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05/04/2016 | FRANCE | N°14NT01186

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 05 avril 2016, 14NT01186


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes :

- d'annuler la décision du 12 décembre 2012 par laquelle la directrice de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), d'une part, a rejeté son recours gracieux exercé contre la décision du 6 juillet 2012 mettant fin de façon anticipée à son contrat et contre la décision d'appliquer une retenue sur traitement pour absence de service fait le 29 juin 2012, d'autre part, a refusé de faire droit à sa demande de mise en oeuvr

e de la protection fonctionnelle, et enfin, a rejeté sa demande préalable indemnita...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes :

- d'annuler la décision du 12 décembre 2012 par laquelle la directrice de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), d'une part, a rejeté son recours gracieux exercé contre la décision du 6 juillet 2012 mettant fin de façon anticipée à son contrat et contre la décision d'appliquer une retenue sur traitement pour absence de service fait le 29 juin 2012, d'autre part, a refusé de faire droit à sa demande de mise en oeuvre de la protection fonctionnelle, et enfin, a rejeté sa demande préalable indemnitaire ;

- de condamner l'AEFE à lui verser les sommes de 66 619,87 euros et 20 000 euros en réparation des préjudices financier et moral subis du fait de l'illégalité de la décision contestée et de la faute constituée par le harcèlement moral dont elle a été victime, ainsi que le refus de protection fonctionnelle qui lui a été opposé ;

- de condamner, à titre subsidiaire, l'AEFE à lui verser la somme de 238,50 euros correspondant à la retenue sur salaire effectuée au titre de la journée du 29 juin 2012 ;

- d'ordonner la suppression de la procédure et de son dossier administratif de la mention des passages outrageants et injurieux, conformément aux dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative ;

- d'enjoindre à la directrice de l'AEFE de procéder à la reconstitution juridique de sa carrière, ainsi qu'à la reconstitution de ses droits sociaux à compter de septembre 2012 ;

- d'enjoindre à la directrice de l'AEFE de mettre en oeuvre la protection fonctionnelle et à ce titre, d'une part, de réparer la totalité des frais de procédure et d'avocat versés, d'autre part, de mettre en oeuvre toutes mesures disciplinaires, civiles ou pénales à l'encontre des auteurs des faits de harcèlement moral, et enfin de retirer de son dossier administratif tout document susceptible de porter atteinte à sa carrière au regard des faits de harcèlement moral subis et dénoncés.

Par un jugement n° 1301295 du 4 mars 2014, le tribunal administratif de Nantes a, d'une part, annulé la décision de la directrice de l'AEFE du 12 décembre 2012 en tant qu'elle rejette le recours gracieux formé par Mme B...contre la décision du 10 juillet 2012 de procéder à une retenue sur traitement pour absence de service fait le 29 juin 2012, et d'autre part, rejeté le surplus des demandes de MmeB....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 mai 2014, MmeB..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 mars 2014 en tant qu'il rejette le surplus de ses demandes ;

2°) d'annuler la décision du 12 décembre 2012 en tant qu'elle rejette son recours gracieux contre la décision mettant fin de façon anticipée à son contrat, qu'elle refuse de faire droit à sa demande de mise en oeuvre de la protection fonctionnelle, et qu'elle rejette sa demande préalable indemnitaire ;

3°) de condamner l'AEFE à lui verser les sommes de 66 619,87 euros et 20 000 euros en réparation des préjudices financier et moral subis et la somme de 238,50 euros au titre du prélèvement indu sur traitement ;

4°) d'enjoindre à la directrice de l'AEFE de mettre en oeuvre la protection fonctionnelle et à ce titre, d'une part, de lui rembourser la totalité des frais de procédure versés, d'autre part, de mettre en oeuvre toutes mesures disciplinaires à l'encontre des auteurs des faits de harcèlement moral ;

5°) de mettre à la charge de l'AEFE la somme de 4000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier car il omet de se prononcer sur sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 décembre 2012 en tant qu'elle rejette son recours gracieux contre la décision du 6 juillet 2012 et sur sa demande indemnitaire liée à l'illégalité de cette décision ;

- le jugement opère une confusion des moyens et n'est pas suffisamment motivé dans sa réponse à l'existence d'un harcèlement moral et à la demande de protection fonctionnelle ;

- le jugement omet de se prononcer sur sa demande tendant à la condamnation de l'AEFE à lui verser la somme de 238,50 euros correspondant à la retenue sur traitement ;

