Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Financière CEP a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer, d'une part, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006 et 2007 et, d'autre part, la réduction de la cotisation d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2006.
Par un jugement n° 1110217, 1303358 du 3 juillet 2014, le tribunal administratif de Nantes a, par son article 1er, prononcé la décharge partielle de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2006 et, par son article 2, rejeté le surplus de ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 septembre 2014 et le 7 août 2015, la SAS Financière CEP, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 3 juillet 2014 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés restant en litige auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006 et 2007 et la réduction des cotisations d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2006 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le refinancement de sa dette a été opéré en 2006 à son initiative et dans son intérêt propre et non au profit de ses actionnaires de sorte que les frais d'émission d'emprunt constituent des charges déductibles ; ses actionnaires ont supporté les frais qui leur incombaient à raison de la réorganisation qui a été réalisée concomitamment ; la raison objective de ce refinancement est la diminution des charges financières ; les actionnaires n'ont pas tiré parti de ce refinancement ;
- l'administration n'établit pas l'existence, la nature et l'étendue du bénéfice que les actionnaires auraient prétendument retiré du refinancement ;
- les honoraires de conseil qu'elle a déduits en 2006 correspondent, comme le confirment les factures produites, à son opération de refinancement et non à une cession d'actions.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 janvier 2015 et le 19 octobre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Financière CEP ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Allio-Rousseau,
- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public.
1. Considérant que la société par actions simplifiée (SAS) Financière Compagnie Européenne de Prévoyance (CEP), venant aux droits de la SAS CEP à la suite de l'opération de fusion-absorption réalisée en juin 2012, relève appel du jugement en date du 3 juillet 2014 en tant que le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006 et 2007 à hauteur en droits respectivement de 309 634 euros et de 623 271 euros et, d'autre part, à la réduction de la cotisation, à hauteur en droits de 482 775 euros, d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2006 ;
Sur le bien-fondé des impositions :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de 1'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ( ...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées de l'article 39 du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du même code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; qu'en ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;
3. Considérant qu'en vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis ; que la seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense ; que le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration ;
En ce qui concerne la déduction des frais d'emprunt bancaire :
4. Considérant que la SAS CEP, qui avait pour objet de prendre des participations dans toute société exerçant notamment une activité de réalisation d'opérations de courtage, de conseil et de gestion relatives à l'assurance emprunteur et à l'assurance collective entreprise, a acquis en 2005 les titres de cinq sociétés nantaises spécialisées dans le courtage d'assurance pour un prix total de 185 250 000 euros ; que cette opération d'acquisition a été financée au moyen d'une augmentation du capital de 16 257 500 euros, d'un emprunt obligataire d'un montant de 36 517 504 euros par l'émission d'obligations remboursables en actions ou en numéraires (ORAN) souscrites par les actionnaires de la SAS CEP et d'une convention de crédit auprès de la banque canadienne CIBC d'un montant de 150 000 000 euros ; que, le 10 mars 2006, la SAS CEP a entrepris la réorganisation de son actionnariat et une restructuration de son endettement ; que, d'une part, deux des associés de la SAS CEP se sont retirés du capital de la société au profit de deux nouvelles sociétés, Financière Gaillon I, dont ils sont devenus actionnaires, et Financière Gaillon II dont le capital est détenu à 100 % par des cadres dirigeants de la SAS CEP ; que, concomitamment, la SAS CEP a décidé de rembourser les ORAN pour un montant de 36 517 504 euros et a refinancé sa dette en réalisant un nouvel emprunt de 183 600 000 euros auprès de la banque CIBC se décomposant en trois tranches ; que les sociétés Gaillon I et Gaillon II ont emprunté respectivement les sommes de 96 600 000 euros et 6 800 000 euros ; que le financement de ces deux entités ainsi que celui de la SAS CEP ont été organisés dans un contrat de prêt unique du 7 mars 2006 ; que ce nouveau financement a entraîné pour la SAS CEP des frais d'émission d'emprunt d'un montant total de 2 192 597 euros qu'elle a déduits à hauteur de 657 480 euros au titre de l'exercice clos en 2006 et de 1 535 117 euros au titre de l'exercice clos en 2007 ; que, par une proposition de rectification en date du 16 novembre 2009, l'administration a réintégré au titre des exercices 2006 et 2007 les charges liées à la souscription des nouveaux emprunts bancaires au motif qu'elles n'ont pas été engagées dans l'intérêt direct de la SAS CEP mais au bénéfice de ses actionnaires ;
