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22/04/2016 | FRANCE | N°15NT01321

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 22 avril 2016, 15NT01321


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme F...ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision implicite née le 24 octobre 2011 par laquelle le maire de la commune de Plérin a refusé de prescrire et de faire exécuter les travaux de sécurisation sur la portion de la falaise du Légué située sur la parcelle cadastrée section AS n°68 leur appartenant, et d'enjoindre au maire de prescrire et de faire exécuter ces travaux sans délai et aux frais de la commune.

Par un jugement n° 1104935 du 26 février 2015, l

e tribunal administratif de Rennes a fait droit à leur demande et enjoint au maire d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme F...ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision implicite née le 24 octobre 2011 par laquelle le maire de la commune de Plérin a refusé de prescrire et de faire exécuter les travaux de sécurisation sur la portion de la falaise du Légué située sur la parcelle cadastrée section AS n°68 leur appartenant, et d'enjoindre au maire de prescrire et de faire exécuter ces travaux sans délai et aux frais de la commune.

Par un jugement n° 1104935 du 26 février 2015, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à leur demande et enjoint au maire de la commune de Plérin de prendre, au titre des dispositions de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, les mesures de protection préconisées par l'expert ou d'autres mesures équivalentes, visant à assurer la sécurité des immeubles appartenant aux consorts F...et à Mme B...exposés à un risque de chutes de pierres, dans un délai de dix mois.

Procédure devant la cour :

Par une requête n°15NT01321 et un mémoire, enregistrés les 23 avril et 24 juillet 2015, la commune de Plérin, représentée par MeH..., demande à la cour, sur le fondement des dispositions des articles R. 811-15 à R. 811-17 du code de justice administrative, d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 février 2015.

Elle soutient que :

- elle a soulevé dans sa requête d'appel n°15NT01320 des moyens sérieux tendant à l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, et notamment l'erreur de droit et l'erreur manifeste d'appréciation commises par les premiers juges sur le caractère d'intérêt collectif des travaux en cause ;

- l'exécution du jugement attaqué l'expose à la perte définitive du coût des travaux se sécurisation de la falaise du Légué au droit des parcelles AS 78 et 79, estimé par l'expert entre 45 000 et 60 000 euros, ne devant pas rester à sa charge dans le cas où ses conclusions d'appel seraient accueillies.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2015, les consortsF..., représentés par MeC..., concluent au rejet de la demande de sursis à l'exécution du jugement et demandent que soit mis à a charge de la commune de Plérin le versement d'une somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le seul moyen exposé dans la requête à fin de sursis à exécution, tiré du défaut d'intérêt collectif des travaux de sécurisation en cause, n'est pas sérieux dès lors que l'expert a constaté qu'outre les parcelles bâties AS 78 et 79, la parcelle AS 80, sur laquelle est installé un cabinet médical, était également menacée par les risques d'éboulement de la falaise située sur la parcelle AS 68 leur appartenant ;

- les autres moyens soulevés par la commune de Plérin dans sa requête d'appel ne sont pas davantage sérieux et de nature à justifier le sursis à exécution sollicité du jugement attaqué ;

- en tout état de cause la question de la charge finale du coût des travaux de sécurisation relèvera de l'appréciation de leur responsabilité civile par les juridictions judiciaires ;

- les travaux ordonnés en urgence ne suffiront pas selon l'expert à faire cesser tout risque d'éboulement.

Par une requête, enregistrée le 22 avril 2015 sous le n°15NT01320, la commune de Plérin a demandé à la cour, à titre principal, d'annuler le jugement n°1104935 du tribunal administratif de Rennes du 26 février 2015 et de rejeter la demande présentée par les consortsF..., et à titre subsidiaire, d'annuler ce jugement en tant que l'injonction prononcée excède les seuls travaux d'urgence préconisés par l'expert et de rejeter la demande des consorts F...en tant qu'elle excède ces seuls travaux urgents.

Un mémoire présenté pour les consorts F...a été enregistré le 24 mars 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Loirat,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., représentant la commune de Plérin, et de Me Bouilland, représentant les consortsF....

