Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. François,
- les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public,
- et les observations de MeE..., substituant MeA..., représentant M.C....
1. Considérant que M.C..., recruté en 1999, occupait depuis le 1er avril 2000 la fonction de monteur dans l'unité de Blainville-sur-Orne de la société ISRI France, spécialisée dans la fabrication de sièges pour poids lourds ; qu'il a été élu en 2010 au comité d'entreprise et désigné comme membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; que, le 30 octobre 2012, le médecin du travail a constaté que l'intéressé était inapte définitivement au poste d'opérateur de production sur la chaîne de montage mais que son état de santé lui permettait de tenir un emploi administratif ou de cariste, sous réserve d'éviter les sollicitations de ses membres supérieurs et les gestes répétitifs " sous contrainte de temps " ; que, par lettre du 27 novembre 2012, son employeur lui a proposé un poste de magasinier cariste au sein de l'usine de Merkviller, dans le Bas-Rhin ; que M. C...ayant opposé un refus, la société ISRI France a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de le licencier ; que l'inspectrice du travail ayant refusé par décision du 14 mars 2013 de délivrer l'autorisation sollicitée, l'employeur a exercé un recours hiérarchique à l'issue duquel le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, par une décision du 22 août 2013, annulé la décision de l'inspectrice du travail du fait de son incompétence territoriale et autorisé le licenciement de M.C... ; que la société ISRI France relève appel du jugement du 16 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Caen a, à la demande de l'intéressé, annulé cette autorisation ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise.(...) L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. ".
3. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que le licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont le salarié est investi, et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société ISRI France appartient au groupe allemand Isringhausen, équipementier automobile implanté dans dix-sept pays sur trois continents ; que, contrairement à ce qui est soutenu par M.C..., l'unique poste de magasinier cariste existant à l'usine de Blainville-sur-Orne, supposant des manutentions, n'était pas compatible avec l'état de santé de l'intéressé ; qu'en tout état de cause, ce poste occupé par un salarié sous contrat à durée déterminée était appelé à être supprimé ; que, par ailleurs, le médecin du travail, qui n'était tenu ni de recommander une formation particulière ni de consulter le service d'appui au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés, a attesté dans son courrier du 25 mars 2013 adressé au directeur de l'entreprise, à M. C...et au médecin inspecteur du travail, avoir réalisé l'étude de poste prévue par l'article R. 4624-31 du code du travail, concluant à l'impossibilité du maintien de l'intéressé sur la chaîne de production et à l'absence sur le site de Blainville-sur-Orne de poste compatible avec l'état de santé et la qualification du salarié concerné ; que si l'employeur n'a pas interrogé M. C...sur la possibilité de rechercher un poste de reclassement à l'étranger, ce dernier, toutefois, dans sa réponse du 6 décembre 2012 à la proposition de poste de magasinier cariste au sein de l'unité de production de Merkviller en Alsace, que lui avait adressée le 27 novembre 2012 la société ISRI France, a indiqué qu'il ne pouvait accepter ce poste, situé à plus de 800 kilomètres de son domicile, qui impliquait à terme pour son épouse l'abandon de son emploi dans la région de Caen et donc une diminution de revenus conséquente pour le couple et ses trois enfants ; qu'il doit ainsi être regardé comme ayant manifesté un manque d'intérêt non seulement pour le reclassement proposé, mais aussi pour tout reclassement impliquant son éloignement, y compris à l'étranger ; que, dans ces conditions, la société ISRI France, qui a proposé à M.C... un poste de magasinier cariste ne comportant pas de manutention au sein de l'unité de Merkviller, équivalent à l'emploi qu'il occupait précédemment, ne peut être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme n'ayant pas procédé à une recherche réelle et sérieuse de reclassement de l'intéressé ; que par suite, la société ISRI France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision du 22 août 2013 du ministre chargé du travail l'autorisant à licencier ce salarié pour inaptitude physique ;
5. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...devant le tribunal administratif de Caen et devant la cour ;
6. Considérant, en premier lieu, que par décision du 18 janvier 2012 régulièrement publiée au Journal officiel du 5 février suivant, M.B..., signataire de la décision contestée, a reçu délégation de M.F..., directeur général du travail, lui-même régulièrement habilité, à l'effet de signer tous actes et décisions relevant de ses attributions, au nombre desquels figurent les autorisations administratives de licenciement ; que l'incompétence alléguée du signataire de la décision du 22 août 2013 manque ainsi en fait ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que l'article L. 2421-3 du code du travail énonce que : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel ou d'un membre élu du comité d'entreprise titulaire ou suppléant, d'un représentant syndical au comité d'entreprise ou d'un représentant des salariés au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail est soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement " ; que, conformément à ces dispositions, le comité d'entreprise de la société ISRI France s'est réuni le 16 janvier 2013 au siège de la société à Merkwiller, afin de se prononcer sur le licenciement de M.C... ; que ce comité d'entreprise est compétent à l'égard de l'unité de Blainville-sur-Orne qui ne dispose pas de comité d'établissement et ne bénéficie pas d'autonomie par rapport au siège social ; que si M. C...allègue que l'employeur s'est volontairement abstenu de créer un comité d'établissement dans l'unité dont il relève, il ne l'établit pas ; que doit par suite être écarté le moyen tiré de la consultation irrégulière du comité d'entreprise ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'en l'absence de comité d'établissement dans l'unité de Blainville-sur-Orne, c'est à bon droit que le ministre a annulé la décision de l'inspectrice du travail de la 3ème section de l'unité territoriale du Cavodos en raison de son incompétence territoriale ;
9 Considérant, enfin, que le licenciement sollicité est sans rapport avec les mandats dont M. C...était investi, alors même que ce dernier avait participé à une grève survenue dans l'unité de Blainville-sur-Orne plus de cinq ans auparavant ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société ISRI France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision du 22 août 2013 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ;
Sur les dépens
11. Considérant que M. C...étant la partie perdante dans la présente instance, il y a lieu, en l'absence de circonstances particulières, de laisser à sa charge la contribution pour l'aide juridique acquittée par lui au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'accorder à la société ISRI France le bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement à M. C...de la somme demandée sur ce fondement ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 16 octobre 2014 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Caen et le surplus de ses conclusions devant la Cour sont rejetés.
Article 3: Les conclusions formées par la société ISRI France sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société ISRI France, à M. C...et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Délibéré après l'audience du 23 février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. François, premier conseiller,
- Mme Buffet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mars 2016.
Le rapporteur,
E. FRANCOISLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT03124