Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...et Mme B...G...et l'Earl G...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la société Arcour à verser à M. et Mme G...la somme de 208 507,37 euros et à l'Earl G...la somme de 289 423 euros en réparation des préjudices subis du fait de la construction de l'autoroute A 19 et des opérations de remembrement qu'elle a induites.
Par un jugement n° 1303089 du 19 juin 2014, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 août 2014 et 27 juillet 2015,
M. C...et Mme B...G...ainsi que l'EarlG..., représentés par MeH..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 19 juin 2014 ;
2°) de condamner la société Arcour, au besoin après avoir ordonné une mesure d'expertise, à verser à M. et Mme G...la somme de 208 507,37 euros et à l'Earl G...la somme de 289 423 euros en réparation des préjudices subis ;
3°) de mettre à la charge de la société Arcour le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité car les premiers juges n'ont pas analysé dans les visas les différents mémoires en méconnaissance de l'alinéa 2 de l'article R.741-2 du code de justice administrative et que les moyens nouveaux présentés dans les mémoires déposés les 22 mai et 3 juin 2014 n'ont pas été analysés ;
- ce jugement est également insuffisamment motivé quant à l'évaluation des préjudices qu'ils ont subis ;
- les premiers juges ont dénaturé les pièces produites quant à la preuve des préjudices subis par eux ; le préjudice calculé par l'expert sollicité par eux est bien représentatif du préjudice d'allongement de parcours ;
- le tribunal a commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier s'agissant de la question de l'aggravation des conditions d'exploitation qui concerne uniquement le compte de propriété n° 368 et le préjudice subi par les propriétaires ; la position de la commission départementale d'aménagement foncier sur ce point ne vaut que pour la question de la validité des opérations d'aménagement foncier et pas pour l'existence d'un préjudice indemnisable par le concessionnaire en tant que dommages de travaux publics ;
- les premiers juges ont également dénaturé les pièces du dossier s'agissant du préjudice subi par les propriétaires mais aussi par les exploitants en cours et à l'issue des travaux ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en estimant qu'une expertise n'était pas utile et une erreur manifeste d'appréciation quant à l'évaluation du préjudice.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 avril 2015, la SA Arcour, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. et Mme G...et de l'Earl G...la somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par les consorts G...ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 30 avril 2015 le département du Loiret, représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1000 euros soit mise à la charge des consorts G...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet, président-assesseur,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
- et les observations de MeF..., substituant Me H...pour les consorts G...et l'Earl G...et les observations de MeA..., substituant MeE..., pour la société Arcour.
Une note en délibéré présentée pour pour les consorts G...et l'Earl G...a été enregistrée le 20 novembre 2015.
1. Considérant que M. et MmeG..., propriétaires de terres agricoles exploitées par eux jusqu'en 2011 puis données en exploitation à l'EarlG..., situées dans les communes de Beaune-la-Rolande, Bordeaux-en-Gâtinais, Corbeilles-en-Gâtinais, Egry, Auxy et Juranville (Loiret), ont demandé à la société Arcour, concessionnaire de l'ouvrage, la réparation des préjudices qu'il estiment avoir subis à raison des travaux et des opérations d'aménagement foncier qu'a impliqués la construction de l'autoroute A 19 dans sa portion Artenay-Courtenay ; que, par un protocole d'accord des 21 août 2012 et 21 janvier 2013, ils ont été indemnisés par cette société des préjudices tenant aux difficultés d'exploitation résultant de la présence de pointes dans les parcelles d'attribution de l'exploitation et de la perte des réseaux d'irrigation et ont perçu à ce titre les sommes respectives de 11 145,40 euros et de 39 510 euros ; que toutefois les consorts G...et l'EarlG..., estimant avoir subi d'autres dommages dont la réparation ne leur a pas été accordée, ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la société Arcour à verser, à M. et MmeG..., la somme de 208 507,37 euros et, à l'EarlG..., la somme de 289 423 euros ; qu'ils relèvent appel du jugement du 19 juin 2014 par lequel cette juridiction a rejeté leur demande ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ressort des termes mêmes de ce jugement qu'il a été, dans les motifs, répondu de façon complète aux moyens exposés dans les mémoires des 22 mai et 3 juin 2014, lesquels avaient été visés et analysés, en particulier s'agissant de l'applicabilité des clauses du protocole signé le 13 juin 2015 et du mode de calcul proposé pour évaluer les préjudices invoqués liés aux allongements de parcours et à l'aggravation des conditions d'exploitation ; que, dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué méconnaîtrait les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;