- la décision du 6 juillet 2012 n'est pas suffisamment motivée ; elle est intervenue en méconnaissance des droits de la défense et de la procédure disciplinaire, dès lors que le dossier qui lui a été communiqué était incomplet ; elle est intervenue en méconnaissance du délai de préavis prévu au contrat ; la consultation de la commission administrative paritaire préalable à la fin de mission anticipée est entachée d'irrégularités ; la décision du 6 juillet 2012 est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et révèle des agissements constitutifs de harcèlement moral, qui justifiaient la mise en oeuvre de la protection fonctionnelle ; cette décision est entachée de détournement de pouvoir ;

- la décision de refus de mise en oeuvre de la protection fonctionnelle n'est pas motivée ; elle est entachée d'erreur de droit, d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation des faits quant à l'existence du harcèlement moral dont elle a été victime ; elle est entachée de détournement de pouvoir ;

- l'agence a commis une faute en laissant ses agents exercer un harcèlement moral sur sa personne et en ne mettant pas en oeuvre la protection fonctionnelle, ainsi qu'en mettant fin de façon anticipée à sa mission ;

- elle a subi un préjudice financier constitué des pertes de rémunération correspondant à sa dernière année de contrat et des frais liés à son retour en France, ainsi qu'un préjudice moral évalué à 20 000 euros et un préjudice de carrière, pour lequel elle sollicité la reconstitution de sa carrière sur ses droits sociaux et statutaires.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2014, l'AEFE conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme B...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas entaché d'omission à statuer dans la mesure où Mme B...n'a pas demandé l'annulation de la décision initiale du 6 juillet 2012, seulement celle de la décision du 12 décembre 2012 rejetant son recours gracieux, contre laquelle elle n'invoque aucun vice propre ;

- le jugement n'est entaché d'aucune confusion des moyens et est suffisamment motivé quant à l'analyse du harcèlement moral et le refus d'accorder la protection fonctionnelle ;

- dès lors que le tribunal n'a annulé que le rejet du recours gracieux dirigé contre la décision de retenue sur traitement du 10 juillet 2012, cette décision subsiste et le tribunal ne pouvait pas faire droit aux conclusions de la requérante tendant à ce qu'il lui soit versé 238,50 euros ;

- Mme B...ne soulève, pour contester la décision du 12 décembre 2012, que des moyens tirés de l'illégalité de la décision initiale du 6 juillet 2012 mettant fin de manière anticipée à sa mission ; en tout état de cause, ces moyens ne sont pas fondés ;

- la décision du 12 décembre 2012 refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle est implicite, de sorte qu'elle ne peut être entachée d'un défaut de motivation ;

- le jugement attaqué n'est entaché, s'agissant de son examen du harcèlement moral, ni d'une erreur de droit ni d'une erreur d'appréciation des faits ;

- en l'absence d'illégalité, les conclusions indemnitaires et à fin d'injonction ne pourront qu'être rejetées.

Par une ordonnance du 22 février 2016, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée avec effet immédiat.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le décret n° 2002-22 du 4 janvier 2002 relatif à la situation administrative et financière des personnels des établissements d'enseignement français à l'étranger ;

- l'arrêté du 27 février 2007 relatif aux commissions consultatives paritaires centrales et locales de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rimeu, premier conseiller,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me E...du tertre, avocat de l'AEFE.

1. Considérant que MmeB..., professeur de sciences économiques et sociales, a été recrutée par l'agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) pour exercer ses fonctions au lycée franco-japonais de Tokyo du 1er décembre 2010 au 31 août 2013 ; que le 6 juillet 2012, la directrice de l'AEFE a décidé, dans l'intérêt du service, de mettre fin de façon anticipée au contrat de MmeB..., à compter du 1er septembre 2012 ; que le 10 juillet 2012, la directrice de l'AEFE a procédé à une retenue sur traitement pour absence de service fait le 29 juin 2012 ; que le recours gracieux formé par Mme B...contre ces deux décisions des 6 et 10 juillet 2012 a été rejeté par une décision du 12 décembre 2012 ; que par un jugement du 4 mars 2014, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision du 12 décembre 2012 en tant qu'elle rejette le recours formé contre la décision du 10 juillet 2012 relative à la retenue sur salaire et a rejeté le surplus des conclusions de MmeB... ; que celle-ci relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette ses demandes tendant, d'une part à l'annulation de la décision du 12 décembre 2012 en tant qu'elle rejette son recours gracieux formé contre la décision mettant fin à son contrat du 6 juillet 2012 et en tant qu'elle refuse implicitement de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, et d'autre part à la condamnation de l'AEFE à lui verser la somme totale de 86 619,87 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, ainsi que la somme de 238,50 euros au titre de la retenue sur salaire indûment opérée ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, d'une part, que le jugement attaqué répond aux principaux arguments soulevés par Mme B...pour démontrer qu'elle a été victime de harcèlement moral et qu'elle aurait dû se voir accorder la protection fonctionnelle ; que, dans ces conditions, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments développés par la requérante, ont suffisamment motivé leur jugement ;

