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03/03/2016 | FRANCE | N°14NT02999

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 03 mars 2016, 14NT02999


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Moricq Immobilier a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2008 à 2010, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1208425 du 9 octobre 2014, le tribunal administratif de Nante

s a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Moricq Immobilier a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2008 à 2010, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1208425 du 9 octobre 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 26 novembre 2014, le 19 mai 2015 et le 31 décembre 2015, la SCI Moricq Immobilier, représentée par MeA..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 octobre 2014 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2008 à 2010 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- la location de l'ensemble immobilier qu'elle a consentie à la société Moricq Loisirs n'entre pas dans les prévisions du 5 ° du I de l'article 35 du code général des impôts ;

- c'est à tort que l'administration a assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée la somme de 14 385 euros mentionnée dans l'acte de cession de cet ensemble immobilier ;

Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 avril 2015 et le 30 décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SCI Moricq Immobilier ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Allio-Rousseau,

- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public.

1. Considérant que la société civile immobilière (SCI) Moricq Immobilier, qui exerçait l'activité de location d'un terrain de camping et caravaning, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a estimé qu'elle exerçait une activité commerciale passible de l'impôt sur les sociétés en application du 2 de l'article 206 du code général des impôts ; qu'elle a alors soumis d'office à cet impôt les profits retirés de la location du terrain en cause au titre des exercices clos de 2008 à 2010 et, au titre de l'exercice clos en 2010, la plus-value réalisée lors de la cession de ce bien le 26 octobre 2010 ; que le service a réclamé en conséquence des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés d'un montant total de 214 096 euros ; que l'administration a également procédé à un rappel de la taxe sur la valeur ajoutée, à hauteur de 14 385 euros, mentionnée dans l'acte de cession du terrain de camping ; que la SCI Moricq Immobilier relève appel du jugement en date du 9 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 206 du code général des impôts : " 1. (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes (...). / 2. Sous réserve des dispositions de l'article 239 ter, les sociétés civiles sont également passibles dudit impôt, même lorsqu'elles ne revêtent pas l'une des formes visées au 1, si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35. (...) " ; qu'aux termes de l'article 35 du même code : " I. Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : (...) / 5° Personnes qui donnent en location un établissement commercial

3. ou industriel muni du mobilier ou du matériel nécessaire à son exploitation, que la location comprenne, ou non, tout ou partie des éléments incorporels du fonds de commerce ou d'industrie (...). " ; que ces dispositions s'appliquent à l'activité de location d'un terrain aménagé dès lors que celui-ci est muni de l'essentiel du matériel nécessaire à son exploitation, c'est-à-dire de l'ensemble des agencements, équipements ou moyens y compris mobiles sans lesquels l'exploitation ne pourrait être exercée ;

4. Considérant qu'il est constant que, par bail prenant effet le 1er mai 2002, la SCI Moricq Immobilier a donné en location à la société à responsabilité limitée (SARL) Moricq Loisirs, pour une durée de neuf ans et moyennant un loyer annuel de 27 440 euros, un ensemble immobilier, d'une superficie de 8 ha 77 a 82 ca, à usage de camping, composé notamment d'un bâtiment principal comprenant bar et épicerie, d'un bureau d'accueil, d'un logement pour le gardien, de deux blocs sanitaires, d'une piscine et d'aires de jeux, ainsi que de parkings et voies d'accès ; que l'article 10 de ce contrat de bail stipule que le preneur est autorisé à exploiter dans l'immeuble loué l'activité de camping, la mise à disposition et l'aménagement d'emplacements pour caravanes, maisons et chalets mobiles, l'exploitation d'un café, bar, snack, restaurant et de tous commerces de fournitures d'alimentation, boissons ou tous autres commerces se rapportant au tourisme de plein-air ; qu'il résulte de l'instruction que l'ensemble immobilier loué par la société requérante comportait toutes les infrastructures indispensables pour l'exploitation commerciale du camping " Le Port de Moricq " par la SARL Moricq Immobilier, à savoir 150 emplacements individualisés, le raccordement aux réseaux d'eau et d'électricité et les équipements en blocs sanitaires, ainsi que les locaux à usage collectif permettant l'exploitation du bar et de l'épicerie au sein du camping ; que, dans ces conditions, et alors même que le preneur a acquis des matériels et mobiliers mobiles utiles à l'exploitation du camping, la SCI Moricq immobilier doit être regardée comme donnant en location un établissement commercial muni du matériel nécessaire à son exploitation au sens des dispositions de l'article 35 du code général des impôts, sur le fondement desquelles l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés a pu à bon droit être retenu ;

