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11/05/2016 | FRANCE | N°15NT00053

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 11 mai 2016, 15NT00053


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. François,

- les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société Bocadist, et de MeB..., représentant la société du Noireau, l'Union des commerçants et artisans de Condé-sur-Noireau et la

société Foncim.

1. Considérant qu'aux termes de l'article L 750-1 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. François,

- les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société Bocadist, et de MeB..., représentant la société du Noireau, l'Union des commerçants et artisans de Condé-sur-Noireau et la société Foncim.

1. Considérant qu'aux termes de l'article L 750-1 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Les implantations (...) d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales (...) ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine.(...) " ; que l'article L. 752-6 de ce code, dans sa rédaction alors applicable, dispose que: " Lorsqu'elle statue sur l'autorisation d'exploitation commerciale visée à l'article L. 752-1, la commission (...) se prononce sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d'évaluation sont : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne ;b) L'effet du projet sur les flux de transport (...) 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet ; b) Son insertion dans les réseaux de transports collectifs. "

2. Considérant qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles se prononcent sur un projet d'exploitation commerciale soumis à autorisation en application de l'article L. 752-1 du code de commerce, d'apprécier la conformité de ce projet aux objectifs prévus à l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et à l'article L. 750-1 du code de commerce, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du même code ; que l'autorisation ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet compromet la réalisation de ces objectifs ;

3. Considérant que le projet contesté, constamment amélioré, a obtenu à quatre reprises depuis 2008 l'assentiment de la commission départementale d'aménagement commercial de l'Orne, en dernier lieu le 3 juin 2014, mais s'est heurté le 6 octobre 2010 puis le 12 décembre 2012 à deux décisions défavorables de la Commission nationale d'aménagement commercial ; que pour refuser une troisième fois par la décision contestée du 23 octobre 2014 la délivrance de l'autorisation sollicitée, la commission nationale a notamment relevé que le projet " est situé en zone rurale à un endroit relativement éloigné des centres de vie et ne participera pas à l'animation de la vie locale ", " qu'il marquera significativement l'entrée de ville ", ajoutant que les cheminements envisagés pour les piétons et cyclistes auraient un effet limité compte tenu du caractère vallonné du site, que les transports collectifs étaient quasiment inexistants et que la fréquence du service de navette proposé par le demandeur demeurerait extrêmement limitée ;

4. Considérant, en premier lieu, que la commune de Saint-Pierre-du-Regard, située dans le département de l'Orne, forme une seule agglomération avec la commune limitrophe de Condé-sur-Noireau, sise dans le département du Calvados ; qu'il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux doit être implanté au sud de cette agglomération, au lieu-dit " la Remaisière " en bordure de la route départementale (RD) 962 à environ 1,5 km du centre de Saint-Pierre-du-Regard et 1,8 km du centre de Condé-sur-Noireau ; qu'ainsi, en raison des faibles distances le séparant des centres urbains de ces deux communes, ce projet ne peut être regardé comme insusceptible de participer à la vie locale ; que, par ailleurs, le site retenu, correspondant à la zone à urbaniser AUz du plan local d'urbanisme, a perdu en grande partie son caractère rural en raison de la présence à 150 mètres d'une zone d'activité de l'autre côté de la RD 962 et de la construction récente, sur la parcelle d'accueil du projet contesté, d'un entrepôt et de pistes de livraison dits " drive ", autorisés par un permis de construire du 9 juillet 2013 devenu définitif ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que la population de Saint-Pierre-du-Regard est de 1346 habitants, que celle de l'agglomération dépasse 6 600 habitants et que la population de la zone de chalandise est de plus de 30 000 habitants ; que si l'ensemble commercial projeté, d'une surface de vente de 2 774,70 m², dont 2 400 m2 pour le supermarché et 374,70 m2 pour les cinq magasins de la galerie marchande, s'ajoutera au supermarché de 2 504 m2 de surface de vente, à l'enseigne Intermarché, présent au nord de l'agglomération et à trois autres supermarchés existants totalisant 1 852 m2 de surface de vente, il ressort cependant des pièces du dossier, et notamment du rapport de la direction départementale des territoires, que cet ensemble ne sera pas susceptible de nuire aux cinquante commerces diversifiés recensés à Condé-sur-Noireau, et par suite de porter atteinte à l'animation de cette ville, ni de porter préjudice aux quatre commerces spécialisés implantés à Saint-Pierre-du-Regard, permettant au demeurant de limiter l'évasion commerciale constatée vers la ville de Flers et l'agglomération de Caen ;

