Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Caen, d'une part, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur cet impôt au paiement desquelles il a été condamné solidairement avec la société à responsabilité limitée (SARL) C...au titre des exercices clos les 30 juin 2004, 2005 et 2006 ainsi que des pénalités correspondantes et, d'autre part, de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au paiement desquels il a été condamné solidairement avec la SARL C...au titre de la période du 1er janvier 2004 au 30 juin 2006, ainsi que, enfin, de le décharger des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1301372 du 18 mars 2014, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 mai 2014 et 4 février 2015, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 18 mars 2014 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées.
Il soutient que :
- le tribunal, qui a indiqué qu'il n'apportait pas la preuve du caractère excessif du chiffre d'affaires reconstitué par l'administration, n'a pas répondu à son moyen, tiré du caractère insuffisant des charges admises en déduction du résultat ; le jugement est ainsi dépourvu de motivation ;
- le tribunal a renversé la charge de la preuve, laquelle incombe à l'administration ;
- l'administration a déterminé le montant des charges déductibles du résultat de la SARL C...en se fondant sur des éléments de comparaison dont elle n'a pas précisé la nature, de sorte que le caractère contradictoire de la procédure d'imposition n'a pas été respecté et que la motivation des rectifications est insuffisante ; la SARL C...n'a pas bénéficié d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;
- le montant des charges admises en déduction du résultat de la SARL C...est anormalement faible, si bien que le bénéfice reconstitué est excessif pour une société relevant du secteur d'activité du transport routier ;
- l'administration ne dispose pas d'une " créance valide " à l'égard de la SARLC... ; les poursuites engagées contre M. C...sont irrégulières.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 décembre 2014 et 10 février 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le moyen tendant à contester la " validité " de la créance de l'administration est inopérant ;
- les autres moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jouno,
- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public.
1. Considérant que la SARLC..., dont M. C...était le gérant et détenait 70 % des parts, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 1er septembre 2003 au 30 juin 2006 ; que, compte tenu des graves irrégularités dont elle était entachée, la comptabilité de cette société a été regardée comme non probante ; que l'administration a alors reconstitué le chiffre d'affaires et les résultats de la société, mettant ainsi en évidence, dans une proposition de rectification du 12 mars 2007, l'insuffisance des éléments servant de base au calcul de la taxe sur la valeur ajoutée et de l'impôt sur les sociétés ; que les rectifications correspondantes portant sur l'impôt sur les sociétés ont été effectuées, au titre de l'exercice clos le 30 juin 2004, suivant la procédure contradictoire, et, au titre des exercices clos les 30 juin 2005 et 2006, suivant la procédure de taxation d'office, en vertu du 2° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales ; que les rectifications portant sur la taxe sur la valeur ajoutée ont, pour leur part, été réalisées, au titre de la période du 1er janvier 2004 au 30 juin 2006, suivant la procédure de taxation d'office, par application du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales ; que les impositions supplémentaires et les rappels en résultant ont été assortis de l'intérêt de retard et de la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts en cas de manquement délibéré ; qu'à la suite de la liquidation judiciaire de la SARLC..., l'intérêt de retard a été dégrevé ;
2. Considérant que, par un jugement correctionnel du 3 septembre 2009, M. C...a, en sa qualité de gérant de la SARLC..., été déclaré coupable du délit de fraude fiscale et a été déclaré, en application de l'article 1745 du code général des impôts, solidairement tenu avec la SARL C...au paiement de l'impôt sur les sociétés fraudé au titre des exercices clos les 30 juin 2004, 2005 et 2006, de la taxe sur la valeur ajoutée fraudée au titre de la période du 1er janvier 2004 au 30 juin 2006, ainsi que des pénalités correspondantes ; qu'à la suite du rejet de sa réclamation contre ces impositions et pénalités, M. C...a saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande en décharge ; que, par le jugement attaqué, dont M. C...relève appel, cette demande a été rejetée ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Considérant que M. C...soutient que les premiers juges ont estimé qu'il n'apportait pas la preuve du caractère excessif du chiffre d'affaires de la SARLC..., tel que reconstitué par l'administration, alors qu'il avait contesté devant eux, non le chiffre d'affaires reconstitué, mais le montant des charges admises par le vérificateur en déduction des résultats de cette société ; qu'il en déduit que le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen qu'il avait soulevé, entachant ainsi le jugement d'une insuffisance de motivation ;
4. Mais considérant que, pour contester le bien-fondé des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à la charge de la SARLC..., le requérant s'est borné, devant le tribunal administratif de Caen, à soutenir, en des termes peu circonstanciés, qu'aucune entreprise ne réalisait un bénéfice aussi important que celui de la SARLC..., tel que reconstitué par l'administration, en sorte que les impositions supplémentaires mises à sa charge étaient nécessairement excessives ; que le tribunal a répondu à ce moyen en relevant que, par ses allégations, et dès lors qu'il n'avait produit aucun élément relatif à la situation de la SARLC..., le requérant ne contestait pas utilement la méthode de reconstitution ; que, ce faisant, le tribunal administratif a répondu suffisamment au moyen qui était soulevé devant lui à l'appui de la contestation du bien-fondé des impositions ; qu'il suit de là que M. C...n'est pas fondé à soutenir, devant la cour, que le jugement du tribunal administratif serait insuffisamment motivé ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne les garanties posées aux articles L. 57 et L. 76 du livre des procédures fiscales :
