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17/12/2015 | FRANCE | N°15NT01332

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 17 décembre 2015, 15NT01332


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et MmeC... B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 à 2010 ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1300134 du 5 mars 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 avril 2015, M. et MmeB..., représentés par MeA..., demandent à la cour :
>1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 5 mars 2015 ;

2°) de prononcer la déch...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et MmeC... B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 à 2010 ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1300134 du 5 mars 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 avril 2015, M. et MmeB..., représentés par MeA..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 5 mars 2015 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la proposition de rectification n'est pas suffisamment motivée ;

- l'administration fiscale, faute d'avoir procédé à des contrôles sur place dans chacune des sociétés en participation (SEP) dont ils sont associés et en s'étant bornée à un simple contrôle sur pièces, les a privés des garanties fondamentales qu'auraient apportées les vérifications de comptabilité de ces SEP et a commis un détournement de procédure ;

- en ne leur communiquant pas la proposition de rectification adressée à la société à responsabilité limitée Dom Tom Défiscalisation (SARL DTD) ainsi que les éléments obtenus lors de la vérification de comptabilité de cette société, l'administration a manqué à son devoir de loyauté et méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- il résulte tant de la loi que de la doctrine administrative du 12 septembre 2012, référencée BOI-BIC-RICI-20-10-10-20, que le caractère productif de l'investissement est une condition qui se rattache uniquement à la nature de l'investissement et qu'il est sans lien avec l'année au titre de laquelle la réduction d'impôt est acquise ;

- il résulte tant de la loi que de la doctrine administrative du 7 octobre 2013, référencée BOI-SJ-AGR-40, que la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts est acquise l'année où l'investissement productif est livré à l'entreprise ;

- en exigeant un agrément du comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité, le dépôt d'une demande d'autorisation préalable aux travaux d'installation des panneaux photovoltaïques et leur raccordement au réseau Electricité de France (EDF), l'administration a ajouté des conditions non prévues par les textes ;

- l'absence de raccordement au réseau électrique n'est pas imputable aux SEP mais résulte du délai de traitement des demandes par EDF, qui n'a pu procéder à aucun raccordement en 2009 compte tenu d'une grève générale aux Antilles.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bataille, président de chambre,

- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public.

1. Considérant que M. et Mme B...ont bénéficié au titre des années 2008 et 2009 d'une réduction d'impôt sur le revenu, en application des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, à raison d'investissements productifs réalisés outre-mer en qualité d'associés de sociétés en participation (SEP), dont la gestion était assurée par la société à responsabilité limitée Dom Tom Défiscalisation (SARL DTD), consistant en l'acquisition et l'installation de panneaux photovoltaïques en vue de leur exploitation par des sociétés situées en Martinique ; qu'ils ont également bénéficié d'une réduction d'impôt au titre de l'année 2010 du fait du report de l'excédent de la réduction d'impôt de l'année 2009 ; qu'à la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration, constatant l'absence de réalisation de ces investissements, a remis en cause ces réductions d'impôt et a notifié à M. et Mme B...des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2008 à 2010, assorties de pénalités ; que les requérants relèvent appel du jugement du 5 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations ;

3. Considérant que la proposition de rectification en date du 26 octobre 2011 notifiée à M. et Mme B...précise, après avoir présenté de façon détaillée et sans opérer de confusion entre les SEP dont ils sont associés et la SARL DTD, chargée de leur gestion, l'opération d'investissement à laquelle les intéressés ont souscrit portant sur des panneaux photovoltaïques, les règles de droit applicables, l'impôt concerné, les années d'imposition ainsi que les motifs de fait sur lesquels l'administration s'est fondée pour remettre en cause les réductions d'impôt accordées au titre de ces investissements ; que la circonstance que cette proposition de rectification ne précise pas la dénomination sociale des SEP est sans incidence sur le caractère suffisant de sa motivation dès lors que cette absence de précision n'a pas pu induire en erreur les contribuables sur la nature des redressements opérés par le service ni ne les a privés de la possibilité de présenter leurs observations, ce qu'ils ont d'ailleurs fait le 15 décembre 2011 ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que M. et Mme B..., qui ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces de leurs déclarations, soutiennent que l'administration les a privés des garanties attachées à la vérification de comptabilité des SEP dont ils sont associés et, en ne recourant pas à cette procédure, de la possibilité de bénéficier du constat de la réalité des investissements réalisés ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que les suppléments d'impôt mis à la charge de M. et Mme B... résultent exclusivement de la remise en cause de la réduction d'impôt sur le revenu prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts dont ils se prévalaient à titre personnel à raison d'investissements productifs réalisés dans les départements d'outre-mer ; que les impositions en litige ne procèdent pas du rehaussement du résultat des SEP imposable entre les mains de leurs associés au prorata de leurs parts en application des dispositions de l'article 8 du code général des impôts relatif au régime d'imposition des sociétés de personnes ; que, dès lors, l'administration fiscale n'était pas tenue de procéder à la vérification de comptabilité des SEP préalablement au contrôle sur pièces dont M. et Mme B...ont fait l'objet ; que les requérants qui ont bénéficié, au terme de ce contrôle sur pièces, d'une procédure de rectification contradictoire au cours de laquelle ils ont pu contester les rectifications proposées par l'administration et apporter tous les éléments justificatifs qui leur paraissaient nécessaires, n'ont été privés d'aucune garantie ; qu'en conséquence ils ne sont pas fondés à soutenir que l'administration a commis un détournement de procédure ; que, par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation à l'administration de procéder à un contrôle sur place avant de remettre en cause le bénéfice d'une réduction d'impôt sur le revenu dont se prévaut un contribuable à raison d'investissements réalisés dans les départements d'outre-mer ; que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition ne peut en conséquence qu'être écarté ;

