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31/03/2016 | FRANCE | N°14NT01350

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 31 mars 2016, 14NT01350


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge ou, à défaut, la réduction des pénalités ayant assorti les droits de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société de droit espagnol Molding Mega au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 octobre 2007, au paiement desquelles elle a été condamnée solidairement avec cette société.

Par un jugement n° 1300171 du 20 mars 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédur

e devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 mai 2014, 29 décembre 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge ou, à défaut, la réduction des pénalités ayant assorti les droits de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société de droit espagnol Molding Mega au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 octobre 2007, au paiement desquelles elle a été condamnée solidairement avec cette société.

Par un jugement n° 1300171 du 20 mars 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 mai 2014, 29 décembre 2015, 26 février 2016 et 4 mars 2016, Mme B..., représentée par la société civile professionnelle Bondiguel et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 20 mars 2014 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la décharge de la majoration de 80 % prévue par le c du 1 de l'article 1728 du code général des impôts en cas de découverte d'une activité occulte, appliquée aux droits de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société de droit espagnol Molding Mega au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 octobre 2007 et au paiement de laquelle elle a été condamnée solidairement avec cette société ;

2°) de prononcer la décharge ou, à défaut, la réduction de cette majoration.

Elle soutient que :

- l'administration n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'exercice d'une activité occulte par la société de droit espagnol Molding Mega, dès lors que cette société a satisfait à ses obligations fiscales en Espagne, Etat avec lequel les autorités fiscales françaises échangent des informations ;

- l'administration n'a pas communiqué à Mme B...les éléments de droit et de fait lui étant reprochés, c'est-à-dire la motivation de la pénalité pour découverte d'une activité occulte ;

- en vertu du principe " non bis in idem ", consacré à l'article 4 du protocole n° 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 50 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, la majoration de 80 % prévue par l'article 1728 du code général des impôts, qui revêt le caractère d'une accusation en matière pénale, ne peut lui être appliquée dès lors qu'elle a déjà été sanctionnée pour des faits identiques par le tribunal de grande instance de Vannes, lequel l'a condamnée sur le fondement de l'article 1741 du code général des impôts ; à cet égard, il y a lieu de relever, en premier lieu, que la réserve posée par la France à l'application de l'article 4 du protocole n° 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne satisfait pas aux exigences posées par le 2 de l'article 57 de la convention, de sorte qu'elle est invalide, et, en second lieu, que la circonstance que le contrôle des sanctions en cause ne relève pas du même ordre juridictionnel est dépourvue d'incidence ;

- à tout le moins, le principe de proportionnalité impose de limiter le montant global des sanctions qui lui ont été appliquées afin qu'il ne dépasse pas le montant le plus élevé des deux sanctions encourues par elle ; ainsi, il convient de réduire le montant des pénalités en litige de la somme de 8 590 euros, mise à sa charge sur le fondement de l'article 1741 du code général des impôts.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 novembre 2015, 14 janvier 2016 et 4 mars 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le septième protocole additionnel à cette convention ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jouno,

- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant MmeB....

1.

Considérant que la société de droit espagnol Molding Mega, qui a une activité de conception et de vente de moules à injection, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a estimé, dans une proposition de rectification du 18 décembre 2008, que le lieu de livraison des biens vendus par elle se situait en France et non en Espagne ; que l'administration lui a, en conséquence, réclamé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 octobre 2007, augmentés de l'intérêt de retard et de la majoration de 80 % prévue par le c du 1 de l'article 1728 du code général des impôts en cas de découverte d'une activité occulte ;

2. Considérant que, par un jugement correctionnel du tribunal de grande instance de Vannes du 27 janvier 2011, Mme B...a, en sa qualité de gérante de la société de droit espagnol Molding Mega, été reconnue coupable du délit de fraude fiscale, condamnée au paiement d'une amende de 10 000 euros sur le fondement de l'article 1741 du code général des impôts, et déclarée, en application de l'article 1745 du même code, solidairement tenue avec cette société au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée fraudée au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 octobre 2007 ainsi que des pénalités correspondantes ; qu'à la suite du rejet de sa réclamation, Mme B...a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande en décharge des pénalités au paiement desquelles elle avait ainsi été déclarée solidairement tenue ; que, par le jugement attaqué, cette demande a été rejetée ; que Mme B...ne relève appel de ce jugement qu'en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la décharge de la majoration de 80 % prévue par le c de l'article 1728 du code général des impôts ;