3. Considérant, d'autre part, que le jugement attaqué répond dans son point 2 aux moyens développés par la requérante à l'encontre de la décision du 12 décembre 2012 en tant qu'elle rejette son recours formé contre la décision du 6 juillet 2012 mettant fin de façon anticipée à son contrat, en indiquant qu'aucun de ces moyens n'est dirigé contre cette décision du 12 décembre 2012 et n'est par suite susceptible de démontrer son illégalité ; que, dans ses points 9 à 14, le jugement attaqué répond par ailleurs à l'ensemble de ces moyens en tant qu'ils sont susceptibles d'entacher d'illégalité la décision du 6 juillet 2012 et par suite de fonder l'engagement de la responsabilité de l'AEFE ; que dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer sur sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 décembre 2012 en tant qu'elle rejette son recours gracieux dirigé contre la décision du 6 juillet 2012 ;

4. Considérant, enfin, que le jugement attaqué omet de se prononcer sur les conclusions indemnitaires de Mme B...tendant à la condamnation de l'AEFE à lui verser la somme de 238,50 euros en réparation de la retenue sur traitement indûment opérée ; que, par suite, Mme B...est fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 mars 2014 en tant qu'il omet de se prononcer sur ces conclusions ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de ce prononcer, sur ces conclusions tendant à la condamnation de l'AEFE à verser à Mme B...la somme de 238,50 euros par la voie de l'évocation et, pour les autres conclusions de la requête, par l'effet dévolutif de l'appel ;

Sur les conclusions de Mme B...tendant à la condamnation de l'AEFE à lui verser la somme de 238,50 euros :

6. Considérant qu'il n'est pas contesté que la retenue sur traitement pour absence de service fait le 29 juin 2012 a été opérée à tort ; que cette faute engage la responsabilité de l'administration ; que dans ces conditions, Mme B...est fondée à demander la condamnation de l'AEFE à lui rembourser la somme retenue à tort, d'un montant de 238,50 euros ;

Sur la fin anticipée du contrat :

7. Considérant, en premier lieu, que la décision du 6 juillet 2012 indique qu'il est mis fin au contrat de Mme B...de façon anticipée pour un motif tiré de l'intérêt du service et renvoie au courrier joint pour les motifs de fait justifiant cette mesure ; que le courrier joint, notifié à Mme B...avec la décision du 6 juillet 2012, mentionne les difficultés relationnelles de l'intéressée avec les membres de la communauté pédagogique et le fait qu'elle n'a manifesté aucune volonté de s'adapter et d'appliquer les conseils qui lui étaient prodigués ; que la décision mettant fin au contrat est ainsi suffisamment motivée ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 17 du décret du 4 janvier 2002 susvisé, alors en vigueur : " Il peut être mis fin de manière anticipée au contrat d'un personnel résident ou expatrié sur décision du directeur de l'agence après consultation des commissions consultatives paritaires compétentes de l'agence. " ;

9. Considérant que si l'article 4 du contrat de MmeB..., qui en fixe la durée, prévoit qu'il peut être dénoncé avec un préavis de six mois, cet article précise expressément que c'est " sous réserves des dispositions des articles suivants " ; que l'article 5 de ce contrat prévoit qu'il peut être mis fin de manière anticipée au contrat, dans l'intérêt du service, sans prévoir de préavis dans ce cas ; que cette stipulation contractuelle se borne ainsi à reprendre les dispositions précitées de l'article 17 du décret du 4 janvier 2002, qui prévoient comme seule obligation procédurale, en cas de fin anticipée de contrat, la consultation de la commission consultative paritaire compétente ; que la circonstance que la décision du 6 juillet 2012 soit intervenue trop tard pour que Mme B...puisse participer au mouvement de mutation des professeurs de son académie est sans influence sur la légalité de la décision contestée, dés lors au demeurant qu'elle a bénéficié de plus d'un mois et demi entre la décision et sa prise d'effet, pour organiser son départ du Japon ; que dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le délai de préavis n'aurait pas été respecté doit être écarté ;

10. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté susvisé du 27 février 2007 : " Chaque commission consultative paritaire centrale comprend : / - cinq représentants titulaires de l'administration, dont le président de la commission, et un nombre égal de suppléants ; / - cinq représentants titulaires du personnel et un nombre égal de suppléants. " ; qu'aux termes de l'article 24 du même arrêté : " Une commission consultative paritaire ne délibère valablement qu'à la condition d'observer les règles de constitution et de fonctionnement édictées par le présent arrêté. / Lors de l'ouverture de la réunion, les trois quarts au moins des membres de la commission doivent être présents. " ;

11. Considérant que les dispositions précitées, applicables aux commissions paritaires centrales, compétentes pour se prononcer sur la situation de MmeB..., prévoient que chacune d'entre elle comprend dix membres, les membres suppléants n'étant amenés à siéger avec voix délibérative qu'en l'absence des membres titulaires qu'ils suppléent ; que, par suite, le quorum fixé par l'article 24 précité est atteint lorsque huit membres sont présents ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que, lors de sa réunion le 4 juillet 2012, la commission paritaire centrale compétente pour se prononcer sur la situation de Mme B...comprenait huit membres ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que cette commission se serait prononcée irrégulièrement doit être écarté ;

12. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 : "Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardés dans leur avancement à l'ancienneté" ; que ces dispositions sont applicables à une décision mettant fin de manière anticipée, dans l'intérêt du service, à un contrat de recrutement d'un agent public à l'étranger, qui entraine nécessairement un déplacement d'office ;

13. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 24 mai 2012, Mme B...a été informée de ce qu'il était envisagé de mettre fin de manière anticipée à son contrat et, à cette fin, de saisir pour avis la commission paritaire centrale, et que, par un courrier du 8 juin 2012, elle a été informée de ses droits à consulter son dossier et à présenter des observations ; qu'il ressort également des pièces du dossier que Mme B...a consulté son dossier et a présenté des observations ; que si elle soutient qu'elle n'aurait pas eu accès à un dossier administratif personnel distinct de celui, propre à la procédure en cause, qu'elle a consulté, d'une part, elle n'établit ni même ne soutient qu'elle aurait demandé à consulter un tel dossier, et d'autre part, l'existence d'un tel dossier dans les services de l'AEFE n'est pas établie, dès lors notamment qu'elle n'était que détachée auprès de cette agence pour une durée de trois ans et que son administration d'origine est celle de l'éducation nationale ; qu'enfin, il ressort des pièces du dossier que Mme B...a eu accès à l'ensemble des éléments soumis à la commission paritaire, à savoir sa notation pour l'année 2011-2012 et les rapports établis par le chef d'établissement, le chef du poste diplomatique et le chef du service pédagogique de l'AEFE, ainsi que ses annexes ; que rien n'obligeait l'AEFE à insérer dans le dossier les échanges de courriels et autres documents de nature à établir la volonté de Mme B...de trouver des solutions aux problèmes rencontrés, les soutiens qui lui ont été exprimés et le harcèlement dont elle estime avoir été l'objet, ces éléments étant connus de Mme B...et susceptibles d'être portés par elle, avec ses observations, à la connaissance de la commission paritaire et de la directrice de l'agence ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que Mme B...n'aurait pas eu communication de son dossier et de l'ensemble des éléments soumis à la commission paritaire, en méconnaissance des droits de la défense, doit être écarté ;

14. Considérant, en cinquième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...a rencontré, dans ses fonctions de professeur de sciences économiques et sociales au lycée franco-japonais, des difficultés avec certains élèves et parents d'élèves qui lui reprochaient ses méthodes pédagogiques, en particulier sa méthode de notation ; qu'en dépit de nombreux efforts de la part de la direction de l'établissement, notamment pour régler ces difficultés, celles-ci n'ont fait que s'aggraver et ont fini par créer une situation difficile pour l'ensemble de la communauté éducative du lycée ; que dans ces conditions, à supposer même que les reproches de certains parents d'élèves à l'encontre de Mme B...n'aient pas été fondés et qu'elle ait accompli au mieux sa fonction de professeur, la situation particulièrement conflictuelle résultant de la présence de Mme B...suffisait pour qu'il soit mis fin de manière anticipée, dans l'intérêt du service, à son contrat ; que dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté ;

15. Considérant, enfin, que la circonstance que certains reproches qui ont été faits à MmeB..., notamment dans le rapport de la chef du service pédagogique de l'AEFE, puissent être, s'ils étaient regardés comme établis, de nature à justifier une sanction disciplinaire, est sans influence sur la légalité d'une mesure prise, par ailleurs, dans l'intérêt du service ; qu'en l'espèce, il ressort de ce qui a été dit au point précédent que la décision de mettre fin au contrat de Mme B...était justifiée par l'intérêt du service ; que dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la mesure prise constituerait une sanction disciplinaire déguisée et serait, par suite, entachée de détournement de pouvoir, ne peut qu'être écarté ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision du 6 juillet 2012 mettant fin de façon anticipée au contrat de la requérante n'est pas entachée d'illégalité ; que, par suite, d'une part, la décision du 12 décembre 2012, qui rejette le recours gracieux formé contre cette décision initiale, n'est pas davantage illégale et, d'autre part, l'AEFE n'a pas, en mettant fin au contrat de MmeB..., commis de faute de nature à engager sa responsabilité ;

