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02/02/2016 | FRANCE | N°15NT01904

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 02 février 2016, 15NT01904


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions et arrêtés du préfet de la Loire-Atlantique du 27 avril 2015 décidant leur remise aux autorités hongroises en vue du traitement de leur demande d'asile et leur assignation à résidence pour quarante cinq jours.

Par jugement n° 1503589, 1503590 du 30 avril 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une req

uête, enregistrée le 22 juin 2015, M. et MmeB..., représentés par MeC..., demandent à la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions et arrêtés du préfet de la Loire-Atlantique du 27 avril 2015 décidant leur remise aux autorités hongroises en vue du traitement de leur demande d'asile et leur assignation à résidence pour quarante cinq jours.

Par jugement n° 1503589, 1503590 du 30 avril 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juin 2015, M. et MmeB..., représentés par MeC..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 30 avril 2015 ;

2°) d'annuler les décisions et arrêtés du préfet de la Loire-Atlantique du 27 avril 2015 décidant leur remise aux autorités hongroises en vue du traitement de leur demande d'asile et leur assignation à résidence pour quarante cinq jours ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les arrêtés portant remises aux autorités hongroises sont insuffisamment motivés et sont entachées d'un défaut de visa en ce qui concerne le règlement n°2725/2000 du conseil concernant la création du fichier Eurodac et la convention internationale des droits de l'enfant ;

- les arrêtés portant réadmission sont entachés d'erreur de fait dès lors qu'ils n'ont pas entendus solliciter le bénéfice de l'asile en Hongrie où ils ne sont restés que 24 heures ; au vu du guide de demandeur d'asile en usage en Hongrie, la pratique consiste en une mesure d'expulsion suspendue jusqu'à ce qu'intervienne la décision relative à la demande d'asile ;

- c'est à tort que les arrêtés en cause ont mentionné un accord des autorités hongroises sur le fondement de l'article 18.1 b du règlement Dublin III dans la mesure où il s'agissait d'une procédure de prise en charge ; ils risquent une expulsion en Hongrie ;

- l'insuffisante motivation est de nature à révéler un défaut d'examen suffisant ;

- ils n'ont pas reçu l'information dans une langue qu'ils comprennent telle que prévue par l'article 18 du règlement Eurodac au moment du relevé d'empreintes digitales ;

- ils sont fondés à exciper de l'illégalité de la décision du 11 mars 2015 portant refus d'admission au séjour en tant que demandeur d'asile ; ils n'ont pas bénéficié de toutes les garanties prévues par l'article 18 du règlement Eurodac ;

- c'est à tort que le préfet s'est fondé sur le 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour leur refuser l'admission au séjour dès lors qu'au 11 mars 2015 l'examen de leur demande ne pouvait être considéré comme relevant d'ores et déjà des autorités hongroises ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen suffisant au vu des risques encourus de méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il existe des risques sérieux que leur demande ne soit pas traitée dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le droit d'asile avec un risque de renvoi au Kosovo ;

- les décisions portant réadmission méconnaissent les dispositions de l'article 6 du règlement Dublin III et les stipulations des articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant au regard de l'état de santé de leur fils ;

- le préfet s'est estimé lié par les critères de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile, en méconnaissance des articles 3 et 17 du règlement Dublin III ;

- les arrêtés portant assignation à résidence sont insuffisamment motivés ;

- ils sont fondés à exciper de l'illégalité des arrêtés portant réadmission ;

- les décisions d'assignation à résidence méconnaissent les articles L. 561-2 et L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Une mise en demeure a été adressée le 20 août 2015 au préfet de la Loire-Atlantique, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.

M. et Mme B...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes du 22 mai 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'un e demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Auger, premier conseiller.

- les observations de Me Neraudeaupour M. et MmeB....

1. Considérant que M. et MmeB..., ressortissants kosovars, sont entrés irrégulièrement en France le 10 décembre 2014 selon leurs déclarations ; qu'ils ont sollicité le 3 mars 2015 la reconnaissance de la qualité de réfugié auprès du préfet de la Loire-Atlantique ; que, constatant par la consultation du fichier Eurodac que les empreintes des intéressés avaient déjà été relevées par les autorités hongroises le 26 novembre 2014, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé, le 11 mars 2015, de les admettre provisoirement au séjour et a sollicité leur reprise en charge par les autorités hongroises qui ont accepté le 26 mars 2015 de reprendre en charge leur demandes d'asile ; que, le 27 avril 2015, le préfet a pris à l'encontre de chacun d'eux une décision portant remise aux autorités hongroises et, le même jour, un arrêté portant assignation à résidence ; que les consorts B...relèvent appel du jugement du 30 avril 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions et arrêtés du 27 avril 2015 prononçant leur remise aux autorités polonaises et les assignant à résidence ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne les décisions portant remise aux autorités hongroises :

