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21/04/2016 | FRANCE | N°15NT03077

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 21 avril 2016, 15NT03077


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 11 août 2014 du préfet d'Ille-et-Vilaine refusant de lui accorder un titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé d'office et l'astreignant à remettre l'original de son passeport et à se présenter une fois par semaine à la direction zonale de la police aux frontières de Rennes.

Par un jugem

ent n° 1405620 du 26 mars 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 11 août 2014 du préfet d'Ille-et-Vilaine refusant de lui accorder un titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé d'office et l'astreignant à remettre l'original de son passeport et à se présenter une fois par semaine à la direction zonale de la police aux frontières de Rennes.

Par un jugement n° 1405620 du 26 mars 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 octobre 2015 et 19 mars 2016, M. E... B..., représenté par Me Beguin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 mars 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté du 11 août 2014 du préfet d'Ille-et-Vilaine ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la compétence du signataire de l'arrêté n'est pas établie car la délégation de signature consentie était conditionnée par l'empêchement tant du secrétaire général de la préfecture que du sous-préfet de Saint-Malo, empêchement qui n'est pas établi ;

- il a produit des éléments de nature à remettre en cause l'avis du 9 juillet 2014 du médecin de l'agence régionale de santé de Bretagne ; il souffre de troubles importants de la motricité et se trouve en fauteuil roulant ; la gravité de son handicap a été reconnue par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) qui a fixé le taux d'incapacité à au moins 80% ; la qualité de travailleur handicapé lui a été reconnue pour la période du 25 novembre 2014 au 31 mai 2019 ; il bénéficie de l'allocation d'adulte handicapé ; il justifie également de la nécessité d'une prise en charge médico-chirurgicale et d'une rééducation fonctionnelle, soins qui ne pourront pas lui être dispensés au Maroc compte tenu des disparités existant dans l'offre de soins ;

- son état de santé nécessite une aide humaine pour tous les actes de la vie quotidienne ;

- il vit en concubinage depuis plus d'un an avec sa compagne ; ses deux soeurs, dont l'une est de nationalité française, l'assistent dans la vie quotidienne, ainsi que sa compagne ; contrairement à ce qu'a indiqué le préfet, ses frères et ses parents ne vivent pas au Maroc, mais sa mère vit régulièrement en Italie ainsi que ses deux frères, et son père est décédé en 1999 ; dès lors la décision portant obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car il serait isolé au Maroc alors que son état physique nécessite une aide quotidienne ;

- pour les mêmes motifs, compte tenu de son handicap, la décision fixant le Maroc comme pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée le 24 novembre 2015 au préfet d'Ille-et-Vilaine, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. E...B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et Me Beguin a été désigné pour le représenter par une décision du 28 août 2015.

