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25/02/2016 | FRANCE | N°14NT01852

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 25 février 2016, 14NT01852


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) 1000 Soldes a demandé au tribunal administratif de Nantes, premièrement, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2007, du supplément de contribution sur cet impôt mis à sa charge au titre de l'exercice clos le 28 février 2005, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er mars 2004

au 28 février 2007, ainsi que des pénalités correspondantes, deuxièmement, de prononc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) 1000 Soldes a demandé au tribunal administratif de Nantes, premièrement, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2007, du supplément de contribution sur cet impôt mis à sa charge au titre de l'exercice clos le 28 février 2005, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er mars 2004 au 28 février 2007, ainsi que des pénalités correspondantes, deuxièmement, de prononcer le remboursement des frais exposés pour la constitution de garanties et, troisièmement, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1208181 du 12 mai 2014, le tribunal administratif de Nantes a réduit la base d'imposition à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos de 2005 à 2007, a déchargé la SARL 1000 Soldes des impositions et pénalités contestées à concurrence de cette réduction des bases d'imposition, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 juillet 2014 et 5 août 2015, la SARL 1000 Soldes, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 mai 2014 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions à fin de décharge ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et des pénalités restant en litige ;

3°) de prononcer le remboursement des frais exposés pour la constitution de garanties ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- premièrement, le tribunal administratif a fait état, dans les visas du jugement, de ce que le vérificateur aurait remis en cause la déductibilité de majorations des prix d'achat des marchandises facturées a posteriori par la SAS Futura Finances ; or tel n'est pas le cas ; deuxièmement, le tribunal administratif a répondu à un moyen qui aurait été tiré du caractère déductible de tels compléments de prix ; cependant, un tel moyen n'a pas été soulevé ; troisièmement, le tribunal administratif n'a pas visé l'intégralité des moyens relatifs à la démarque inconnue soulevés par l'administration dans le mémoire en défense du 28 février 2013 ; quatrièmement, il a omis de statuer sur les moyens par lesquels la requérante conteste le bien-fondé des impositions supplémentaires résultant de la remise en cause de la démarque inconnue ainsi que les majorations pour manquement délibéré appliquées à ces impositions ; cinquièmement, le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de ce que les charges correspondant à l'achat de marchandises cassées sont déductibles en se référant à des arguments attribués à l'administration, alors que celle-ci ne les avait pas exposés ; sixièmement, le tribunal s'est prononcé sur l'exercice 2004, qui n'était pas en litige ; par suite, le tribunal a insuffisamment motivé son jugement et s'est mépris quant à la nature du litige qui lui était soumis ;

- deux avoirs émis les 31 décembre 2004 et 28 février 2005 ont eu pour effet d'annuler les marges négatives constatées à l'occasion de la vente de certaines marchandises, à concurrence de 6 770,52 euros ; si certaines marchandises ont été vendues à perte, c'est parce qu'elles étaient cassées et ne pouvaient être retournées à la SAS Futura Finances ; il était préférable de vendre à prix bas certaines marchandises plutôt que de ne pas les vendre ; la SARL 1000 Soldes, qui décidait de sa politique de prix, avait donc intérêt à vendre à perte ce type de marchandises, en procédant à des " forçages caisse " ; par ailleurs, le code de commerce ne prohibe pas la revente à perte s'agissant de marchandises soldées ;

- les factures de la SAS Futura Finances relatives à des marchandises cassées, mises en dépôt-vente auprès de la SARL 1000 Soldes, sont appuyées par des bordereaux de casse, dont l'administration a refusé de tenir compte ; la circonstance que certains bordereaux de casse, établis informatiquement, présentent des erreurs matérielles ne permet pas à l'administration de les écarter dans leur intégralité comme non probants ; dès lors que la SARL 1000 Soldes vend des marchandises en vrac et que des détériorations ont lieu lors du déchargement des palettes, il est incohérent d'estimer, comme l'a fait l'administration, qu'aucune marchandise n'a été cassée au cours des exercices litigieux ; la circonstance que certaines marchandises cassées aient été retournées à la SAS Futura Finances est indifférente ; l'administration n'est pas fondée à demander à ce que les marchandises cassées soient conservées pour les besoins du contrôle ; l'administration a admis l'existence de charges résultant de l'achat de marchandises cassées dans d'autres magasins de la même enseigne ayant les mêmes conditions d'exploitation ;

