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21/04/2016 | FRANCE | N°14NT02115

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 21 avril 2016, 14NT02115


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Cap Cinéma Agen a présenté au tribunal administratif d'Orléans une demande tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 60 150 euros.

Par un jugement n° 1302697 du 27 mai 2014, le tribunal administratif d'Orléans a fait droit à cette demande et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par un reco

urs et des mémoires, enregistrés les 5 août 2014, 19 janvier 2015, 7 mai 2015 et 12 juin 2015, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Cap Cinéma Agen a présenté au tribunal administratif d'Orléans une demande tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 60 150 euros.

Par un jugement n° 1302697 du 27 mai 2014, le tribunal administratif d'Orléans a fait droit à cette demande et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par un recours et des mémoires, enregistrés les 5 août 2014, 19 janvier 2015, 7 mai 2015 et 12 juin 2015, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 27 mai 2014 ;

2°) de remettre à la charge de la SARL Cap Cinéma Agen les droits de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 60 150 euros.

Il soutient que :

- la SARL Cap Cinéma Agen a fait réaliser les travaux portant sur les fondations et le plancher bas d'un cinéma multiplexe en contrepartie du versement par la commune de la somme de 367 037 euros ; en qualité de preneuse d'un bail à construction, la SARL Cap Cinéma Agen n'était pas pleinement propriétaire de ce cinéma ; elle s'est ainsi substituée à la commune d'Agen pour la réalisation des travaux ; la subvention rémunère le service que la société a rendu à la commune en concluant le contrat en dépit de l'absence d'aménagement du parc de stationnement ; dans ces conditions, la SARL Cap Cinéma Agen a effectué au bénéfice de la commune d'Agen une prestation individualisée, laquelle était une condition de l'équilibre financier du contrat de bail à construction ;

- il existe un lien direct entre cette prestation et la somme acquittée par la commune d'Agen, laquelle a, non le caractère d'une subvention, mais celui de remboursement de frais engagés par la SARL Cap Cinéma Agen ;

- la circonstance que l'on puisse ou non qualifier l'opération de " marché de construction " est sans incidence au regard de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée ;

- le crédit de taxe a été inscrit au compte 231000 " immobilisations en cours " ;

- le non-assujettissement de la refacturation du prix des travaux à la taxe sur la valeur ajoutée contrevient au principe de neutralité de la taxe et entraîne une distorsion de concurrence.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 octobre 2014, 12 février 2015 et 27 mai 2015, la SARL Cap Cinéma Agen conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jouno,

- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public.

1. Considérant que, par un acte des 20 septembre et 24 octobre 2012, la commune d'Agen a donné à bail à construction à la société à responsabilité limitée (SARL) Cap Cinéma Agen un terrain non bâti d'une superficie de 3 371 mètres carrés sur lequel celle-ci s'est engagée à édifier ou à faire édifier à ses frais exclusifs, puis à exploiter ou faire exploiter, un complexe cinématographique de dix salles ; que ce bail à construction prévoit que les constructions édifiées et tous travaux et aménagements effectués par la SARL Cap Cinéma Agen sont sa propriété et celle de ses ayants cause pendant la durée du bail à construction, puis deviennent de plein droit, à l'expiration du bail, la propriété de la commune d'Agen ; que ce même bail à construction stipule que la SARL Cap Cinéma Agen fait son affaire de la totalité des travaux de construction et d'aménagement du complexe cinématographique et doit payer annuellement à la commune, à compter de la sixième année d'exploitation du complexe cinématographique, un loyer de 74 100 euros ; qu'il précise par ailleurs, d'une part, que l'offre de cette société a été formulée en tenant compte de ce que la commune d'Agen prenait à sa charge la construction d'un parc de stationnement public situé sous le complexe cinématographique ainsi que du futur plancher bas de ce complexe et, d'autre part, que, compte tenu de la renonciation de la commune d'Agen à la réalisation de ce parc de stationnement, la SARL Cap Cinéma Agen est dorénavant tenue de réaliser elle-même les fondations et le plancher bas ; que le bail à construction ajoute que, dans ces circonstances, la commune d'Agen s'engage à rembourser à cette société le montant des travaux relatifs aux fondations et au plancher bas ainsi que les frais d'ingénierie correspondants, s'élevant à la somme de 983 527, 02 euros hors taxes ; qu'en application de cet engagement, la commune d'Agen a versé à la SARL Cap Cinéma Agen, le 20 février 2013, une somme de 367 037,16 euros ;

