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22/04/2016 | FRANCE | N°14NT01820

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 22 avril 2016, 14NT01820


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler la décision du 5 juillet 2012 par laquelle le chef du service santé et protection animales et végétales de la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations du Cher a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation du préjudice issu du défaut d'affiliation par l'Etat aux régimes général de sécurité sociale et complémentaire et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 216

086,04 euros assortie des intérêts légaux au titre des préjudices qu'il estime a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler la décision du 5 juillet 2012 par laquelle le chef du service santé et protection animales et végétales de la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations du Cher a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation du préjudice issu du défaut d'affiliation par l'Etat aux régimes général de sécurité sociale et complémentaire et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 216 086,04 euros assortie des intérêts légaux au titre des préjudices qu'il estime avoir subis.

Par un jugement n° 1203005 du 29 avril 2014, le tribunal administratif a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 juillet 2014 et le 2 mars 2016, M.B..., représenté par la SCP YvesC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 29 avril 2014 ;

2°) d'annuler la décision du 5 juillet 2012 par laquelle le chef du service santé et protection animales et végétales de la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations du Cher a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait du défaut d'affiliation par l'Etat aux régimes général et complémentaire de sécurité sociale pour les missions qu'il a assurées au titre du mandat sanitaire ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 216 086,04 euros, sauf à parfaire, assortie des intérêts légaux à compter du 6 février 2012, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la prescription quadriennale pouvait lui être opposée suite à la liquidation de sa pension de retraite ; ce délai ne court qu'à partir du moment où le créancier a connaissance des faits à l'origine du dommage et les sommes qui lui ont été versées au titre du mandat sanitaire étaient qualifiées d'honoraires et non de salaires ; ce n'est qu'à compter de l'année 2009, suite à un arrêt de la cour de céans devenu définitif, que la nature salariale de l'activité exercée au titre du mandat sanitaire a pu être établie et il a pu ignorer légitimement l'existence d'une créance jusqu'à l'année 2009 ;

- le titre de pension était insuffisant pour lui permettre de savoir que sa mission de prophylaxie relevait d'une activité salariée ; dans son arrêt " Camblong " le Conseil d'Etat n'a nullement posé le principe selon lequel le vétérinaire est informé de son préjudice à la date de notification de son titre de pension mais a estimé que la responsabilité de l'Etat devait être engagée alors que celle du vétérinaire devait être exclue dans la mesure où il ignorait l'obligation de cotisation de l'Etat ; le délai de prescription ne pouvait donc courir dans la mesure où il n'avait pas connaissance de cette obligation qui lui a été révélée en 2009 ;

- la seule constatation de ne pas bénéficier d'une pension au titre du mandat sanitaire ne pouvait lui permettre de savoir qu'une pension de ce type devait lui être versée ;

- la demande indemnitaire tendait à la condamnation de l'Etat non pour le paiement d'arrérages de pension ou de cotisations mais en réparation du préjudice subi du fait de l'absence d'affiliation de telle sorte que le point de départ de la prescription ne peut être antérieur à la date de versement de chaque arrérage de la pension car avant cette date l'arrérage n'était pas dû et le préjudice non subi ;

- l'opposition de la prescription quadriennale est contraire à l'article 1er du protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que les créances sont des biens ; il a subi une atteinte disproportionnée à son droit de propriété ; il existe une disproportion entre le délai de contestation de quatre ans qui lui était ouvert et celui de trente ans dont dispose l'administration pour réclamer un éventuel trop-perçu ;

- il a régularisé et chiffré sa demande indemnitaire en cours d'instance ;

- il est fondé à réclamer le remboursement des cotisations patronales pour la période du 28 octobre 1965 au 31 décembre 1989 ainsi que celui des pensions de retraite calculé sur une base forfaitaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2016, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt demande à la cour de rejeter la requête ;

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par M. B...n'est fondé.

Par ordonnance du 10 février 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 10 mars 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Auger, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

- les observations de Me C...pour M.B....