- les charges de démarque inconnue répondaient aux conditions de déductibilité posées par l'instruction 13 J 1-88 du 14 juin 1988, tenant à la fiabilité des enregistrements de recettes et de la " comptabilité marchandise " ainsi qu'à l'existence de mesures de lutte contre la démarque inconnue et de contrôles internes de l'efficacité de ces mesures ; il est incohérent, compte tenu de la nature de l'activité de la requérante, d'avoir rejeté en totalité les charges correspondant à la démarque inconnue ; il n'y a pas à justifier de la cause des disparitions de marchandises ; l'administration a admis l'existence de charges correspondant à la démarque inconnue dans d'autres magasins de la même enseigne ayant les mêmes conditions d'exploitation ;

- en l'absence d'élément intentionnel, les pénalités pour manquement délibéré appliquées aux suppléments d'impôt sur les sociétés et aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant des redressements concernant les marchandises cassées ne sont pas justifiées ; les pénalités de même nature appliquées aux suppléments d'impôt sur les sociétés et aux rappels de taxe résultant des redressements concernant la démarque inconnue sont également infondées.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 décembre 2014 et 19 octobre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante et tenant au bien-fondé des impositions ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la demande de remboursement de frais de constitution de garanties en l'absence de litige né et actuel entre le comptable et la requérante concernant un tel remboursement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jouno,

- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public.

1. Considérant que la SARL 1000 Soldes exerce une activité de commerce de détail sous l'enseigne " Noz " ; qu'elle est liée, à ce titre, par un contrat de fourniture daté du 1er mars 2004 à la société par actions simplifiée (SAS) Futura Finances ; qu'en vertu de ce contrat, l'approvisionnement en marchandises de la SARL 1000 Soldes est laissé à la discrétion de la SAS Futura Finances ; que ces marchandises ne sont payables par la SARL 1000 Soldes à la SAS Futura Finances qu'à compter de leur vente au consommateur final et restent, antérieurement à ce paiement, la propriété de la SAS Futura Finances ; que les marchandises ainsi mises en dépôt-vente, dénommées " consignations ", font, lorsqu'elles sont effectivement vendues, l'objet d'une facturation par la SAS Futura Finances au moins une fois par mois ; que les marchandises qui ont été mises en dépôt-vente auprès de la SARL 1000 Soldes mais qui, bien qu'étant commercialisables, n'ont pas été vendues au terme d'une période contractuellement fixée sont retournées à la SAS Futura Finances et ne sont pas facturées par celle-ci ; qu'il est constant que les marchandises identifiées par la SARL 1000 Soldes comme cassées font l'objet d'une facturation mensuelle de la part de la SAS Futura Finances ; qu'enfin, les marchandises n'ayant été ni vendues, ni retournées, ni cassées, sont considérées comme étant constitutives de la " démarque inconnue " et sont à la charge de la SARL 1000 Soldes ; qu'en vertu du contrat précité, la SAS Futura Finances est en droit de facturer mensuellement, à titre d'acompte de la " démarque inconnue ", une somme correspondant à 2 % du chiffre d'affaires hors taxe réalisé par la SARL 1000 Soldes au cours du mois écoulé, des régularisations étant réalisées après inventaire ; que les sommes ainsi facturées sont comptabilisées en tant que charges par la SARL 1000 Soldes ;

2. Considérant que la SARL 1000 Soldes a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 1er mars 2004 au 28 février 2007 ; que, par une proposition de rectification du 19 décembre 2008, l'administration a remis en cause la déductibilité des charges résultant, d'une part, de l'achat des marchandises identifiées comme cassées et, d'autre part, de l'achat des marchandises relevant de la " démarque inconnue ", laquelle était dénommée, au titre de l'exercice clos en 2005, " consommation de stock " ; qu'elle a en outre remis en cause la déductibilité, au titre de la période vérifiée, de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces achats ; qu'elle a, enfin, estimé que la SARL 1000 Soldes avait commis un acte anormal de gestion en vendant à perte certaines des marchandises qui lui avaient été données en dépôt vente ; que, s'agissant de ce dernier chef de redressement, le montant des rehaussements en base a été obtenu par différence entre, d'une part, un montant de ventes " théorique " correspondant au prix d'achat hors taxes des unités vendues à perte multiplié par le taux de marge moyen constaté s'agissant des unités vendues sans perte et, d'autre part, le montant hors taxes des ventes à perte effectivement comptabilisées ; que l'administration a appliqué la majoration pour manquement délibéré aux redressements en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée relatifs aux achats de marchandises cassées et à la " démarque inconnue " ;

