Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de l'arrêté du 17 novembre 2014 du préfet de la Sarthe portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Par un jugement n° 1500223 du 28 avril 2015, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination, a enjoint au préfet de la Sarthe de réexaminer la situation du requérant dans un délai de deux mois, a mis à la charge de l'Etat une somme de 600 euros en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 mai 2015, le préfet de la Sarthe demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 avril 2015 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant l'Algérie comme pays de destination ne sont pas entachées d'une erreur manifeste quant à leurs conséquences sur la situation personnelle de M.B... ;
- la Cour nationale du droit d'asile dans sa décision du 14 mars 2014 puis l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans sa décision du 27 février 2015 ont rejeté sa demande d'asile aux motifs que les témoignages présentés étaient dépourvus de valeur probante en ce qui concerne les menaces qui pèseraient sur la famille de M. B...en cas de retour en Algérie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2015, M.B..., représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, qui devra être versée à son conseil, MeA..., qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- aucun des moyens soulevés par le préfet de la Sarthe n'est fondé ;
- à titre subsidiaire, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, il se prévaut de l'intégralité des moyens qu'il a présentés en première instance ; il convient d'enjoindre au préfet de la Sarthe de réexaminer sa demande.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 21 juillet 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Allio-Rousseau a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. C...B..., de nationalité algérienne, né le 24 février 1966, est entré en France le 21 décembre 2012 sous couvert d'un visa de court séjour valable jusqu'au 3 février 2013 ; que sa demande d'asile a été rejetée le 18 juillet 2013 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, rejet confirmé le 14 mars 2014 par la Cour nationale du droit d'asile ; que le 26 mars 2014, M. B...a sollicité un titre de séjour sur le double fondement du 5° et du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que, par un arrêté du 17 novembre 2014, le préfet de la Sarthe a pris à son encontre un refus de titre de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que par un jugement du 28 avril 2015, le tribunal administratif de Nantes a, par son article 1er, annulé l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination, par son article 2, enjoint au préfet de la Sarthe de réexaminer la situation du requérant dans un délai de deux mois, par son article 3, mis à la charge de l'Etat une somme de 600 euros en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative et, par son article 4, rejeté le surplus des conclusions de la demande ; que le préfet de la Sarthe relève appel des articles 1, 2 et 3 de ce jugement ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant que, pour annuler l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination, les premiers juges ont estimé qu'à la date de la décision attaquée, les deux filles de M. B...étaient scolarisées de manière régulière en France et y obtenaient d'excellents résultats et qu'il n'était pas sérieusement contesté que le requérant, originaire de Kabylie, converti au christianisme depuis 2005, qui bénéficie du soutien de l'Eglise protestante unie de France dont il est membre, était exposé, dans le contexte actuel en Kabylie, à des risques de représailles de la part de groupes fondamentalistes ; qu'ils en ont déduit que l'arrêté du 17 novembre 2014 en tant qu'il oblige M. B...à quitter le territoire français et fixe l'Algérie comme pays de destination est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;
3. Considérant, en premier lieu, que le préfet de la Sarthe se prévaut d'une part, pour contester cette appréciation, de la décision du 14 mars 2014 de la Cour nationale du droit d'asile rejetant la demande d'asile présentée par M. B...au motif que sa conversion à la confession chrétienne ne pouvait être tenue pour établie au vu des déclarations du requérant et des pièces versées à l'instance, notamment de " la déclaration sur l'honneur des personnes témoins de son baptême signée par le pasteur de l'église de Tafat, du témoignage de personnes qui attestent avoir partagé des moments de prière avec le requérant, l'attestation de l'église protestante du Mans et de la Sarthe du 17 janvier 2014, et les deux attestations d'ACAT France datées du 25 janvier 2014 " ; que M. B...produit en appel dix attestations précises et concordantes émanant de membres de l'église protestante unie du Mans qui certifient que le requérant fréquente depuis novembre 2013 leur église pour y pratiquer sa religion ; que, d'autre part, la décision du 27 février 2015 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides portant rejet de la demande de réexamen d'asile de M. B...ne comporte aucune appréciation sur son engagement spirituel mais seulement sur la valeur de témoignages écrits émanant de proches de M. B...certifiant que des individus sont à sa recherche en Algérie ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces versées au dossier que le requérant, originaire de Kabylie, converti au christianisme, était susceptible d'être exposé, compte tenu de sa confession et du contexte en Kabylie, à des risques de représailles de la part de groupes fondamentalistes ;
5. Considérant, en troisième lieu, que l'intégration de M. B...et de sa famille depuis leur arrivée fin 2012 en France n'est pas discutée par le préfet de la Sarthe ;
6. Considérant que, dans ces conditions et eu égard aux circonstances de l'espèce, le préfet de la Sarthe n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges, en annulant l'obligation de quitter le territoire français édictée à l'encontre de M. B...et la décision fixant l'Algérie comme pays de destination, ont entaché leur appréciation d'une erreur manifeste ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Sarthe n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à la demande de M. B...et a annulé l'arrêté du 17 novembre 2014 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et qu'il fixe le pays de destination ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. Considérant que M. B...est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me A...de la somme de 1 000 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Sarthe est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me A...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 21 avril 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 mai 2016.
Le rapporteur,
M-P. Allio-RousseauLe président,
F. Bataille
Le greffier,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
''
''
''
''
2
N° 15NT01657