Sur la motivation de la majoration de 80 % :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. (...) " ;

4. Considérant que si la motivation de la majoration de 80 % prévue par le c du 1 de l'article 1728 du code général des impôts appliquée à la société de droit espagnol Molding Mega devait, ainsi que cela a été le cas, être portée à la connaissance de cette société en application de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales dans le cadre de la procédure de redressement dont elle a fait l'objet, une telle obligation ne pesait pas sur l'administration, en vertu de ce même article, vis-à-vis de MmeB..., qui n'avait pas la qualité de contribuable mais celle de redevable solidaire de cette majoration ;

Sur le bien-fondé de la majoration de 80 % :

5. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 1728 du code général des impôts : " Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. " ; qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi dont elles sont issues, que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives ; que, s'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un Etat autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte tant du niveau d'imposition dans cet autre Etat que des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux Etats ;

6. Considérant, d'une part, qu'il n'est pas contesté que la société de droit espagnol Molding Mega n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'elle était tenue de souscrire en matière de taxe sur la valeur ajoutée ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe d'un tribunal de commerce ;

7. Considérant, d'autre part, que Mme B...ne justifie pas que la société de droit espagnol Molding Mega, dont il n'est pas contesté que les opérations étaient réalisées depuis la France et que les fournisseurs ainsi que les clients étaient situés en France, a satisfait à ses obligations déclaratives en Espagne au titre de l'ensemble de la période considérée ; qu'ainsi, même en tenant compte de l'existence d'échanges d'informations entre les administrations fiscales française et espagnole, organisés, au titre de la période litigieuse, par le règlement n° 1798/2003 du 7 octobre 2003, Mme B...ne démontre pas que le non-respect de ses obligations déclaratives en France résulterait d'une simple erreur ;

8. Considérant qu'il suit de là que l'administration doit être réputée apporter la preuve de l'exercice occulte en France, par la société de droit espagnol Molding Mega, de son activité professionnelle ;

Sur le cumul allégué de la majoration de 80 % et de l'amende appliquée sur le fondement de l'article 1741 du code général des impôts :

9. Considérant, d'une part, que, comme il a été dit, l'administration a appliqué la majoration de 80 % prévue par le c du 1 de l'article 1728 du code général des impôts aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société de droit espagnol Molding Mega en raison de la découverte de l'activité occulte exercée par cette société en France ; que le tribunal de grande instance de Vannes a, par un jugement devenu définitif, condamné Mme B...au paiement d'une amende de 10 000 euros sur le fondement de l'article 1741 du code général des impôts pour des faits de fraude fiscale commis par elle en tant que gérante de cette société ; qu'ainsi, les faits ayant motivé l'application de cette majoration, d'une part, et de cette amende, d'autre part, ont été commis par des personnes différentes, de sorte qu'ils ne pouvaient, eux-mêmes, qu'être distincts ; que, dans ces conditions, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que cette majoration constitue la sanction de faits identiques à ceux pour lesquels elle a été condamnée à cette amende ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 50 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être écarté, de même, en tout état de cause, que celui tiré de la violation de l'article 4 du protocole n° 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant, d'autre part, qu'il est vrai que, lorsqu'une sanction administrative est susceptible de se cumuler avec une sanction pénale, il appartient au juge de l'impôt de veiller à ce que, conformément au principe de proportionnalité, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues ; que, toutefois, ainsi qu'il vient d'être dit au point précédent, la majoration de 80 % prévue par le c du 1 de l'article 1728 du code général des impôts a, en l'espèce, été appliquée à une personne différente de celle visée par l'amende infligée sur le fondement de l'article 1741 du code général des impôts ; qu'ainsi, bien que Mme B...soit tenue au paiement non seulement de cette amende mais aussi, par l'effet de la solidarité prononcée par le juge pénal, de cette majoration, celles-ci ne peuvent être regardées comme se cumulant ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Jouno, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 mars 2016.

Le rapporteur,

T. JounoLe président,

F. Bataille

Le greffier,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT01350


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01350
Date de la décision : 31/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Thurian JOUNO
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : SCP BONDIGUEL et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-03-31;14nt01350 ?
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