5. Considérant, en premier lieu, que pour remettre en cause la déduction des frais d'émission d'emprunt au titre des exercices clos en 2006 et 2007, l'administration a estimé que le refinancement de la dette de la SAS CEP en 2006 s'est effectué dans le cadre de la restructuration du groupe, notamment par la création de deux nouvelles sociétés holding, la recherche de leur financement, la participation au capital de cadres dirigeants et la cession massive des titres ; qu'elle en a déduit que cette opération de refinancement de la dette était la résultante d'une politique d'un groupe agissant pour la réorganisation de son actionnariat ; qu'il résulte de l'instruction que l'opération de restructuration financière de la SAS CEP engagée le 10 mars 2006 a été mise en oeuvre, selon les termes d'une note interne de son commissaire aux comptes, en raison du contexte économique favorable pour l'activité de ses filiales et dans le but de " fidéliser des cadres dirigeants en les associant au capital, tout en les isolant, (...) dans une structure appropriée " ; que les documents bancaires produits et le contrat de prêt unique du 7 mars 2006, par lequel la SAS CEP et les deux sociétés financières Gaillon I et II ont emprunté au total une somme de 287 000 000 euros, démontrent également que l'opération de souscription du nouvel emprunt par la société CEP et la nouvelle répartition de son capital social étaient indissociables, l'opération de refinancement des dettes de la SAS CEP étant liée à la prise de participation des deux holdings financières ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que la SAS Financière CEP fait valoir que le refinancement de sa dette a été opéré dans son propre intérêt, en vue de diminuer le montant de ses charges financières ; que si elle établit que le taux actuariel des emprunts conclus en 2006 était inférieur à celui des emprunts contractés en 2005, il résulte toutefois de la comparaison des tableaux d'amortissements des emprunts que le montant cumulé des intérêts a augmenté de 3 640 022 euros ; que si elle soutient que sa décision de rembourser les ORAN, d'un montant initial de 36 500 000 euros portant intérêt au taux de 8% l'an, a été motivée par son souci de réaliser à terme une économie substantielle, il résulte de l'instruction que la SAS CEP était, en application de l'article 5.1 du document " Termes de Conditions des ORAN ", tenue de les rembourser le 10 mars 2006 en numéraire, compte tenu de la cession de l'intégralité des titres des investisseurs au profit des tiers que sont les deux nouvelles sociétés Financière Gaillon I et Gaillon II ;
7. Considérant que, dans ces conditions, et alors même qu'il est constant que les sociétés Gaillon I et Gaillon II ont supporté la part des frais leur revenant à la suite des emprunts qu'elles ont contractés le 10 mars 2006, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe que les frais d'émission bancaires engagés par la société CEP au titre des années 2006 et 2007 ne l'ont pas été dans l'intérêt direct de son exploitation mais dans celui de ses actionnaires ;
En ce qui concerne la déduction des honoraires :
8. Considérant que la SAS CEP a déduit de son résultat des frais d'honoraires correspondant à des prestations réalisées par des cabinets de consultants, d'avocats et d'expertise comptable à hauteur de 364 475 euros au titre de l'exercice clos en 2006 et de 334 696 euros au titre de l'exercice clos en 2007 ; que l'administration a remis en cause ces déductions pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 ; que le tribunal administratif de Nantes a admis la déduction d'une somme de 93 051 euros au titre de l'exercice clos en 2006 et rejeté le surplus de la demande présentée à ce titre par la SAS Financière CEP ;
9. Considérant que la société requérante fait valoir que ces travaux ont consisté principalement en l'accomplissement d'audits stratégiques permettant de s'assurer à terme de la bonne santé économique de la SAS CEP, d'audits financiers permettant de s'assurer que les comptes étaient établis en conformité avec les normes en vigueur et d'audits juridiques et fiscaux permettant de s'assurer que la société emprunteuse n'était pas exposée à des risques pouvant altérer sa capacité financière ; qu'il résulte toutefois de ce qui a été énoncé aux points 5 à 7 que les opérations de restructuration du capital et de l'endettement de la société CEP menées le 10 mars 2006 sont indissociables ; que, contrairement à ce que soutient la SAS Financière CEP, le libellé des factures émises par les intervenants ne font pas apparaître que leurs travaux étaient exclusivement relatifs au refinancement de la SAS CEP ; que, dans ces conditions, en l'état de l'instruction et compte tenu de ce qui a été dit au point 7, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la déductibilité de ces honoraires au titre des exercices clos en 2006 et en 2007 ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS Financière CEP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par la SAS Financière CEP au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Financière CEP est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Financière CEP et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 25 février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 mars 2016.
Le rapporteur,
M-P. Allio-Rousseau Le président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT02316