6. Considérant, en troisième lieu, que la RD 962, classée à grande circulation et fréquentée quotidiennement par plus de 7600 véhicules, pourra sans difficulté absorber le flux supplémentaire estimé à 1400 véhicules résultant de l'ensemble commercial projeté, alors même qu'elle se serait pas mise à quatre voies comme prévu initialement ; que des cheminements spécifiques aux piétons et aux deux roues, que les collectivités locales concernées envisagent de prolonger jusqu'au centre de Condé-sur-Noireau, seront aménagés dans l'emprise du projet, sans que le caractère vallonné du site puisse être sérieusement regardé comme un obstacle à leur utilisation ; que, par ailleurs, le pétitionnaire envisage la mise en place de deux circuits de navettes gratuites assurant la liaison avec l'agglomération au rythme de trois rotations quotidiennes ; qu'en outre, la quasi absence de desserte du supermarché par les transports en commun n'est pas, à elle seule, de nature à entacher la décision attaquée d'illégalité ;

7. Considérant, enfin, que le bâtiment abritant l'ensemble commercial, dont la hauteur sera limitée à 6 mètres, doit être édifié en fond de parcelle et sera encaissé afin de réduire le volume visible ; que sa façade principale, habillée de bois ou de matériau imitant le bois et parée d'une pergola à paroi grillagée, a pour ambition de susciter une ambiance naturelle ; que les autres façades seront également revêtues de bardage bois ; que l'aménagement d'un parc de stationnement souterrain de 200 places permettra de contenir à 105 emplacements le stationnement au sol et de préserver un vaste espace pour des végétaux associant arbres de moyenne tige et haies bocagères ; que, dans ces conditions, tant les aménagements proposés que la conception et l'architecture du bâtiment sont de nature à favoriser une insertion harmonieuse du projet dans son environnement ; que les défendeurs ne peuvent utilement se prévaloir de l'existence dans la zone de chalandise de friches industrielles susceptibles d'accueillir le supermarché contesté ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la commission nationale a fait une inexacte appréciation des dispositions ci-dessus mentionnées en estimant que le projet litigieux était de nature à méconnaître les objectifs fixés par le législateur ; que, par suite, la société Bocadist est fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ;

10. Considérant qu'en vertu de l'article 39 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, lorsqu'un projet d'aménagement commercial est soumis à permis de construire, la Commission nationale d'aménagement commercial émet un avis qui s'impose à l'autorité compétente pour se prononcer sur la délivrance du permis ; que cet avis doit ainsi être regardé comme une décision au sens des dispositions précitées de l'article L.911-2 du code de justice administrative ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de réexaminer la demande d'autorisation de la société Bocadist dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge respective de la société du Noireau, de l'Union des commerçants et artisans de Condé-sur-Noireau et de la société Foncim une somme de 500 euros au titre des frais exposés par la société Bocadist et non compris dans les dépens ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de cette société, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société du Noireau, l'Union des commerçants et artisans de Condé-sur-Noireau et la société Foncim demandent au titre des frais de même nature qu'ils ont exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : La décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 23 octobre 2014 est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à la Commission nationale d'aménagement commercial de réexaminer la demande d'autorisation de la société Bocadist dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : La société du Noireau, l'Union des commerçants et artisans de Condé-sur-Noireau et la société Foncim verseront chacune à la société Bocadist une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bocadist, à la société du Noireau, à l'Union des commerçants et artisans de Condé-sur-Noireau, à la société Foncim et à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Une copie sera adressée à la communauté de communes du Pays de Condé et de la Durance et à la communauté d'agglomération du pays de Flers.

Délibéré après l'audience du 19 avril 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Millet, président assesseur,

- M. François, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 mai 2016.

Le rapporteur,

E. FRANCOISLe président,

A. PEREZ

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne au ministre du logement et de l'habitat durable, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT00053


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT00053
Date de la décision : 11/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Réglementation des activités économiques - Activités soumises à réglementation - Aménagement commercial - Procédure - Commission nationale d`aménagement commercial.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Conclusions - Conclusions irrecevables - Demandes d'injonction.


Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Eric FRANCOIS
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : SCP COURRECH et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-05-11;15nt00053 ?
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