1. Considérant que M.B..., admis à la retraite le 1er septembre 1999, a accompli en sa qualité de vétérinaire libéral des actes de prophylaxie collective des maladies animales du 28 octobre 1965 au 31 décembre1989 dans le cadre d'un mandat sanitaire, en application de l'article L. 215-8 du code rural, devenu L. 221-11 du code rural et de la pêche maritime ; que, le 8 janvier 2012, il a présenté une demande préalable tendant à la réparation du préjudice résultant du défaut de versement par l'Etat des cotisations sociales dues par l'employeur au régime général d'assurance vieillesse et au régime de retraite complémentaire à raison de l'activité professionnelle accomplie dans le cadre de son mandat sanitaire ; que, par une décision du 5 juillet 2012, le chef du service santé et protection animales et végétales, par délégation du directeur départemental de la cohésion sociale et de la protection des populations du Cher, a opposé à cette demande la prescription quadriennale de sa créance ;

Sur l'exception de prescription quadriennale :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 susvisée : " Sont prescrites et définitivement éteintes au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (...) " ; que l'article 3 de la même loi dispose que : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement. " ;

3. Considérant que la rémunération perçue par les vétérinaires au titre de leur participation aux opérations de prophylaxie constituait un salaire, dès lors qu'ils se trouvaient placés dans une situation caractérisant un lien de subordination à l'égard de l'administration ; qu'à ce titre, les vétérinaires ayant exercé un mandat sanitaire devaient être regardés comme des agents non titulaires de l'Etat, relevant du régime général de la sécurité sociale en application de l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale, ainsi que du régime de retraite complémentaire des agents publics non titulaires de l'Etat ; que la responsabilité pour faute de l'Etat est ainsi engagée à l'égard d'un agent public non titulaire dans la mesure où l'Etat n'a pas satisfait à son obligation d'assurer son immatriculation à la caisse primaire de sécurité sociale ainsi que son affiliation au régime de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques et au versement des cotisations afférentes ;

4. Considérant, toutefois, qu'une créance telle que celle dont se prévaut M. B...se rattache à l'année au cours de laquelle le préjudice est connu dans toute son étendue, c'est-à-dire celle au cours de laquelle l'intéressé a cessé son activité et fait valoir ses droits à la retraite ; qu'il est constant que l'intéressé a été admis à la retraite le 1er septembre 1999 et a pu connaître à l'occasion de la liquidation de sa pension l'étendue de son préjudice ; que, dans ces conditions, le délai de la prescription quadriennale a couru à compter du 1er janvier 2000 et était expiré lorsque le requérant a présenté sa demande préalable d'indemnisation ; que, dès lors que la liquidation de sa pension l'a nécessairement mis à même de se rendre compte de l'absence de prise en compte, dans le montant de celle-ci, de son activité susmentionnée au service de l'Etat, il ne peut être regardé comme ayant légitimement ignoré l'existence de sa créance au sens de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 précitée ; que, dans ces conditions, le directeur départemental de la cohésion sociale et de la protection des populations du Cher était fondé à opposer à M. B...la prescription de la créance en litige ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour règlementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. " ;

6. Considérant que les dispositions de la loi du 31 décembre 1968 susvisées ont été édictées dans un but d'intérêt général en vue notamment de garantir la sécurité juridique des collectivités publiques en fixant un terme aux actions dirigées contre elles ; que, si la créance dont se prévaut le requérant a la nature d'un bien au sens des stipulations susmentionnées, le seul fait qu'elle puisse être soumise, en vertu des dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, à un délai de prescription de quatre ans ne présente pas en tant que tel un caractère exagérément court incompatible avec ces stipulations ; qu'ainsi, l'application d'un délai de prescription exorbitant du droit commun ne porte pas une atteinte excessive au droit du demandeur au respect de ses biens et ne rompt pas le juste équilibre à ménager entre la protection de la propriété et les exigences de l'intérêt général ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. B...de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- M. Auger, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 22 avril 2016.

Le rapporteur,

P. AUGERLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT01820


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01820
Date de la décision : 22/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Paul AUGER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SCP RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-04-22;14nt01820 ?
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