5. Considérant, en troisième lieu, que l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales dispose : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " ; que s'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure de redressement mise en oeuvre, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements recueillis dans l'exercice de son droit de communication afin que l'intéressé soit mis à même de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition, elle n'est tenue à cette obligation qu'en ce qui concerne ceux des renseignements qu'elle a effectivement utilisés pour établir les impositions et notamment ceux dont elle s'est prévalue au cours de la procédure de redressement ;

6. Considérant que M. et Mme B...soutiennent que, l'administration fiscale, ayant nécessairement fondé les rectifications sur des éléments recueillis au cours de la vérification de comptabilité de la SARL DTD, a méconnu les dispositions de l'article 76 B du livre des procédures fiscales et a manqué à son devoir de loyauté ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que, pour établir les redressements litigieux, l'administration s'est notamment fondée sur les renseignements qu'elle a obtenus auprès d'Electricité de France (EDF) et de services douaniers dans le cadre du droit de communication prévu aux articles L. 81 et L. 83 du livre des procédures fiscales ; que le service a pu, au vu de ces renseignements, constater une disproportion entre les fonds collectés et les investissements effectivement importés, l'absence de déclaration d'achèvement des travaux d'installation des panneaux photovoltaïques, l'absence de demande de raccordement au réseau électrique et l'absence de certificat de conformité visé par le comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité ; qu'il n'est pas contesté que le contenu de ces renseignements a été annexé à la réponse du 20 mars 2012 que l'administration a faite aux observations de M. et Mme B...sur la proposition de rectification ; qu'il ne résulte pas des circonstances relevées par le service pour justifier les redressements en cause que ceux-ci seraient fondés sur des éléments recueillis lors de la vérification de comptabilité de la SARL DTD et au sujet desquels il n'aurait pas respecté son obligation d'information prévue par les dispositions précitées ; que, dans ces conditions, l'administration, qui n'était pas tenue de leur communiquer la proposition de rectification notifiée à la SARL DTD dont elle n'a pas eu à se servir pour fonder les impositions litigieuses, a donc suffisamment informé les requérants de l'origine et de la teneur des renseignements recueillis ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et celui tiré d'un manquement de l'administration à son devoir de loyauté ne peuvent qu'être écartés ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...) dans le cadre d'une entreprise exerçant (...) une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34 / (...) La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé (...) " ; qu'aux termes de l'article 95 Q de l'annexe II au même code, dans sa rédaction applicable : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts est la date à laquelle, du fait de sa livraison effective ou de sa création dans le département ou le territoire d'outre-mer, l'immobilisation, au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé, peut être effectivement exploitée et être productive de revenus ; que le juge de l'impôt se prononce sur l'éligibilité des investissements qui lui sont soumis à la réduction d'impôt prévue par les dispositions précitées de l'article 199 undecies B du code général des impôts au regard des éléments apportés par l'une et l'autre partie ;

8. Considérant que des panneaux photovoltaïques ne peuvent être exploités et être productifs de revenues sans être intégrés dans une installation et raccordés au réseau électrique ; qu'il résulte de l'instruction que l'exercice, par l'administration, de son droit de communication auprès d'EDF a révélé qu'aucune des centrales photovoltaïques au titre desquelles ont été pratiquées les réductions d'impôt litigieuses n'avait fait l'objet d'un raccordement électrique ; que M. et Mme B..., qui se bornent à soutenir, sans l'établir, qu'EDF a pris du retard dans l'instruction des demandes de raccordement, n'apportent aucun élément de nature à infirmer le constat sur lequel s'est fondée l'administration ; que, par suite, et pour ce seul motif, l'administration a pu sur le fondement de la loi fiscale estimer que les investissements en cause ne pouvaient ni être effectivement exploités ni être productifs de revenus à la date des 31 décembre 2008 et 31 décembre 2009 et remettre en cause tant les réductions d'impôt au titre de ces deux années que le report, au titre de l'année 2010, de l'excédent de la réduction d'impôt de l'année 2009 ;

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

9. Considérant que M. et Mme B...entendent se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, sans en préciser l'alinéa, des instructions du 12 septembre 2012 (BOI-BIC-RICI -20-10-10-20) et du 7 octobre 2013 (BOI-SJ-AGR-40) ; que, toutefois, les contribuables ne sont en droit d'invoquer, sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 80 A, lorsque l'administration procède à un rehaussement d'impositions antérieures que des interprétations antérieures à l'imposition primitive, ou sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 80 A, qu'il s'agisse d'impositions primitives ou supplémentaires, que des interprétations antérieures à l'expiration du délai de déclaration ; qu'en l'espèce, les interprétations invoquées sont postérieures tant à l'imposition primitive qu'au délai de déclaration ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à s'en prévaloir ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante, la somme que M. et Mme B...demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...B...et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 décembre 2015.

Le président rapporteur,

F. Bataille L'assesseur le plus ancien,

S. Aubert

Le greffier,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT013322


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01332
Date de la décision : 17/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Frédérik BATAILLE
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : SELARL KIHL-DRIE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-12-17;15nt01332 ?
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