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16/02/2016 | FRANCE | N°14NT01025

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 16 février 2016, 14NT01025


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du recteur de l'académie de Nantes du 18 janvier 2011 lui refusant le bénéfice d'une décharge d'une heure de service pour première chaire et celle du 11 avril 2011 en tant qu'elle majore d'une heure son maximum de service hebdomadaire en raison d'un effectif faible et lui refuse le bénéfice des heures supplémentaire accomplies depuis l'année 2009, et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du

préjudice qu'il estime avoir subi du fait d'agissements de son employeur ca...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du recteur de l'académie de Nantes du 18 janvier 2011 lui refusant le bénéfice d'une décharge d'une heure de service pour première chaire et celle du 11 avril 2011 en tant qu'elle majore d'une heure son maximum de service hebdomadaire en raison d'un effectif faible et lui refuse le bénéfice des heures supplémentaire accomplies depuis l'année 2009, et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait d'agissements de son employeur caractérisant un harcèlement moral.

Par un jugement n°1101612 du 18 février 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 avril 2014 et le 22 janvier 2016, M.D..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 11 avril 2011 ;

3°) de condamner l'Etat au paiement des heures supplémentaires effectuées au cours des périodes scolaires 2009/2010 et 2010/2011 ;

4°) de condamner l'Etat au versement de la somme de 10 000 euros en raison du harcèlement moral subi ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement du tribunal administratif de Nantes est entaché d'une insuffisante motivation et d'une omission à statuer ;

- le recteur de l'académie de Nantes a méconnu les dispositions de l'article 4 du décret n°50-582 du 25 mai 1950 ;

- le principe d'égalité de traitement entre les agents appartenant à un même corps n'a pas été respecté dès lors que la décision du recteur de majorer son maxima de service hebdomadaire n'a pas été appliquée aux autres enseignants se trouvant dans la même situation que lui ;

- il a été victime, de la part de l'administration, de faits pouvant être qualifiés de harcèlement moral au sens des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- un fonctionnaire en mi-temps thérapeutique ne peut pas effectuer d'heures supplémentaires.

Un courrier a été adressé au ministre de l'Education nationale le 8 septembre 2014 le mettant en demeure de produire ses conclusions en réponse en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n°50-582 du 25 mai 1950 portant règlement d'administration publique pour la fixation des maximums de service hebdomadaire du personnel des établissements publics d'enseignement technique ;

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lainé, président de chambre,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de M.D..., requérant.

Une note en délibéré présentée pour M. D...a été enregistrée le 27 janvier 2016.

1. Considérant que M.D..., professeur certifié en électrotechnique, a sollicité le 3 janvier 2011 auprès du recteur de l'académie de Nantes le bénéfice d'une décharge horaire pour heure de première chaire ainsi que le paiement des heures supplémentaires effectuées depuis 2009 ; que le recteur a décidé, par courrier du 11 avril 2011, de lui accorder cette décharge horaire ; que, par la même décision, il l'a informé de la majoration d'une heure de son maximum de service hebdomadaire en raison du faible effectif auquel il faisait cours ; que M.D..., en temps partiel thérapeutique à la suite de son agression par un élève en 2009, soutient que sa situation particulière s'opposait à cette majoration ; qu'il estime, en outre, que le comportement de sa hiérarchie relève de faits de harcèlement moral lui ayant causé un préjudice qu'il évalue à 10 000 euros ; que M. D...interjette appel du jugement du 18 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 avril 2011, à la condamnation au paiement des heures supplémentaires qu'il a effectuées et au versement de la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices résultant du harcèlement moral qu'il invoque ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que, pour écarter le moyen tiré de ce que le recteur de l'académie de Nantes aurait introduit une inégalité de traitement entre M. D...et les autres enseignants du lycée Blaise Pascal, les premiers juges ont répondu que les dispositions des articles 1er et 4 du décret n°50-582 du 25 mai 1950 n'introduisaient aucune distinction selon la forme de l'enseignement prodigué et que l'administration avait fait une exacte application de cette disposition à la situation personnelle de l'intéressé, qui ne pouvait utilement se prévaloir du sort plus favorable réservé à certains de ses collègues ; que, ce faisant, les premiers juges ont suffisamment répondu aux moyens soulevés par M. D...tirés de la distinction qu'il convenait d'opérer entre les différents types d'enseignement et de la méconnaissance du principe d'égalité de traitement des fonctionnaires ; qu'il s'ensuit que le jugement attaqué n'est entaché ni d'insuffisance de motivation ni d'omission à statuer ; qu'en conséquence le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 11 avril 2011 et au paiement d'heures supplémentaires :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 25 mai 1950 : " Les membres du personnel enseignant dans les établissements énumérés ci-après : écoles nationales d'ingénieurs d'arts et métiers et écoles assimilées, Ecoles normales nationales d'apprentissage, écoles nationales professionnelles et écoles nationales d'horlogerie, collèges techniques et établissements assimilés, sont tenus de fournir sans rémunération supplémentaire, dans l'ensemble de l'année, les maxima de service suivants : A) Enseignements littéraires, scientifiques, technologiques et artistiques : (...) Non-agrégés : dix-huit heures " ; qu'aux termes de l'article 4 du même décret : " Les maximums de services hebdomadaires prévus sous les rubriques A et B de l'article 1er du présent décret sont majorés d'une heure pour les professeurs et chargés d'enseignement qui enseignent dans une classe dont l'effectif est inférieur à vingt élèves " ;