3. Considérant que sa réclamation ayant été partiellement rejetée, la SARL 1000 Soldes a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle avait été assujettie au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2007, du supplément de contribution sur cet impôt mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 2005, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui avaient été réclamés au titre de la période du 1er mars 2004 au 28 février 2007, ainsi que des pénalités correspondantes ; que, par un jugement du 12 mai 2014, le tribunal administratif de Nantes a jugé, d'une part, que la base d'imposition à l'impôt sur les sociétés de la SARL 1000 Soldes au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2007 devait être " calculée, pour ce qui concerne le montant des ventes à perte pratiquées au titre de ces exercices, en retenant la différence entre le prix facturé par le fournisseur pour ces marchandises et leur prix de vente effectif " (article 1er), et a prononcé, d'autre part, la réduction des suppléments d'impôt sur les sociétés et des pénalités en litige, correspondant à cette réduction des bases d'imposition (article 2) ; que le tribunal a, pour le surplus, rejeté les conclusions qui lui étaient soumises (article 3) ; que la SARL 1000 Soldes relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions à fin de décharge ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Considérant, en premier lieu, que les premiers juges ont indiqué que la vérification de comptabilité avait porté notamment sur l'exercice clos en 2004 ; qu'ils ont ajouté que le vérificateur avait relevé que la SAS Futura Finances avait, postérieurement à des ventes de marchandises réalisées par la SARL 1000 Soldes, rehaussé les prix d'achat des marchandises vendues et qu'il avait remis en cause, au titre de l'exercice clos en 2004, la déductibilité des compléments de prix ainsi facturés ; qu'enfin, ils ont écarté un moyen qui aurait été tiré de ce que ces compléments de prix étaient déductibles en charges ; que, cependant, d'une part, la vérification de comptabilité dont la requérante a fait l'objet n'a pas porté sur l'exercice clos en 2004 ; que, d'autre part, les rectifications en litige devant lui ne portaient pas sur des compléments de prix facturés par la SAS Futura Finances ;

5. Considérant, en second lieu, que, par des moyens exposés aux pages 9 à 12 de son mémoire introductif d'instance devant le tribunal administratif de Nantes, réitérés aux pages 4 et 5 de sa réplique, la SARL 1000 Soldes a contesté la remise en cause de la déductibilité des charges correspondant à l'acquisition de marchandises n'ayant été ni vendues, ni retournées à la SAS Futura Finances, ni cassées ; que le tribunal administratif n'a pas répondu à ces moyens qui n'étaient pas inopérants ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux deux points précédents que le tribunal administratif s'est mépris sur la nature du litige dont il était saisi et sur les moyens soulevés ; qu'il résulte en outre des seules énonciations du point précédent qu'il a insuffisamment motivé son jugement ; que, par suite, ce dernier doit être annulé, ainsi que le demande la requérante, en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions à fin de décharge ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire, dans cette mesure, devant le tribunal administratif de Nantes ;

Sur la demande de remboursement des frais de constitution de garanties :

7. Considérant que le remboursement des frais qu'un contribuable a exposés pour constituer des garanties doit, en vertu des dispositions de l'article R. 208-3 du livre des procédures fiscales, être demandé à l'administration dans le délai d'un an à compter de la notification de la décision de dégrèvement qui le justifie ; qu'il n'existe, en l'espèce, aucun litige né et actuel entre le comptable et la SARL 1000 Soldes concernant un tel remboursement ; que, dès lors, ces conclusions ne sont pas recevables ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre des frais exposés par la SARL 1000 Soldes en appel et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 12 mai 2014 est annulé en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions à fin de décharge présentées devant lui par la SARL 1000 Soldes.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure indiquée à l'article 1er du présent arrêt, devant le tribunal administratif de Nantes.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée (SARL) 1000 Soldes et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 4 février 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Jouno, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 février 2016.

Le rapporteur,

T. JounoLe président,

F. Bataille

Le greffier,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT01852


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01852
Date de la décision : 25/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Thurian JOUNO
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : OUTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-02-25;14nt01852 ?
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