2. Considérant que les deux décisions visent les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et les différentes dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui leur sont applicables ; qu'elles indiquent les éléments propres à leur situation et mentionnent que les autorités hongroises avaient accepté le 26 mars 2015 de reprendre en charge les intéressés en application de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et qu'il n'était pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale des époux B...et de leurs enfants ; qu'ils ne sont pas fondés à se prévaloir du défaut de visa du règlement (UE) n°603/2013 du 26 juin 2013 relatif à la création du fichier Eurodac dès lors que ces arrêtés n'ont pas été édictés directement sur le fondement même de ces dispositions ; que, si les requérants font valoir que les décisions en litige ne visent pas la convention internationale relative aux droits de l'enfant, cette circonstance est sans influence sur leur légalité dès lors que le préfet s'est livré à une appréciation complète de leur situation, au regard notamment de la présence en France de leurs enfants ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté comme manquant en fait ;

3. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. L'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : / a) prendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 21, 22 et 29, le demandeur qui a introduit une demande dans un autre État membre ; / b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; (...) " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : 1° L'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, ou d'engagements identiques à ceux prévus par ledit règlement avec d'autres Etats (...) " ; que les requérants font valoir qu'ils n'ont pas déposé de demande d'asile en Hongrie où ils ne seraient restés que 24 heures et soutiennent que les règles de procédure applicables à leur situation relevaient du a) du 1. de l'article 18 du règlement susmentionné ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que les époux B...ont été identifiés comme demandeurs d'asile en Hongrie le 26 novembre 2014 ainsi que l'atteste la fiche décadactylaire " Eurodac " ; qu'ainsi, au 3 mars 2015, date à laquelle les intéressés ont sollicité l'asile en France, les autorités hongroises étaient toujours responsables de leur demande d'asile et ont d'ailleurs accepté leur reprise en charge sur le fondement des dispositions du b) du 1. de l'article 18 du règlement sus-évoqué ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il n'est pas établi que cette demande d'asile en Hongrie ait été involontaire du fait de la brièveté alléguée de leur séjour ; que le préfet de la Loire-Atlantique pouvait refuser d'admettre les intéressés au séjour sur le fondement du 1° de l'article L. 741-4 précité, lequel n'implique pas que ce refus ne puisse être notifié que lorsque l'Etat dont relève l'examen de la demande d'asile a reconnu sa compétence ;

4. Considérant que les époux B...soutiennent que leur réadmission porterait une atteinte grave au droit d'asile, en faisant valoir que la Hongrie ne traiterait pas les demandeurs d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties constitutionnelles et conventionnelles applicables ; que, si la Hongrie est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient néanmoins à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; que les affirmations d'ordre général relatives aux modalités d'application des règles relatives à l'asile par les autorités hongroises, notamment la circonstance que le guide du demandeur d'asile en Hongrie versé au dossier mentionne que la pratique en vigueur consiste en une mesure d'expulsion suspendue jusqu'à ce qu'intervienne la décision relative à la demande d'asile ne suffit pas à établir que la réadmission d'un demandeur d'asile vers la Hongrie est, par elle-même, constitutive d'une atteinte grave au droit d'asile ; qu'en particulier, les requérants n'apportent aucun élément précis et circonstancié de nature à laisser penser que leur dossier ne serait pas traité par les autorités hongroises dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; qu'elles ne sont pas davantage de nature à établir que le préfet de la Loire-Atlantique aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en décidant leur remise aux autorités hongroises ;

5. Considérant que les moyens tirés du défaut d'examen suffisant de leurs demandes, de l'absence d'information suffisante telle que prévue par l'article 18 du règlement Eurodac, de méconnaissance des dispositions de l'article 6 du règlement " Dublin III " et des stipulations des articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant au regard de l'état de santé de leur fils, enfin de la méconnaissance des articles 3 et 17 du règlement Dublin III, repris sans aucune précision supplémentaire, doivent être écartés par adoption des motifs du jugement attaqué ;

En ce qui concerne les arrêtés portant assignation à résidence :

6. Considérant que les moyens tirés de leur insuffisante motivation, de l'exception d'illégalité des décisions portant réadmission et de la méconnaissance des articles L. 561-2 et L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés par adoption des motifs du jugement attaqué ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les consorts B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes ;

Sur le surplus des conclusions :

8. Considérant que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par M. et Mme B...ainsi que celles tendant au bénéfice des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. NeatB...et Mme BukurijeB...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- M. Auger, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 2 février 2016.

Le rapporteur,

P. AUGERLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. GUERIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT01904


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01904
Date de la décision : 02/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Paul AUGER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : NERAUDAU

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-02-02;15nt01904 ?
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