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08/01/2016 | FRANCE | N°15NT03094

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 08 janvier 2016, 15NT03094


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat CGT de l'abattoir de Sainte-Cécile, l'union locale CGT de Villedieu-les-Poêles, l'association " Les trois petits cochons ", Mme F...H...et M. G...E...ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 7 avril 2015 par laquelle le directeur de l'unité territoriale de la Manche de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Basse-Normandie a homologué le document unilatéral portant plan de sa

uvegarde de l'emploi de la société AIM Groupe.

Par un jugement n°15011...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat CGT de l'abattoir de Sainte-Cécile, l'union locale CGT de Villedieu-les-Poêles, l'association " Les trois petits cochons ", Mme F...H...et M. G...E...ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 7 avril 2015 par laquelle le directeur de l'unité territoriale de la Manche de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Basse-Normandie a homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société AIM Groupe.

Par un jugement n°1501148 du 3 septembre 2015, le tribunal administratif de Caen a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

I/ Par une requête enregistrée le 12 octobre 2015 sous le n°1503094 et un mémoire complémentaire du 8 décembre 2015, MeD..., ès qualité de liquidateur judiciaire de la société AIM Groupe, représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 3 septembre 2015 ;

2°) de rejeter la demande présentée par le syndicat CGT de l'abattoir de Sainte-Cécile et autres devant le tribunal administratif de Caen ;

3°) de mettre à la charge du syndicat CGT de l'abattoir de Sainte-Cécile, de l'union locale CGT de Villedieu-les-Poêles, de l'association " Les trois petits cochons ", de Mme F...H...et de M. G...E...une somme globale de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande de première instance était irrecevable en tant qu'elle émanait du syndicat CGT de l'abattoir de Sainte-Cécile, de l'union locale CGT et de l'association " Les trois petits cochons ", dont les représentants n'avaient pas été régulièrement habilités à ester en justice ;

- le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Basse-Normandie (DIRRECTE) était compétent pour homologuer le plan de sauvegarde de l'emploi ;

- le directeur régional a régulièrement délégué ses pouvoirs au chef de l'unité territoriale de la Manche ;

- si l'article L.1233-4 du code du travail prévoit que le comité central d'entreprise peut se faire assister par un expert-comptable, la circonstance que la personne retenue à cet effet n'ait pas cette qualité est sans incidence sur la régularité de la procédure ;

- conformément aux dispositions de l'article L.1233-24-1 du code du travail, des négociations ont été engagées avec les syndicats pour déterminer le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi ; la direction de l'entreprise n'est pas responsable de leur échec qui l'a conduite à présenter un plan unilatéral à l'administration après avoir respecté la procédure " d'information consultation " applicable ;

- le comité central d'entreprise a reçu toute l'information requise sur les difficultés économiques de la société aboutissant au redressement judiciaire ;

- le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas insuffisant.

Par ordonnance du 4 novembre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 25 novembre 2015 à 12 heures.

Par ordonnance du 20 novembre 2015, la réouverture de l'instruction a été prononcée et une nouvelle clôture a été fixée au 11 décembre 2015 à 12 heures.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 décembre 2015 et un mémoire complémentaire du 18 décembre 2015, le syndicat CGT de l'abattoir de Sainte-Cécile, l'union locale CGT de Villedieu-les-Poêles, l'association " Les trois petits cochons ", Mme F...H...et M. G...E..., représentés par Me C...concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Ils soutiennent qu'aucun des éléments de la requête n'est fondé, s'en rapportent aux moyens soutenus en première instance et font valoir en outre que :

- la décision d'homologation ne mentionne pas la désignation par le ministre de la DIRRECTE compétente ;

- la DIRRECTE s'est abstenue de contrôler les circonstances dans lesquelles l'accord fixant le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements a été conclu ;

- elle s'est également abstenue de contrôler les catégories professionnelles déterminées pour l'application des critères d'ordre des licenciements.

Par ordonnance du 10 décembre 2015, la réouverture de l'instruction a été prononcée et une nouvelle clôture a été fixée au 18 décembre 2015 à 16 heures.