1. Considérant que M. et Mme F...sont propriétaires, depuis le 28 août 2000, sur le territoire de la commune de Plérin (Côtes d'Armor), d'une parcelle cadastrée section AS n° 68 constituée d'une falaise de schiste surplombant la parcelle bâtie AS n°79 leur appartenant également et la parcelle cadastrée section AS n°78 appartenant à Mme B...épouseD... ; qu'en juillet 2001, des blocs rocheux se sont détachés de la falaise au droit de la parcelle cadastrée section AS n°82 et qu'un diagnostic a alors été réalisé par la société Antéa qui a préconisé des mesures d'urgence consistant en une purge du front de taille et l'information des riverains sur les risques encourus dans les cours arrières des maisons ; que de nouveaux éboulements sont survenus en juillet 2003 et en juillet 2006 ; que M. et Mme F...n'ayant pas donné suite aux injonctions du maire de la commune des 3 août 2001 et 15 juillet 2003, tendant à ce qu'ils prennent toutes les dispositions nécessaires pour prévenir tout accident, ni à la mise en demeure du 8 novembre 2006 d'intervenir sur le bloc en équilibre instable, le maire de Plérin a, le 17 avril 2007, pris à l'encontre des intéressés ainsi que de Mme B...deux arrêtés d'interdiction d'habiter ; que Mme B...a assigné, le 2 juin 2009, les époux F...devant le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc, à l'effet de les contraindre à procéder aux travaux et mesures confortatives nécessaires pour permettre d'assurer la sécurité des personnes et que, par ordonnance du 24 septembre 2009, le juge des référés de ce tribunal a désigné un expert ; que dans son rapport du 21 mai 2010, l'expert a constaté que le risque d'éboulements présente un caractère récurrent compte tenu de la constitution géologique et de l'implantation de la falaise, à la faveur des dégradations résultant des effets conjugués du développement de la végétation à son sommet et des ruissellements importants liés aux évènements climatiques ; que l'expert a préconisé des mesures d'urgence, consistant en la réalisation d'un diagnostic précis, la mise en oeuvre d'un dispositif pare-bloc en pied de falaise, le débroussaillage et la purge manuelle des failles, ainsi que le nettoyage des zones d'éboulis instables en pied de falaise ; qu'il a en outre préconisé des travaux de protection et de confortement de la falaise, en fonction des résultats du diagnostic, à réaliser dans un délai relativement court ; que, par jugement n°1104935 du 26 février 2015, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à la demande des époux F...d'annulation de la décision implicite du 24 octobre 2011 par laquelle le maire de la commune de Plérin a refusé de prescrire et de faire exécuter les travaux de sécurisation sur la portion de la falaise du Légué située sur la parcelle cadastrée section AS n°68 leur appartenant, et a enjoint au maire de la commune de Plérin de prendre, sur le fondement des dispositions de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, les mesures de protection préconisées par l'expert ou d'autres mesures équivalentes, visant à assurer la sécurité des immeubles appartenant aux consorts F...et à Mme B...exposés à un risque de chutes de pierres, dans un délai de dix mois ; que par la présente requête, la commune de Plérin demande à la cour, sur le fondement des dispositions des articles R. 811-15 à R. 811-17 du code de justice administrative, d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 février 2015, jusqu'à ce que la cour ait statué sur sa requête d'appel n°15NT01320 ;

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 811-14 du code de justice administrative : " Sauf dispositions particulières, le recours en appel n'a pas d'effet suspensif s'il n'en est autrement ordonné par le juge d'appel (...). " ; que selon l'article R. 811-17 du code de justice administrative, outre les cas prévus aux articles R. 811-15 et R. 811-16 relatifs au sursis à exécution, respectivement, d'un jugement annulant une décision administrative et d'un jugement prononçant une condamnation, " le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction " ; que des conséquences difficilement réparables justifient que soit prononcé le sursis à exécution d'un jugement lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser des conséquences difficilement réparables justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, il soit sursis à l'exécution du jugement ; qu'il lui appartient également, les conséquences difficilement réparables s'appréciant objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, de faire apparaître dans sa décision tous les éléments qui, eu égard notamment à l'argumentation des parties, l'ont conduit à considérer que le sursis à exécution demandé est justifié par des conséquences difficilement réparables ;

3. Considérant qu'en l'espèce, l'exécution du jugement attaqué ne peut être regardée comme susceptible d'entraîner des conséquences difficilement réparables, dès lors qu'à supposer que le coût des mesures de sécurisation de la falaise que ce jugement impose à la commune de prendre ne lui incombe pas, elle pourra en solliciter l'indemnisation auprès des propriétaires intéressés ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 811-16 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel par une personne autre que le demandeur en première instance, la juridiction peut, à la demande de l'appelant, ordonner sous réserve des dispositions des articles R. 533-2 et R. 541-6 qu'il soit sursis à l'exécution du jugement déféré si cette exécution risque d'exposer l'appelant à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge dans le cas où ses conclusions d'appel seraient accueillies " ; que, lorsqu'il est fait appel d'un jugement prononçant une condamnation pécuniaire et lorsqu'il se prononce sur une demande de sursis à exécution d'un tel jugement sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-16 du code de justice administrative, le juge d'appel doit, dans les circonstances de l'espèce et compte tenu notamment du montant de la somme en cause, de la situation du bénéficiaire de ladite condamnation et de celle de ses créanciers, apprécier le risque de perte définitive de la somme que l'appelant a été condamné à payer ; que le jugement attaqué ne prononce pas une condamnation pécuniaire mais une obligation de faire en exécution de l'annulation de la décision implicite du maire rejetant la demande tendant à ce qu'il prenne les mesures nécessaires pour prévenir les éboulements de la falaise de schiste, en application des dispositions du 5° de l'article L. 2212-2 et de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales ; que, par suite, la demande de sursis à exécution de ce jugement ne saurait être fondée sur les dispositions précitées de l'article R. 811-16 du code de justice administrative ;

5. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. " ; qu'en l'espèce, aucun des moyens soulevés par la commune de Plérin, qui invoque la prescription quadriennale, le défaut d'intérêt collectif des travaux aux motifs que le risque d'éboulement ne concerne que des parcelles privées, que les consorts F...auraient contribué à leur préjudice en n'entretenant pas leur parcelle et que les travaux atteignent un coût excessif par rapport à ses moyens financiers, et le fait que les mesures ordonnées auraient du être limitées aux travaux d'urgence, à l'appui de sa requête d'appel à l'encontre du jugement du 26 février 2015 du tribunal administratif de Rennes ne paraît, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, les conditions posées par les articles R. 811-15 à R. 811-17 du code de justice administrative n'étant pas réunies, les conclusions de la commune de Plérin tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la commune de Plérin doivent dès lors être rejetées ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande présentée par les consorts F...à ce même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Plérin est rejetée.

Article 2 : Les conclusions des consorts F...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Plérin, à Mme J...F..., à M. G... F...et à Mme A...F....

Délibéré après l'audience du 29 mars 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 avril 2016.

Le rapporteur,

C. LOIRATLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT01321


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01321
Date de la décision : 22/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Cécile LOIRAT
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SCP GUILLOTIN POILVET AUFFRET

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-04-22;15nt01321 ?
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