Vu la décision du 15 mars 2016 du président de la cour désignant M. FrançoisLemoine en qualité de rapporteur public pour l'audience du 31 mars 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Specht a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. B..., ressortissant marocain né en 1975, a déclaré être entré irrégulièrement en France en avril 2013 et a déposé le 6 mai 2014 une demande de titre de séjour pour raison de santé ; qu'une autorisation provisoire de séjour valable trois mois lui a été délivrée par la préfecture d'Ille-et-Vilaine ; qu'après avoir recueilli le 9 juillet 2014 l'avis du médecin de l'agence régionale de santé de Bretagne le préfet d'Ille-et-Vilaine a, par un arrêté du 11 août 2014, refusé de délivrer le titre de séjour demandé et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays à destination duquel l'intéressé est susceptible d'être éloigné d'office, et a astreint celui-ci à remettre l'original de son passeport et à se présenter une fois par semaine à la direction zonale de la police aux frontières de Rennes ; que M. B...relève appel du jugement du 26 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la légalité de l'arrêté du 11 août 2014 :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. / (...)" ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " ( ...) le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général (...) " ; que selon l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé, au vu d'un " rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; / (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un avis du 9 juillet 2014, le médecin de santé publique de l'agence régionale de santé de Bretagne a estimé que l'état de santé de M. B...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il existait un traitement approprié dans son pays d'origine ; que M.B..., qui est atteint d'une paraplégie des membres inférieurs, séquelles d'une poliomyélite contractée dans l'enfance, soutient qu'il ne peut se déplacer qu'en fauteuil roulant, qu'il a été reconnu travailleur handicapé à 80%, qu'il a besoin d'une assistance pour les actes de la vie quotidienne et que son état nécessite une prise en charge en service de rééducation et de réadaptation qui ne pourrait pas être dispensée au Maroc ; que toutefois M. B..., qui vit dans un logement autonome, ne produit pas d'éléments permettant d'établir son degré de dépendance en ce qui concerne ses besoins en assistance quotidienne ; que les certificats établis le 13 mai 2015 par le chef du service de médecine physique et de réadaptation du CHU de Rennes dans lequel il a été pris en charge du mois de mai au mois de juillet 2015 en hospitalisation de jour pour une rééducation et une réadaptation, puis en dernier lieu le compte rendu du 28 décembre 2015 de ce même service mentionnant l'évolution de sa prise en charge, et le certificat du 1er juin 2015 établi par un médecin marocain exerçant dans un centre hospitalier à Rabat, lequel indique que la prise en charge de M. B... ne pourrait pas être effectuée au Maroc, ou enfin l'extrait d'une étude réalisée sur les disparités de l'accès aux soins au Maroc ne permettent pas, par leurs termes généraux, de remettre en cause l'appréciation portée par le médecin de l'agence régionale de santé ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que M. B... soutient que son état de santé nécessite le soutien de ses proches et fait valoir la présence en France de ses deux soeurs, l'une titulaire d'une carte de résident de dix ans, demeurant à proximité de son domicile, et l'autre de nationalité française, ainsi que la présence de sa compagne chez laquelle il vit désormais; que, toutefois, le requérant n'établit pas la réalité de cette relation à la date de l'arrêté contesté ; qu'il ne produit pas davantage d'élément sur la nature de l'aide complémentaire que seraient susceptibles de lui apporter les membres de sa famille présents en France ; que, par ailleurs, s'il ressort des pièces produites pour la première fois en appel que son père est décédé en 1999, que sa mère et son frère résident régulièrement en Italie, et qu'il n'a plus d'attaches familiales directes au Maroc, il n'établit pas avoir résidé en Italie de 2003 à avril 2013, date de son entrée irrégulière en France selon ses affirmations et doit, par suite, être regardé comme ayant vécu au Maroc jusqu'à cette dernière date ; que, dans ces conditions, compte tenu de la durée et des conditions de séjour en France de M. B..., l'arrêté pris dans toutes ses décisions n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive aux buts en vue desquels il a été pris, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5. Considérant, en troisième lieu, que si M. B...soutient qu'il serait isolé en cas de retour au Maroc, et que son handicap nécessite une aide matérielle et humaine indispensable, il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'une prise en charge appropriée existe dans son pays d'origine ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il y serait, du fait de son état de santé, personnellement exposé à un risque réel, direct et sérieux de peines ou traitements inhumains et dégradants ; que, par suite, la décision fixant le pays de destination contenue dans l'arrêté du 11 août 2014 du préfet d'Ille-et-Vilaine n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6. Considérant, enfin et pour le surplus, que M. B... se borne à invoquer devant le juge d'appel, sans plus de précisions ou de justifications, le même moyen tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté que celui qu'il a exposé en première instance ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption du motif retenu par les premiers juges et tiré de ce que le signataire de l'arrêté disposait d'une délégation de signature régulière et que l'absence d'empêchement tant du secrétaire général de la préfecture que du sous-préfet de Saint-Malo n'est pas établie ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 31 mars 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Specht, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 avril 2016.

Le rapporteur,

F. SpechtLe président,

I. Perrot

Le greffier,

M. Laurent

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT03077


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT03077
Date de la décision : 21/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Frédérique SPECHT
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : LEXCAP RENNES LAHALLE - DERVILLERS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 03/05/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-04-21;15nt03077 ?
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