2. Considérant que, par une proposition de rectification du 31 mai 2013, l'administration a estimé que cette somme correspondait au prix de travaux qui auraient dû être pris en charge directement par la commune d'Agen et pour lesquels la SARL Cap Cinéma Agen s'était comportée comme une entreprise de travaux publics refacturant à la commune les prestations d'entreprises sous-traitantes ; qu'elle en a déduit que les prestations ainsi refacturées étaient soumises à la taxe sur la valeur ajoutée en vertu du I de l'article 256 du code général des impôts ; qu'il en a résulté un rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 60 150 euros ; que, compte tenu, notamment, de ce rappel, l'administration n'a accueilli que partiellement la demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 170 000 euros, formulée par la SARL Cap Cinéma Agen le 15 mars 2013 ; que cette société a demandé au tribunal administratif d'Orléans de lui accorder le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 60 150 euros ; que, par le jugement attaqué, dont le ministre des finances et des comptes publics relève appel, le tribunal a fait droit à sa demande ;

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

3. Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. " ; que le a du 1 de l'article 266 du même code, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition, dispose que la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée, pour les livraisons de biens et les prestations de services, " par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations " ; qu'il résulte de ces dispositions que sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les sommes dont le versement est en lien direct avec des prestations individualisées en rapport avec le niveau des avantages procurés aux personnes qui les versent ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des stipulations, rappelées ci-dessus, du bail à construction, que la somme de 367 037,16 euros a été versée, à titre de subvention, pour couvrir les coûts supplémentaires et justifiés d'édification de fondations, ayant résulté, pour la SARL Cap Cinéma Agen, de la décision de la commune d'Agen de ne pas construire un parc de stationnement sous le complexe cinématographique ; que la SARL Cap Cinéma Agen a, jusqu'au terme du bail à construction, le 3 décembre 2045, la qualité de propriétaire des constructions qu'elle a fait édifier conformément à ce bail ; que l'inscription d'un crédit de 367 037,16 euros au compte 231000 " immobilisations en cours " ne permet pas de regarder la société comme ayant renoncé à son droit de propriété sur une partie de la construction ; qu'il suit de là que le versement de la somme de 367 037,16 euros ne peut être regardé comme la contrepartie d'une prestation de services qui aurait porté sur la fourniture de fondations à la commune d'Agen ; qu'en outre, l'objet du contrat de bail à construction finalement signé entre les parties ayant été modifié de manière à maintenir l'équilibre financier tel qu'il avait été défini dans le cadre du protocole d'accord initialement conclu, cette somme ne peut davantage être regardée, ainsi que le soutient le ministre, comme rémunérant la substitution de la société à la commune dans la réalisation des fondations ni comme rémunérant le service que la société aurait rendu à la commune en acceptant de contracter à de nouvelles conditions ; qu'il suit de là que la subvention, qui ne rémunère pas une prestation réalisée au profit de la commune d'Agen, n'entre pas dans la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée, telle que définie à l'article 266 du code général des impôts ;

5. Considérant qu'en se bornant à faire valoir que le non-assujettissement de cette subvention à la taxe sur la valeur ajoutée contrevient au principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée et entraîne une distorsion de concurrence, le ministre n'assortit pas son moyen des précisions nécessaires pour que la cour en apprécie le bien-fondé ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a prononcé le remboursement d'un crédit de taxe d'un montant de 60 150 euros au profit de la SARL Cap Cinéma Agen ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SARL Cap Cinéma Agen et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la SARL Cap Cinéma Agen une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée (SARL) Cap Cinéma Agen au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 24 mars 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Aubert, président de chambre,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,

- M. Jouno, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 avril 2016.

Le rapporteur,

T. JounoLe président,

S. Aubert

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT02115


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14NT02115
Date de la décision : 21/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme AUBERT
Rapporteur ?: M. Thurian JOUNO
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : CABINET FIDAL (BLOIS)

Origine de la décision
Date de l'import : 03/05/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-04-21;14nt02115 ?
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