5. Considérant que M. C... doit être regardé comme faisant valoir que l'administration a déterminé le montant des charges déductibles des résultats de la SARL C...en se fondant sur des éléments de comparaison provenant d'entreprises qu'elle n'avait pas désignées, de sorte que les rectifications portant sur l'impôt sur les sociétés relatif à l'exercice clos le 30 juin 2004 sont insuffisamment motivées au regard des exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales et que, s'agissant du surplus des suppléments d'impôt sur les sociétés, l'obligation de notification des bases et du calcul des impositions d'office prévue par l'article L. 76 du livre des procédures fiscales n'a pas été respectée ;
6. Considérant, d'une part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. " ; que, lorsque l'administration entend fonder au moins en partie une rectification, non sur des pratiques habituelles à la profession ou au secteur d'activité, mais sur des éléments de comparaison issus de données chiffrées provenant d'autres entreprises, elle doit, pour assurer le caractère contradictoire de la procédure sans méconnaître le secret professionnel protégé par l'article L. 103 du livre des procédures fiscales, désigner nommément ces entreprises mais ne fournir au contribuable que des moyennes ne lui permettant pas de connaître, fût-ce indirectement, les données propres à chacune d'elles ;
7. Considérant que, dans sa partie relative aux charges déductibles, la proposition de rectification du 12 mars 2007 ne faisait état d'aucun élément de comparaison issu de données chiffrées provenant d'autres entreprises, mais se bornait à renvoyer aux pratiques habituelles du secteur d'activité dont relevait la SARLC... ; qu'en outre, elle mentionnait les bases rectifiées de l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2004 et précisait, en des termes permettant que soient formulées des observations utiles, l'ensemble des motifs sur lesquels l'administration se fondait pour justifier les rectifications envisagées ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté ;
8. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. (...) " ;
9. Considérant que la proposition de rectification du 12 mars 2007 mentionne les impôts établis d'office ainsi que les exercices et périodes d'imposition, indique le montant, notamment en base, des rehaussements envisagés, et précise les modalités de détermination de ceux-ci ; que, par suite, elle ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales ;
En ce qui concerne l'existence d'un débat oral et contradictoire :
10. Considérant que, dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée dans ses locaux, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire de justifier que l'administration aurait refusé un tel débat ;
11. Considérant qu'il résulte des énonciations non contestées de la proposition de rectification du 12 mars 2007 que la vérification de la comptabilité de la SARL C...a eu lieu dans ses locaux, à Caen ; que M. C...ne justifie pas que l'administration aurait refusé à cette SARL un débat oral et contradictoire ; qu'au demeurant, il n'est pas contesté que quatre interventions du vérificateur, dont la réunion de synthèse, ont eu lieu, les 14 et 19 décembre 2006, le 8 février 2007 et le 2 mars 2007, en présence de M.C..., le gérant ;
Sur le bien-fondé des impositions :
12. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable pour la détermination de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ;
13. Considérant que, dans la proposition de rectification, le vérificateur a admis en déduction des résultats de la SARL C...les charges que celle-ci avait comptabilisées, sous réserve, au titre de l'exercice clos le 30 juin 2005, de charges ayant fait l'objet d'une double comptabilisation ; qu'il a en outre admis, en l'absence de tout justificatif en ce sens, des charges évaluées forfaitairement à 30 % du chiffre d'affaires non déclaré ; qu'un complément de charges, évalué forfaitairement, a été ultérieurement admis en déduction par l'administration, en dépit de l'absence de tout justificatif produit ;
14. Considérant que M. C...soutient que le montant des charges admises en déduction des résultats de la SARL C...par l'administration est excessivement faible et a été déterminé de manière arbitraire, en sorte que le bénéfice reconstitué est anormalement élevé ; que, toutefois, il ne produit aucune pièce justificative de charges et ne justifie donc pas, alors que sur ce point la charge de la preuve lui incombe, du principe même de la déductibilité de charges d'un montant supérieur à celui retenu en définitive par l'administration ;
15. Considérant, en second lieu, que les moyens tirés de ce que l'administration ne disposait pas d'une créance " valide " à l'égard de la SARL C...et de ce que les poursuites engagées sont irrégulières ne sont pas assortis des précisions nécessaires pour que la cour en apprécie le bien-fondé ; qu'au demeurant, à supposer que, par ces moyens, M. C...ait entendu contester l'exigibilité de dettes fiscales pour le paiement desquelles auraient été exercées des poursuites à son égard ou la régularité d'actes de poursuite le visant, ces moyens sont inopérants dès lors qu'ils ne visent pas à remettre en cause l'assiette ou le calcul des impositions en litige ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 25 février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 10 mars 2016.
Le rapporteur,
T. Jouno Le président,
F. Bataille
Le greffier
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT01290