II/ Par un recours enregistré le 2 novembre 2015 sous le n°1503364 et un mémoire complémentaire du 11 décembre 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 3 septembre 2015

2°) de rejeter la demande présentée par le syndicat CGT de l'abattoir de Sainte-Cécile et autres devant le tribunal administratif de Caen.

Il soutient que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il a été saisi par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Basse-Normandie afin de désigner la DIRRECTE compétente, cette saisine ayant été effectuée via un portail informatique dédié aux plans de sauvegarde de l'emploi et a implicitement confié le dossier à cette direction régionale, laquelle, eu égard à l'impact social de l'affaire, a d'ailleurs travaillé en liaison avec les cabinets des ministres intéressés.

Par ordonnance du 4 novembre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 25 novembre 2015à 12 heures.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 novembre 2015 et un mémoire complémentaire du 18 décembre 2015, le syndicat CGT de l'abattoir de Sainte-Cécile, l'union locale CGT de Villedieu-les-Poêles, l'association " Les trois petits cochons ", Mme F...H...et M. G...E..., représentés par MeC..., concluent au rejet de la requête par les mêmes moyens que ceux développés sous le n°1503094 ;

Par ordonnance du 20 novembre 2015, la réouverture de l'instruction a été prononcée et une nouvelle clôture a été fixée au 11 décembre 2015 à 12 heures.

Par un mémoire enregistré le 8 décembre 2015, MeD..., es qualité de liquidateur judiciaire de la société AIM Groupe, représenté par Me B...reprend, à l'appui du recours formé par le ministre, les éléments développés dans son mémoire d'appel n°1503094 ;

Par ordonnance du 10 décembre 2015, la réouverture de l'instruction a été prononcée et une nouvelle clôture a été fixée au 18 décembre 2015 à 16 heures.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code du travail ;

-le code de commerce ;

- le décret n°2013-1172 du 18 décembre 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. François,

- les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant le syndicat CGT de l'abattoir de Sainte-Cécile et autres, et de MeB..., représentant Me D...ès qualité de liquidateur judiciaire de la société AIM groupe.

1. Considérant que la requête n°15NT03094 présentée par MeD..., ès qualité de liquidateur judiciaire de la société AIM Groupe, et le recours n°15NT03364, présenté par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, sont dirigés contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que compte tenu des difficultés économiques rencontrées par la société par action simplifiée AIM Groupe, dont l'activité principale est l'abattage et la découpe des porcs, le tribunal de commerce de Coutances a ouvert une procédure de redressement judiciaire le 6 janvier 2015, puis, par jugement du 31 mars 2015, a arrêté un plan de cession de l'établissement de Sainte-Cécile au profit des salariés, prévoyant la reprise de 206 salariés et autorisant le licenciement pour motif économique de 197 salariés ; que par un jugement du même jour, ce même tribunal a également arrêté un plan de cession de l'établissement d'Antrain au profit de la société financière les Rosaires prévoyant la reprise de 70 salariés et autorisant le licenciement économique de 105 salariés ; que, par un jugement du 1er avril 2015, le tribunal de commerce de Coutances a prononcé la liquidation judiciaire de la société AIM Groupe ; que les administrateurs judiciaires ont présenté le 2 avril 2015 au directeur de l'unité territoriale de la Manche de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Basse-Normandie (DIRRECTE) un document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), prévoyant le licenciement pour motif économique de 302 salariés ; que, par une décision du 7 avril 2015, le directeur de l'unité territoriale de la Manche, agissant par délégation du directeur régional, a homologué ce plan ; que MeD..., ès qualité de liquidateur judiciaire de la société AIM Groupe, et le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social relèvent appel du jugement du 3 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Caen, a, à la demande du syndicat CGT de l'abattoir de Sainte-Cécile et autres, annulé la décision du 7 avril 2015 du directeur régional de l'unité territoriale de la Manche ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1233-57-8 du code du travail : " L'autorité administrative compétente pour prendre la décision d'homologation ou de validation mentionnée à l'article L. 1233-57-1 est celle du lieu où l'entreprise ou l'établissement concerné par le projet de licenciement collectif est établi. Si le projet de licenciement collectif porte sur des établissements relevant de la compétence d'autorités différentes, le ministre chargé de l'emploi désigne l'autorité compétente. " ; qu'aux termes de l'article R. 1233-3-5 de ce même code : " Lorsque le projet de licenciement collectif porte sur des établissements relevant de la compétence de plusieurs directeurs régionaux des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, l'employeur informe le directeur régional du siège de l'entreprise de son intention d'ouvrir une négociation en application de l'article L. 1233-24-1. L'employeur notifie à ce directeur son projet de licenciement en application de l'article L. 1233-46. En application de l'article L. 1233-57-8, ce directeur saisit sans délai le ministre chargé de l'emploi. Le ministre chargé de l'emploi désigne le directeur régional compétent. (...) A défaut de décision expresse, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi compétent est celui dans le ressort duquel se situe le siège de l'entreprise (...). " ;