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

5. Considérant que, par un acte notarié du 26 octobre 2010, la SCI Moricq Immobilier a cédé l'ensemble immobilier à usage de camping à la SARL Camping du Port de Moricq ; qu'il résulte des énonciations de cet acte authentique que le prix de vente de ce bien, fixé à 1 250 000 euros, a été majoré d'une charge augmentative de prix représentant la taxe sur la valeur ajoutée devant être reversée par la SCI Moricq Immobilier en application des dispositions de l'article 210 de l'annexe II au code général des impôts, d'un montant de 14 395 euros due par l'acquéreur ; que cette charge a effectivement été supportée par cette société lors de la signature de cet acte ; que, toutefois, l'administration, constatant que la SCI Moricq Immobilier n'était pas imposable à la taxe sur la valeur ajoutée depuis sa date de création et qu'elle ne disposait d'aucun élément lui permettant de déterminer à quel titre cette taxe sur la valeur ajoutée était reversée, a adressé le 31 janvier 2011 le chèque d'un montant de 14 395 euros au notaire rédacteur de l'acte qui a procédé au remboursement de cette somme au profit de l'acquéreur le 2 février 2011 ;

6. Considérant que l'administration a estimé que la mention portée dans l'acte authentique du 26 octobre 2010 valait facturation et que, par suite, la société requérante en était redevable en application des dispositions du 3 de l'article 283 du code général des impôts aux termes duquel : " Toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation " ; que la SCI Moricq Immobilier estime qu'elle a complètement éliminé, en temps utile, le risque de pertes fiscales dès lors que le notaire rédacteur de l'acte qui la représentait a reversé à la SARL Camping du Port de Moricq le montant de la taxe sur la valeur ajoutée dont elle s'était acquittée lors de la signature de l'acte initial de vente et qu'il a établi un avenant en trois originaux, dont un exemplaire a été adressé au service des impôts des entreprises compétent, lequel a procédé en conséquence au remboursement de la somme de 14 395 euros au profit de l'acquéreur ;

7. Considérant qu'ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt du 13 décembre 1989 Genius Holding BV (342/87), le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée implique qu'une taxe indûment facturée puisse être régularisée, sans que cette régularisation ne dépende d'un pouvoir d'appréciation discrétionnaire de l'administration fiscale ; que la Cour a également dit pour droit, notamment dans son arrêt du 18 juin 2009 Staatssecretaris van Financiën c/ Stadeco BV (566/07), que les mesures que les États membres ont la faculté d'adopter afin d'assurer l'exacte perception de la taxe et d'éviter la fraude ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre de tels objectifs et qu'elles ne peuvent, dès lors, être utilisées de manière telle qu'elles remettraient en cause la neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, laquelle constitue un principe fondamental du système de cette taxe ; que ce principe ne s'oppose toutefois pas à ce qu'un État membre subordonne la correction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée par erreur sur une facture à la condition que l'émetteur de la facture initiale ait envoyé à son destinataire une facture rectifiée ne mentionnant pas la taxe sur la valeur ajoutée si cet émetteur n'a pas éliminé, en temps utile, complètement le risque de pertes de recettes fiscales ;

8. Considérant qu'il est constant que la SCI Moricq Immobilier n'a pas acquitté la taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 14 395 euros ; qu'elle ne soutient pas que la taxe sur la valeur ajoutée acquittée n'aurait pas été déduite par la SARL Camping du Port de Moricq ; que l'acte rectificatif notarié produit par la société requérante, seulement signé par sa gérante, n'a pas été publié dans les fichiers hypothécaires ; que si la SCI Moricq Immobilier fait valoir que la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée indument collectée a été effectuée par le service des impôts le 31 janvier 2011 au regard de cet acte rectificatif, elle ne l'établit pas alors que, dans son courrier en date du 15 décembre 2010, l'administration avait averti le notaire rédacteur de l'acte initial que le dépôt d'une déclaration de taxe sur la valeur ajoutée au titre du mois de novembre 2010, au nom de la SCI Moricq Immobilier, accompagnée d'un chèque de 14 395,04 euros étant inexpliqué, compte tenu de la non-imposition de la SCI à la taxe sur la valeur ajoutée, elle allait retourner la totalité des documents ; que, dans ces conditions, la SCI Moricq Immobilier n'apporte pas la preuve qui lui incombe qu'elle a complètement éliminé, en temps utile, le risque de pertes de recettes fiscales ; qu'elle ne justifie pas avoir émis une facture rectificative comme l'exige le 1 de l'article 272 du code général des impôts ; qu'elle ne peut utilement faire valoir qu'il appartenait à l'administration de mettre en oeuvre son pouvoir de contrôle afin d'éliminer ce risque ; que, par suite, la SCI Moricq Immobilier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration lui a réclamé le versement de la taxe sur la valeur ajoutée facturée à hauteur de 14 395 euros ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI Moricq Immobilier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la SCI Moricq Immobilier demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Moricq Immobilier est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Moricq Immobilier et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 4 février 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 mars 2016.

Le rapporteur,

M-P. Allio-Rousseau Le président,

F. Bataille

Le greffier,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT02999


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14NT02999
Date de la décision : 03/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : ECHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-03-03;14nt02999 ?
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