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07/04/2016 | FRANCE | N°15NT01800

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 07 avril 2016, 15NT01800


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2014 du préfet de la Sarthe refusant de lui accorder un titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé d'office.

Par un jugement n° 1501194 du 12 mai 2015, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et

un mémoire enregistrés les 11 juin 2015 et 1er février 2016, le préfet de la Sarthe demande à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2014 du préfet de la Sarthe refusant de lui accorder un titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé d'office.

Par un jugement n° 1501194 du 12 mai 2015, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 juin 2015 et 1er février 2016, le préfet de la Sarthe demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 mai 2015 ;

2°) de rejeter la demande de M.A... ;

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, la demande de première instance présentée par M. A...était tardive et par suite irrecevable ;

- les pièces produites établissent que les pathologies psychiatriques dont souffre l'intéressé peuvent être prises en charge en Guinée et qu'un traitement approprié à sa pathologie y existe ;

- par ailleurs, l'arrêté est suffisamment motivé ;

- l'appréciation de la situation personnelle de M. A...n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;

- M. A...est célibataire et sans enfant et a vécu en Guinée jusqu'à l'âge de 27 ans, aussi, l'arrêté ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- le traitement de la pathologie de M. A...étant disponible en Guinée, la décision fixant le pays de renvoi ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; M. A...ne démontre pas davantage l'existence de risques en cas de retour dans son pays.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 décembre 2015, M. B...A...conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Sarthe de lui délivrer un titre de séjour temporaire l'autorisant à travailler, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder, dans le même délai et sous la même astreinte, au réexamen de sa situation administrative ;

3°) à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens invoqués par le préfet de la Sarthe ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Specht a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. B...A..., ressortissant guinéen (Guinée Conakry) né en 1981, est entré régulièrement en France le 1er novembre 2008, muni d'un visa de long séjour en qualité d'étudiant valable jusqu'au 13 janvier 2009 ; qu'il a sollicité le 19 août 2014 la délivrance d'un titre de séjour pour motif de santé ; qu'après avoir recueilli l'avis du médecin de l'agence régionale de santé le 17 octobre 2014, le préfet de la Sarthe a, par un arrêté du 10 décembre 2014, refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office ; que le préfet de la Sarthe relève appel du jugement du 9 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a fait droit à la demande de M. A...et a prononcé l'annulation de cet arrêté ;

Sur la légalité de l'arrêté du 10 décembre 2014 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, (...) " ;

3. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;

4. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant à l'appui de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de destination ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

5. Considérant que, par un avis du 17 octobre 2014, le médecin de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire a estimé que l'état de santé de M. A...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existait pas de traitement approprié dans le pays d'origine ; que le préfet de la Sarthe a refusé de délivrer le titre de séjour demandé au motif qu'il existait en Guinée des structures de soins adaptées aux pathologies psychiatriques concernées en l'espèce ainsi qu'un traitement approprié ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...est traité pour des troubles mineurs de l'anxiété et que les troubles de santé qu'il invoque ne l'empêchent pas d'exercer par ailleurs une activité salariée dans le cadre de contrats à durée déterminée ; que le préfet de la Sarthe a, par la production d'éléments précis d'information donnés par l'ambassade de France en Guinée et d'une liste nationale de médicaments disponibles, justifié de la possibilité de soins appropriés à l'état de santé de M. A...en Guinée (Conakry) ; qu'ainsi les structures de soins et les médicaments nécessaires au traitement de la pathologie du requérant existent dans son pays d'origine ; que si M. A... fait valoir que le service de psychiatrie du principal centre hospitalier du pays manque de moyens, il n'établit pas que son état de santé nécessiterait une hospitalisation ; que, dans ces conditions, le préfet de la Sarthe a pu légalement s'écarter de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé et refuser de délivrer à l'intéressé le titre de santé sollicité ; qu'il est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur le motif tiré de l'insuffisance des éléments produits pour annuler le refus opposé à la demande de titre de séjour pour motif de santé présentée par M.A... ;

7. Considérant qu'il y a lieu pour la cour, saisie dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif et devant la cour ;

8. Considérant, en premier lieu, que Mme Fournier, secrétaire générale de la préfecture de la Sarthe, signataire de l'arrêté contesté du 10 décembre 2014, bénéficiait d'une délégation de signature accordée par un arrêté du préfet de la Sarthe du 21 août 2014 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 39 du 21 août 2014, à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires et avis relevant des attribution de l'Etat dans le département, à l'exception de décisions parmi lesquelles ne figurent pas les arrêtés portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire et fixation du pays de renvoi ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté manque en fait ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que le refus de titre de séjour opposé par l'arrêté contesté à M. A... vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui en constituent la base légale, ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, contient l'ensemble des considérations de fait et de droit qui fondent cette décision et comporte des éléments suffisants sur son état de santé, dans le respect du secret médical ; que cette décision est suffisamment motivée au regard des exigences posées par la loi susvisée du 11 juillet 1979 ; que la mesure d'obligation de quitter le territoire français dont le préfet de la Sarthe a assorti sa décision de refus de titre de séjour, qui vise le 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est dès lors également régulièrement motivée ; qu'enfin, la décision fixant le pays de renvoi, qui vise le I de l'article L. 511-1 et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne la nationalité de l'intéressé et indique que la décision ne contrevient pas aux stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est également suffisamment motivée ;

10. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le préfet de la Sarthe n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de M. A...en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité et en l'obligeant à quitter le territoire français ;

11. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte également de ce qui a été dit au point 6 qu'il existe en Guinée un traitement approprié aux troubles de santé de M.A... ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que, compte tenu des lacunes des structures de soins existant dans son pays, son état de santé ferait obstacle à son éloignement en application des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

12. Considérant, en cinquième lieu, que si M. A...soutient que la décision portant refus de titre de séjour a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme car il est bien intégré en France où il séjourne depuis 2008, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est célibataire et sans enfant ; qu'en outre, il ne démontre pas qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 27 ans, et où résident ses parents et ses frères et soeurs ; qu'ainsi, eu égard en particulier aux conditions de son séjour et à l'absence de justification d'attaches familiales ou privées en France, le préfet de la Sarthe n'a pas, au regard des motifs de ces décisions, en refusant la délivrance du titre de séjour et en obligeant M. A...à quitter le territoire français, porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

13. Considérant, en sixième lieu, que l'illégalité de la décision portant refus de séjour n'étant pas établie, l'exception d'illégalité de cette décision, soulevée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit être écartée ;

14. Considérant, en septième lieu, qu'en faisant valoir son état de santé et l'insuffisance des structures de soins en Guinée, M. A...n'établit pas, compte tenu des motifs retenus au point 6, encourir des risques de traitement inhumain au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de renvoi dans son pays d'origine ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance, que le préfet de la Sarthe est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 10 décembre 2014 et que la demande de M. A...devant le tribunal administratif de Nantes doit être rejetée ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées par ce dernier devant la cour à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1501194 du 12 mai 2015 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Nantes et les conclusions présentées par lui devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A....

Copie en sera adressée au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 17 mars 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Specht, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 7 avril 2016.

Le rapporteur,

F. SpechtLe président,

I. Perrot

Le greffier,

A. Maugendre

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°15NT01800


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01800
Date de la décision : 07/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Frédérique SPECHT
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SCP GALLOT LAVALLEE IFRAH BEGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-04-07;15nt01800 ?
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