4. Considérant que le siège de la société AIM Groupe est à Sainte-Cécile dans le département de la Manche, dépendant de la région Basse-Normandie ; que le plan de sauvegarde de l'emploi litigieux concerne non seulement les salariés de l'établissement de Sainte-Cécile, mais aussi ceux de l'établissement d'Antrain, situé dans le département de l'Ille-et-Vilaine, dépendant de la région Bretagne et de l'établissement de Nogent-le-Rotrou dans le département de l'Eure-et-Loir dépendant de la région Centre-Val-de-Loire ; qu'il ressort des éléments produits en appel par le ministre chargé de l'emploi que les démarches administratives liées à un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) sont dématérialisées depuis le 1er juillet 2014 par le vecteur d'une application informatique dite " SI Homologation " reliant les entreprises concernées au ministère chargé de l'emploi ; que par cette application, le ministre, représenté par la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, et la DIRRECTE dans le ressort de laquelle l'entreprise a son siège, sont informés d'une demande d'homologation de PSE dès la saisine informatique effectuée par le demandeur ; que cette information vaut saisine du ministre par la DIRRECTE sur la désignation de la direction régionale compétente, lui permettant de procéder à cette désignation par insertion du nom de la direction régionale compétente dans l'application informatique ;

5. Considérant qu'en l'espèce le dossier relatif au plan de sauvegarde de l'emploi a été créé le 23 février 2015 par l'employeur dans l'application SI Homologation ; que le 6 mars suivant ont été déposés sur cette application un projet d'accord majoritaire et un projet de document unilatéral ; que l'établissement de Sainte-Cécile étant également le siège de l'entreprise, la DIRRECTE de Basse-Normandie a automatiquement été désignée comme compétente dans l'application ; que la saisie a été complétée le 31 mars 2015 par la société AIM Groupe pour faire apparaître les autres établissements de l'entreprise concernés par les licenciements ; que, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 1233-3-5 du code du travail, lequel est conforme aux dispositions de l'article L.1233-57-8 du même code, à défaut de désignation expresse, le ministre chargé de l'emploi a implicitement confirmé la compétence de la direction régionale de Basse-Normandie ; que, dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal administratif de Caen s'est fondé sur le motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 1233-57-8 du code du travail pour annuler la décision du 7 avril 2015 portant homologation du plan de sauvegarde de l'emploi de la société AIM Groupe ;

6. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le syndicat CGT de l'abattoir de Sainte-Cécile et autres devant le tribunal administratif de Caen et devant la Cour ;

7. Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce qu'allèguent les défendeurs et en tout état de cause, la décision litigieuse mentionne en sa page 6 que la DIRRECTE compétente a été désignée par le ministre en application des dispositions de l'article L. 1233-57-8 du code du travail ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que si l'article R. 1233-3-4 du code du travail dispose que le directeur régional est l'autorité compétente pour homologuer le document unilatéral valant plan de sauvegarde de l'emploi, il résulte de l'article 1er du décret du 18 décembre 2013 susvisé que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi peut donner délégation de signature aux responsables d'unité territoriale et à leurs adjoints ; que par décision du 1er août 2014 régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la Manche, M.I..., directeur régional de Basse-Normandie, a délégué sa signature à M.A..., directeur de l'unité territoriale de la Manche ; que par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision litigieuse doit être écarté ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 1233-34 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, le comité d'entreprise peut recourir à l'assistance d'un expert-comptable en application de l'article L. 2325-35. " ;

10. Considérant que lors de sa réunion du 3 mars 2015, le comité central d'entreprise a régulièrement désigné la personne chargée de l'assister " dans le cadre de l'examen de la situation de l'entreprise et le plan de licenciement collectif " ; que sont sans incidence sur la légalité de la décision contestée les circonstances que cette personne n'ait pas la qualité d'expert-comptable et que, malgré les rappels de la DIRRECTE, elle n'ait jamais produit de rapport ;

11. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 1233-24-1 du code du travail : "Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, un accord collectif peut déterminer le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 ainsi que les modalités de consultation du comité d'entreprise et de mise en oeuvre des licenciements " ; que l'article L.1233-24-4 du même code dispose que : " A défaut d'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1, un document élaboré par l'employeur après la dernière réunion du comité d'entreprise fixe le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi (...) " ;

12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les administrateurs judiciaires de la société AIM Groupe et les délégués des organisations syndicales représentatives ont tenté de négocier un accord sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, notamment lors de réunions du comité central d'entreprise tenues les 5 et 17 mars 2015 ; que, compte tenu des délais fixés par le tribunal de commerce en vue de l'audience destinée à statuer sur les offres de reprise, un accord devait être trouvé le 19 mars au plus tard ; qu'il n'est pas sérieusement contesté qu'à cette date les parties concernées n'avaient pas abouti à un accord en dépit de l'absence d'un constat d'échec écrit, seuls les délégués du syndicat CFDT ayant accepté d'approuver partiellement le projet soumis à discussion en ce qu'il précisait le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements au niveau de chaque établissement ; que, dans ces conditions, les administrateurs judiciaires de l'entreprise, à défaut d'accord, ont pu, en application des articles L. 1233-24-1 et L. 1233-24-4 précités du code du travail, déterminer unilatéralement le contenu du PSE et en demander l'homologation à l'administration ;

13. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en application de ces dispositions, un document d'information sur les causes du licenciement pour motif économique envisagé a été remis le 20 février 2015 aux représentants du personnel ; que le comité central d'entreprise et les comités d'entreprise des établissements de Sainte-Cécile, d'Antrain et de Nogent-le-Rotrou, ainsi que les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ont été régulièrement informés et consultés sur les différents aspects du projet de plan de sauvegarde de l'emploi, y compris sur le plan de sauvegarde de l'emploi élaboré unilatéralement par l'employeur, notamment lors de réunions tenues les 23, 26 et 30 mars 2015, et plus généralement pendant l'ensemble des périodes de redressement judiciaire et de liquidation et ont également été informés des offres de reprise déposées auprès des administrateurs judiciaires ; qu'ainsi, le syndicat CGT de l'abattoir de Sainte-Cécile et autres n'est pas fondé à soutenir, par des allégations au demeurant dénuées de précision, que les instances représentatives du personnel n'auraient pas reçu l'information prévue par les dispositions précitées du code du travail, ni que l'autorité administrative aurait manqué à son devoir de contrôle du bon déroulement de la procédure ;

14. Considérant, en cinquième lieu que si, comme il a été dit au point 12, seuls les délégués du syndicat CFDT ont approuvé partiellement le projet de plan de sauvegarde de l'emploi, l'ensemble des organisations syndicales représentatives ont toutefois été invitées à participer aux réunions de mars 2015 portant sur la négociation de ce plan ; qu'ainsi, ces négociations n'ont pas revêtu de " caractère déloyal " ; que le moyen tiré de la carence de l'administration à contrôler le caractère loyal des négociations doit dès lors être écarté ;

15. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 642-5 du code de commerce : " Le jugement qui arrête le plan en rend les dispositions applicables à tous " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 642-3 du même code : " Lorsque le plan de cession prévoit des licenciements pour motif économique, le liquidateur, ou l'administrateur lorsqu'il en a été désigné, produit à l'audience les documents mentionnés à l'article R. 631-36. Le jugement arrêtant le plan indique le nombre de salariés dont le licenciement est autorisé ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées " ; qu'il résulte de ces dispositions que les catégories professionnelles déterminées par le jugement qui arrête le plan de cession et fixe le nombre de licenciements s'imposent au liquidateur pour le choix des salariés à licencier, ainsi qu'à l'autorité administrative chargée d'homologuer le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'il ressort des pièces du dossier que les catégories professionnelles retenues dans le document unilatéral de l'employeur sont identiques à celles qui ont été fixées par les jugements du tribunal de commerce de Coutances du 31 mars 2015 ; que, par suite, les défendeurs ne sauraient utilement contester l'absence de contrôle de l'administration sur les catégories professionnelles déterminées pour l'application des critères d'ordre des licenciements ;

16. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité (...) " et que l'article L. 1233-62 de ce code dispose que : " Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures telles que : 1° Des actions en vue du reclassement interne des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ; 2° Des créations d'activités nouvelles par l'entreprise ; 3° Des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise (...) 4° Des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés ; 5° Des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents (...) " ;

17. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les administrateurs judiciaires de la société AIM Groupe ont recherché des possibilités de reclassement interne des salariés de l'entreprise, contactant à cet effet non seulement les huit sociétés du groupe Haim dont elle dépendait, mais encore les trois sociétés actionnaires de ce groupe et leurs filiales, cette recherche étant demeurée infructueuse faute d'emplois disponibles dans les entreprises concernées ; que, par ailleurs, afin de faciliter le reclassement externe des salariés, le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit notamment le bénéfice d'un contrat de sécurisation professionnelle pour chaque salarié licencié, la création d'une cellule de reclassement, l'identification de 41 postes disponibles progressivement pourvus au sein du groupe Chapin-Montfort, une aide à la mobilité géographique d'un montant de 2 000 euros par salarié, avec prise en charge des frais de transport et d'hébergement jusqu'à 1 300 euros par salarié, une aide à la création d'entreprise de 2 500 euros par salarié et la reprise par l'établissement de Sainte-Cécile de 23 salariés de plus que ne le prévoyait le plan de cession validé par le jugement du 31 mars 2015 du tribunal de commerce de Coutances ; que, dès lors, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi satisfait aux exigences de l'article L.1233-62 du code du travail ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance, que MeD..., ès qualité de liquidateur judiciaire de la société AIM Groupe, et le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision du 7 avril 2015 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions présentées par chacune des parties sur le fondement de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1501148 du 3 septembre 2015 du tribunal administratif de Caen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par le syndicat CGT de l'abattoir de Sainte-Cécile, l'union locale CGT de Villedieu-les-Poêles, l'association " Les trois petits cochons ", Mme F...H...et M. G...E...devant le tribunal administratif de Caen est rejetée.

Article 3 : Les conclusions formées par chaque partie sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à MeD..., ès qualité de liquidateur judiciaire de la société AIM Groupe, à la ministre de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, au syndicat CGT de l'abattoir de Sainte-Cécile, à l'union locale CGT de Villedieu-les-Poêles, à l'association " Les trois petits cochons ", à Mme F...H...et à M. G...E....

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2016, où siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. François, premier conseiller,

- Mme Buffet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 janvier 2016.

Le rapporteur,

E. FRANÇOISLe président,

A. PEREZ

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne à la ministre de ministre de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°s 15NT03094-15NT03364


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT03094
Date de la décision : 08/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Eric FRANCOIS
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : SCP AUGUST ET DEBOUZY

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-01-08;15nt03094 ?
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