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01/03/2016 | FRANCE | N°15NT00740

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 01 mars 2016, 15NT00740


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 31 juillet 2014 du préfet d'Indre-et-Loire lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours à compter de la notification du présent jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n°1403595 du 29 janvier 2015, le tribunal administratif d'Orl

éans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 31 juillet 2014 du préfet d'Indre-et-Loire lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours à compter de la notification du présent jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n°1403595 du 29 janvier 2015, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 février 2015, M. C... A..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 29 janvier 2015 ;

2°) d'annuler la décision du préfet d'Indre-et-Loire du 31 juillet 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant mention " vie privée et familiale " dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ce dernier s'engageant à renoncer à percevoir la contribution de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- le préfet a méconnu les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est marié depuis le 22 mars 2014 avec une ressortissante française;

- le préfet a porté atteinte à son droit de contracter mariage, garanti par les stipulations des articles 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 9 de la charte des droits fondamentaux de l'Union-Européenne, et a compromis la démarche de fécondation in vitro entamée avec son épouse ;

- le préfet a porté atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle, dès lors qu'il justifie d'une parfaite intégration au sein de la société française, où il vit depuis 2008, et de l'ancienneté et stabilité de la relation qu'il entretient avec son épouse, ainsi que de la présence en France de son frère et de sa soeur ;

- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant dès lors qu'il participe à l'éducation et à l'entretien de l'enfant de son épouse, né d'une précédente union ;

- la décision contestée, qui le prive d'une prise en charge médicale nécessaire pour le traitement de son hépatite B, et méconnait ainsi les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2015, le préfet d'Indre-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable dès lors qu'elle se borne à reproduire intégralement la demande de première instance ;

- aucun des moyens soulevés par M. A...n'est fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mars 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union-Européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur.

1. Considérant que M. C...A..., ressortissant camerounais né en 1985 à Douala, est entré irrégulièrement en France en 2008 et s'est maintenu depuis lors en situation irrégulière ; qu'interpelé le 5 février 2014 pour une infraction au code de la route, il a fait l'objet par arrêté du même jour d'une obligation de quitter le territoire français et d'une assignation à résidence, cet arrêté étant devenu définitif par suite du jugement rendu le 14 février 2014 par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans ; que M. A...a alors sollicité, le 20 février 2014, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et que le médecin de l'agence régionale de santé d'Indre-et-Loire a émis l'avis, le 12 mars 2014, que son état de santé nécessitait un traitement dont le défaut n'entraînait pas des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il pouvait voyager sans risque ; qu'après avoir épousé une ressortissante française le 22 mars 2014, l'intéressé a, le 30 juin 2014, formé une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet a d'Indre-et-Loire a rejeté par une décision du 31 juillet 2014, rappelant que l'obligation de quitter le territoire français notifiée le 5 février 2014 était toujours exécutoire ; que par la présente requête, M. A...relève appel du jugement du 29 janvier 2015 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 211-2-1 du même code : " (...) / Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour " ;

3. Considérant que lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ; qu'il est constant en l'espèce que M. A...a sollicité auprès du préfet d'Indre-et-Loire la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions précitées du 4° de l'article L. 313-11 du code ; que par suite, il ne peut utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du même code à l'encontre du refus opposé à sa demande ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions citées au point 2 que la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au conjoint d'un ressortissant français est subordonnée, notamment, à l'obtention d'un visa pour un séjour supérieur à trois mois ; qu'à défaut, la demande de visa peut être formulée à l'occasion de la demande de titre de séjour, sous réserve de remplir les conditions prévues à l'article L. 211-2-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, parmi lesquelles figure la condition que l'entrée sur le territoire se soit réalisée de manière régulière ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. A...ne justifie pas d'une entrée régulière sur le territoire français et ne remplissait pas les conditions fixées par l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet d'Indre-et-Loire était dès lors fondé à lui refuser la délivrance du titre de séjour sollicité au motif qu'il était entré irrégulièrement en France démuni de tout visa ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " A partir de l'âge nubile, l'homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l'exercice de ce droit " ; qu'aux termes de l'article 9 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Le droit de se marier et le droit de fonder une famille sont garantis selon les lois nationales qui en régissent l'exercice " ; que M. A...a contracté mariage le 22 mars 2014 ; qu'il ne saurait utilement se prévaloir d'une méconnaissance des stipulations précitées dès lors que la décision en cause n'a eu ni pour objet ni pour effet de le priver de son droit de se marier et de fonder une famille ; qu'au surplus, il dispose, en tant que conjoint de ressortissant français, d'un droit au retour s'il est muni d'un visa de long séjour ; que le moyen tiré de la méconnaissance des articles précités doit ainsi être écarté ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. - I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

7. Considérant que M. A...se prévaut de son intégration au sein de la société française, de l'ancienneté de la relation qu'il entretient avec son épouse ainsi que de la présence de son frère et de sa soeur sur le territoire français ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé a déclaré aux services de police, lors de son audition du 5 février 2014, vivre avec sa compagne de nationalité française depuis environ trois mois ; que cette relation a ainsi un caractère très récent, que l'intéressé ne justifie aucunement d'une intégration sociale ou professionnelle, et qu'il n'a d'autres attaches familiales en France qu'une soeur et une nièce, alors qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où se trouve encore sa mère ; que, dans ces conditions, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise : que, par suite, elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que si M. A...allègue participer à l'entretien et à l'éducation de l'enfant de son épouse, né d'une précédente union, sa relation avec son épouse de nationalité française est, ainsi qu'il résulte de ce qui précède, très récente et la lettre rédigée dans des termes convenus par la directrice de l'école dans laquelle est inscrit l'enfant, n'est pas de nature à établir à elle seule la véracité de ses allégations ; qu'ainsi, et alors au surplus que la décision contestée n'a pas pour effet de séparer l'enfant de ses parents biologiques, le préfet n'a pas méconnu les stipulations précitées ;

9. Considérant que M. A...ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme à l'encontre de la décision contestée de refus de titre de séjour, qui n'a ni pour objet ni pour effet, de contraindre l'intéressé à regagner son pays d'origine ; qu'en tout état de cause, M. A...ne verse au dossier aucun élément susceptible d'infirmer l'avis du médecin de l'agence régionale de santé d'Indre-et-Loire du 12 mars 2014, mentionné au point 1 du présent arrêt ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir soulevée par le préfet d'Indre-et-Loire, que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

11. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M.A..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce que soit enjoint, sous astreinte, au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont M. A...demande le versement au profit de son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet d'Indre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 9 février 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er mars 2016.

Le rapporteur,

C. LOIRATLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT00740


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT00740
Date de la décision : 01/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Cécile LOIRAT
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : ROUILLE-MIRZA

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-03-01;15nt00740 ?
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