4. Considérant, d'une part, que M. D...soutient que le recteur de l'académie de Nantes a méconnu les dispositions de l'article 4 du décret du 25 mai 1950 ; qu'il est toutefois constant que l'intéressé a dispensé, en 2009-2010, des cours en automatique et en électrotechnique en première STI à deux groupes dont l'effectif était de huit élèves ; que, pour l'application des dispositions de l'article 4 du décret du 25 mai 1950, le terme " classe " doit être regardé comme visant uniquement l'ensemble d'élèves suivant au cours d'une séance donnée l'enseignement dispensé par un professeur ; qu'il suit de là que M. D...n'est pas fondé à soutenir que le recteur de l'académie de Nantes aurait commis une erreur de droit en prenant en compte l'effectif des groupes d'élèves auquel il enseignait effectivement l'automatique et l'électronique et non celui de la classe, entendue comme une division administrative réunissant des élèves ayant certaines disciplines en commun, dont ces élèves étaient issus ; qu'en outre, ces dispositions n'opèrent aucune distinction au sein de l'enseignement en cause entre les enseignements donnés sous forme de cours ou sous forme de travaux dirigés ; que le requérant ne saurait, à cet égard, utilement se prévaloir de la note de service ministérielle du 31 janvier 1952 préconisant que les effectifs de travaux dirigés ne soient pas pris en compte dans le calcul de la majoration, qui émane d'une autorité incompétente pour prendre seule cette mesure à caractère réglementaire ; qu'il s'ensuit que M. D... n'est pas fondé à soutenir que le recteur de l'académie de Nantes aurait fait une application erronée des dispositions de l'article 4 du décret du 25 mai 1950 en portant ses obligations de service à neuf heures après prise en compte de la décharge d'une heure de service pour première chaire ;

5. Considérant, d'autre part, que la circonstance tirée du traitement plus favorable dont auraient bénéficié d'autres enseignants du lycée Blaise Pascal est sans incidence sur la légalité de la décision contestée dès lors qu'il a été fait à l'intéressé une exacte application des dispositions réglementaires régissant sa situation personnelle ; que, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette décision aurait été prise en raison de son état de santé, le moyen tiré de ce qu'elle violerait les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui interdit toute discrimination pour quelque cause que ce soit, ne peut qu'être écarté ; que M. D...ne peut davantage soutenir, en tout état de cause, que le recteur lui aurait illégalement imposé d'effectuer une heure supplémentaire ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 11 avril 2011 et à la condamnation de l'Etat au paiement des heures supplémentaires qu'il estime avoir effectuées ;

Sur la demande indemnitaire pour harcèlement moral :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel " ; que, d'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; que, d'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ;

8. Considérant que M. D...soutient qu'il est le seul à avoir vu son maximum de service être majoré d'une heure en raison d'un effectif d'élèves faible ; que, malgré son temps partiel thérapeutique, le proviseur adjoint du lycée Blaise Pascal lui a proposé d'effectuer des cours supplémentaires pour remplacer un autre enseignant ; que son lycée et le rectorat ne l'ont pas suffisamment accompagné dans ses démarches médicales et administratives à la suite de son agression ; que des propos désobligeants ont été proférés à son encontre par le proviseur de l'établissement ; qu'enfin il a été envisagé de supprimer son poste à compter de la rentrée scolaire 2012 ; que l'ensemble de ces éléments constitueraient, selon lui, des agissements de harcèlement moral ;

9. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit aux points 4 et 5 ci-dessus la majoration du service hebdomadaire de M. D...résulte de l'exacte application de l'article 4 du décret du 25 mai 1950 à sa situation personnelle ; que la demande de remplacement, qu'il a d'ailleurs refusée, s'inscrit dans le cadre de la gestion du service et avait pour objectif d'aider l'intéressé à reprendre progressivement une activité normale, sans constituer une obligation ; que l'absence de soutien de l'administration dans ses démarches médicales et administratives ou le manque de considération dont le proviseur a fait preuve à son égard lors de leur entretien du 11 février 2011, aussi regrettables soient ils, ne peuvent être regardés comme des faits de harcèlement moral ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les faits invoqués par M. D..., même pris dans leur ensemble, ne constituent pas des éléments susceptibles de faire présumer l'existence d'agissements constitutifs de harcèlement moral, au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, qui caractériseraient une faute du recteur de l'académie de Nantes de nature à lui ouvrir droit à réparation ; que le certificat médical fourni ne démontre pas que le trouble dont M. D...est atteint est la conséquence de l'attitude de l'administration à son égard ; que, par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande indemnitaire ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Nantes a rejeté l'ensemble de ses demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du ministre de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la recherche, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. D...et non comprise dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. C...D...et au ministre de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la recherche.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 février 2016.

Le président-rapporteur,

L. LAINÉL'assesseur le plus ancien,

C. LOIRAT

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°14NT010253


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01025
Date de la décision : 16/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Laurent LAINE
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : RAMOS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-02-16;14nt01025 ?
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