2012 sous couvert d'un visa de court séjour valable jusqu'au 3 février 2013 ; que sa demande d'asile a été rejetée le 18 juillet 2013 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, rejet confirmé le 14 mars 2014 par la Cour nationale du droit d'asile ; que le 26 mars 2014, Mme D...a sollicité un titre de séjour sur le fondement du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que par un arrêté du 17 novembre 2014, le préfet de la Sarthe a pris à son encontre un refus de titre de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que par un jugement du 28 avril 2015, le tribunal administratif de Nantes a, par son article 1er, annulé l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination, par son article 2, enjoint au préfet de la Sarthe de réexaminer la situation de la requérante dans un délai de deux mois, par son article 3, mis à la charge de l'Etat une somme de 600 euros en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative et, par son article 4, rejeté le surplus des conclusions de la demande ; que le préfet de la Sarthe relève appel des articles 1, 2 et 3 de ce jugement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant que, pour annuler l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination, les premiers juges ont estimé qu'à la date de la décision attaquée, les deux filles de Mme D...étaient scolarisées de manière régulière en France et y obtenaient d'excellents résultats et qu'il n'était pas sérieusement contesté que l'époux de la requérante, originaire de Kabylie, converti au christianisme depuis 2005, qui bénéficie du soutien de l'Eglise protestante unie de France dont il est membre, était exposé, dans le contexte actuel, en Kabylie, à des risques de représailles de la part de groupes fondamentalistes ; qu'ils en ont déduit que l'arrêté du 17 novembre 2014 en tant qu'il oblige Mme D...à quitter le territoire français et fixe l'Algérie comme pays de destination est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

3. Considérant, en premier lieu, que, par un arrêt n° 15NT01657 du même jour, la cour a rejeté la requête du préfet de la Sarthe tendant à l'annulation du jugement du 28 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M.D..., l'arrêté en date du 17 novembre 2014 en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français et qu'il fixe l'Algérie comme pays de destination ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que le préfet de la Sarthe se prévaut pour contester cette appréciation, de la décision du 14 mars 2014 de la Cour nationale du droit d'asile rejetant la demande d'asile présentée par Mme D...au motif que la conversion à la confession chrétienne de son époux ne pouvait être tenue pour établie au vu des déclarations du requérant et des pièces versées à l'instance, notamment de " la déclaration sur l'honneur des personnes témoins de son baptême signée par le pasteur de l'église de Tafat, du témoignage de personnes qui attestent avoir partagé des moments de prière avec le requérant, l'attestation de l'église protestante du Mans et de la Sarthe du 17 janvier 2014, et les deux attestations d'ACAT France datées du 25 janvier 2014 " ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. D...fréquente depuis novembre 2013 l'Eglise protestante unie du Mans pour y pratiquer sa religion ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces versées au dossier que l'époux de la requérante, également originaire de Kabylie, converti au christianisme, était susceptible d'être exposé, compte tenu de sa confession et du contexte en Kabylie, à des risques de représailles de la part de groupes fondamentalistes ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que l'intégration de Mme D...et de sa famille depuis leur arrivée fin 2012 en France n'est pas discutée par le préfet de la Sarthe ;

7. Considérant que, dans ces conditions et eu égard aux circonstances de l'espèce, le préfet de la Sarthe n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges, en annulant l'obligation de quitter le territoire français édictée à l'encontre de Mme D...et la décision fixant l'Algérie comme pays de destination, ont entaché leur appréciation d'une erreur manifeste d'appréciation ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Sarthe n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à la demande de Mme D...et a annulé l'arrêté du 17 novembre 2014 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et qu'il fixe le pays de destination ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

9. Considérant que Mme D...est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B...de la somme de 1 000 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Sarthe est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me B...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 21 avril 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 mai 2016.

Le rapporteur,

M-P. Allio-RousseauLe président,

F. Bataille

Le greffier,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT01658


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01658
Date de la décision : 12/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : CLOAREC ANNE-LISE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-05-12;15nt01658 ?
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