Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Sodijour SAS a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 46 793,04 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des divers préjudices subis du fait des actions de marins-pêcheurs commises le 23 mai 2008 sur le site du magasin qu'elle gère sous l'enseigne " Leclerc " dans la commune de Saint-Nazaire.
Par un jugement n° 1200505 du 26 septembre 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2014, la société Sodijour SAS, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 septembre 2014 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 46 793,04 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices qu'elle a subis suite aux actions de marins-pêcheurs commises le 23 mai 2008 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité de l'Etat doit être engagée sur le fondement des dispositions de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales dans la mesure où le magasin qu'elle gère a été la cible d'une action concertée de marins-pêcheurs provenant du port de La Turballe ; leur action constitue une infraction pénale, notamment le fait de s'emparer de denrées alimentaires qui ont été distribuées aux clients ;
- le comportement de l'Etat est fautif dès lors que les forces de police, présentes sur place, ne sont pas intervenues en demandant, de surcroit, aux employés de s'abstenir de toute action ;
- elle justifie le préjudice qu'elle a subi tant pour la perte de marchandises que pour l'impact commercial.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2015, le préfet de la Loire-Atlantique demande à la cour de rejeter la requête ;
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par la société Sodijour SAS n'est fondé.
Un courrier a été adressé aux parties le 12 janvier 2016 en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.
Une ordonnance du 22 février 2016 a porté clôture immédiate de l'instruction en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Auger, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.
1. Considérant que la société Sodijour SAS relève appel du jugement du 26 septembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 46 793,04 euros sur le fondement de la responsabilité pour faute du fait du fonctionnement des services de police en réparation des divers préjudices subis du fait des actions de marins-pêcheurs commises le 23 mai 2008 sur le site du magasin qu'elle gère sous l'enseigne " Leclerc " à Saint-Nazaire ;
Sur les conclusions indemnitaires :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales, désormais repris à l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure : " L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens (...) " ; que l'application de ces dispositions est subordonnée à la condition que les dommages dont l'indemnisation est demandée résultent de manière directe et certaine de crimes ou de délits déterminés commis par des rassemblements ou des attroupements précisément identifiés ;
3. Considérant que, le 23 mai 2008, une quarantaine de marins-pêcheurs provenant principalement du port de La Turballe ont investi le magasin gérée par la société requérante pour s'emparer des marchandises des rayons poissonnerie et surgelés afin de les distribuer aux clients ; que les actions en cause, manifestement préméditées et organisées, résultant d'un mouvement concerté, ne peuvent être regardées comme des dommages commis par un attroupement ou un rassemblement au sens des dispositions précitées ;
4. Considérant, en second lieu, que la société requérante soutient qu'en s'abstenant d'intervenir lors des agissements du groupe de marins-pécheurs les forces de police ont commis une faute ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que, si le commissaire de police a averti le gérant du magasin trente minutes avant leur arrivée, cette seule circonstance n'est pas de nature à établir que les forces de l'ordre auraient pu réellement anticiper et mettre en oeuvre un dispositif destiné à empêcher l'irruption des marins-pêcheurs dans les locaux commerciaux et les actes auxquels ils se sont livrés ; qu'il résulte en effet de l'instruction que, compte tenu de la multiplicité et de la simultanéité d'actions du même type dans les hypermarchés de la région de Saint-Nazaire et La Turballe le 23 mai 2008, le premier objectif des forces de l'ordre était de s'interposer pour éviter les affrontements entre les marins et les employés des magasins ; que, dans ces conditions, la circonstance que les fonctionnaires de police présents sur le site ne soient pas intervenus pour s'opposer activement à cette action ne saurait être constitutive d'une carence fautive dès lors qu'ils n'étaient pas en nombre suffisant et que, dans les circonstances de l'espèce, une telle intervention pouvait présenter un risque plus important pour l'ordre public ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'aurait été commise une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Sodijour SAS n'est pas fondée a soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante, la somme que la société Sodijour SAS demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Sodijour SAS est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sodijour SAS et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- M. Auger, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 22 avril 2016.
Le rapporteur,
P. AUGERLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
V. DESBOUILLONS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT03094