Sur le harcèlement moral :

17. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.... " ; que, d'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; que, d'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ;

18. Considérant que Mme B...établit que certains élèves et parents d'élèves ont fortement contesté ses méthodes pédagogiques et son système de notation, en excédant parfois leur rôle, et ont fini par demander son départ ; que, toutefois, il ressort également des pièces du dossier que la direction de l'établissement l'a soutenue face à ces critiques et a tenté de dénouer le conflit ; qu'il ressort également des pièces du dossier que si Mme B...s'est heurtée, au cours de sa seconde année scolaire dans le lycée, à un de ces collègues, qui lui a reproché de ne pas être capable de s'adapter au lycée de Tokyo, il n'est pas établi, ni même soutenu, que ses autres collègues ou la direction de l'établissement lui auraient été hostiles ; que la circonstance que Mme B...ait toujours été bien notée avant son arrivée à Tokyo n'exclut pas la possibilité de rencontrer des difficultés à s'adapter à un environnement professionnel différent ; que si les exigences de certains parents d'élèves ont pu lui apparaître contraires à sa rigueur professionnelle, cette situation n'exigeait pas que l'ensemble de l'équipe éducative adopte la même attitude que MmeB... ; que si sa fiche de notation pour l'année 2010-2011 a été diffusée à l'ensemble du personnel du lycée, ainsi qu'à certaines associations de parents d'élève, il n'est pas établi que ce manquement, particulièrement regrettable mais isolé, ait été sciemment commis dans l'intention de lui nuire ; qu'enfin, si Mme B...connaît des troubles depuis son retour en France, notamment en raison d'un syndrome dépressif lié à ses aléas professionnels, cette circonstance ne suffit pas à établir qu'elle aurait subi une situation de harcèlement moral ; qu'ainsi, au regard de l'ensemble de ces éléments, les difficultés qu'elle a rencontrées au lycée franco-japonais de Tokyo ne sauraient être regardées comme constitutives d'un tel harcèlement ; que par suite, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que l'AEFE aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

Sur la protection fonctionnelle :

19. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent que l'AEFE n'était pas tenue d'accorder à Mme B...le bénéfice de la protection fonctionnelle au motif qu'elle aurait été victime de harcèlement moral ;

20. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. " ;

21. Considérant que si, dans le courrier du 7 juin 2011 par lequel ils ont demandé le départ de MmeB..., les parents d'élèves ont outrepassé leur rôle en critiquant ses méthodes pédagogiques, ce courrier, dans lequel le vocabulaire employé reste très correct, ne comporte ni injure, ni diffamation ni outrage à l'encontre de l'intéressée ; que, par suite, l'AEFE n'était pas tenue, en application des dispositions précitées de la loi du 13 juillet 1983 d'accorder sa protection fonctionnelle à MmeB... ;

22. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède, que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 4 mars 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 12 décembre 2012 en tant qu'elle rejette son recours gracieux contre la décision de fin de contrat du 6 juillet 2012 et en tant qu'elle rejette implicitement sa demande de protection fonctionnelle et ses demandes indemnitaires, et d'autre part à la condamnation de l'AEFE à lui verser la somme de 86 619,87 euros ;

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :

23. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'AEFE, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, la somme dont Mme B...demande le paiement au titre des frais non compris dans les dépens ;

24. Considérant, d'autre part, que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par l'AEFE sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 mars 2014 est annulé en tant qu'il omet de statuer sur les conclusions de Mme B...tendant à la condamnation de l'AEFE à lui verser la somme de 238,50 euros en réparation du préjudice subi du fait de la retenue sur traitement opérée pour la journée du 29 juin 2012.

Article 2 : L'AEFE est condamnée à verser à Mme B...la somme de 238,50 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'AEFE sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B...et à l'agence pour enseignement français à l'étranger.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- Mme Rimeu, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 avril 2016.

Le rapporteur,

S. RIMEU

Le président,

L. LAINE

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre des affaires étrangères en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT01186


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01186
Date de la décision : 05/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : MAZZA

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-04-05;14nt01186 ?
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