3. Considérant, en second lieu, que pour l'application de l'article L. 9 du code de justice administrative, aux termes duquel : " Les jugements sont motivés. ", le tribunal n'a pas à répondre à l'ensemble des arguments présentés au soutien des moyens invoqués par les parties ; qu'en tout état de cause, le jugement du 19 juin 2014 rappelle, tout d'abord, que la méthode de calcul appliquée par l'expert auquel ont eu recours les requérants se fonde sur le tarif prévu pour les allongements de parcours fixé à l'article 4.2.3 du protocole pour l'indemnisation des préjudices liés à la construction de l'autoroute A 19 signé le 13 juin 2005 et précise ensuite que les clauses de ce protocole ne sont applicables qu'aux accords amiables, pour enfin estimer que les éléments apportés par les demandeurs ne justifient pas de la réalité de leur préjudice et de son caractère anormal et spécial ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une insuffisante motivation quant à l'appréciation des préjudices d'allongement de parcours allégués ;
Sur le droit à réparation de M. et Mme G...:
En ce qui concerne le préjudice lié aux allongements de parcours avant remembrement :
4. Considérant que M. et Mme G...ont demandé, en leur qualité de propriétaire et d'exploitant, le versement d'une somme de 65 554,37 euros en réparation des préjudices résultant des allongements de parcours qu'ils estiment avoir subis pendant les travaux de construction de l'autoroute ; qu'il résulte de l'instruction que l'indemnité réclamée a été calculée suivant les termes et le barème du protocole d'accord du 13 juin 2005 conclu entre la société Arcour, la société Socaly, la direction des services fiscaux du Loiret, la chambre d'agriculture du Loiret, la FDSEA, ainsi que le syndicat des propriétaires ; que le montant de 65 554,37 euros correspond, d'une part, à 54 977,58 euros au titre de la période du 1er juin 2008 au 30 novembre 2010, antérieure à l'entrée en possession provisoire des parcelles attribuées à l'issue du remembrement en contrepartie des parcelles apportées, et, d'autre part, à 10 636,79 euros au titre de la période du 1er décembre 2010 au 31 mai 2011, postérieure à cette entrée en possession ;
5. Considérant que le préjudice de l'exploitant indemnisable au titre des allongements de parcours subis pendant la durée des travaux de construction de l'autoroute et avant la prise de possession des parcelles attribuées dans le cadre des opérations de remembrement résulte de la perte de revenus due aux charges supplémentaires, notamment de temps et de carburant, eu égard aux déplacements supplémentaires de l'exploitant, et doit présenter un caractère anormal et spécial ;
6. Considérant, toutefois, que les consorts G...n'apportent pas davantage en appel qu'en première instance d'éléments permettant d'établir la réalité du préjudice susceptible d'être indemnisé ainsi que son caractère anormal et spécial ; que le rapport de l'expert qu'ils ont sollicité, non contradictoire et non justifié quant aux prétentions indemnitaires en cause, qui retient des méthodes de calcul des distances moyennes pondérée dans une approche de réparation forfaitaire des préjudices, intégrant ainsi la totalité de la surface de chaque parcelle dans les calculs opérés, ne revêt aucun caractère pertinent à cet égard ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges, qui n'ont pas commis d'erreur d'appréciation quant à la teneur et à la portée des pièces soumises à leur examen, ont rejeté la demande indemnitaire présentée par les consorts G...pour ce chef de préjudice ;
En ce qui concerne le préjudice lié aux allongements de parcours résultant des opérations de remembrement :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-26 du code rural et de la pêche maritime : "Lorsqu'un aménagement foncier est réalisé en application de l'article L. 123-24 du même code, les dispositions des articles L. 123-1 et L. 123-23 sont applicables. / Toutefois sont autorisées les dérogations aux dispositions de l'article L. 123-1 qui seraient rendues inévitables en raison de l'implantation de l'ouvrage et des caractéristiques de la voirie mise en place à la suite de sa réalisation. Les dommages qui peuvent en résulter pour certains propriétaires et qui sont constatés à l'achèvement des opérations d'aménagement foncier sont considérés comme des dommages de travaux publics" ; qu'aux termes de l'article L. 123-1 du même code : "Le remembrement (...) a principalement pour but, par la constitution d'exploitations rurales d'un seul tenant ou à grandes parcelles bien groupées, d'améliorer l'exploitation agricole des biens qui y sont soumis (...). / Sauf accord des propriétaires et exploitants intéressés, le nouveau lotissement ne peut allonger la distance moyenne des terres au centre de l'exploitation principale, si ce n'est dans la mesure nécessaire au regroupement parcellaire" ;
9. Considérant qu'il résulte des dispositions qui précèdent que, lorsqu'un remembrement est effectué en vue de la réalisation d'un grand ouvrage public et qu'il apparaît inévitable de déroger aux dispositions de l'article L. 123-1 du code rural et de la pêche maritime, les propriétaires pour lesquels, du fait de ces dérogations, des préjudices subsistent au terme des opérations de remembrement sont fondés à demander au maître de l'ouvrage réparation des dommages résultant de ces opérations, constatés à l'issue de celles-ci, à titre de dommages de travaux publics ; que si le propriétaire n'a pas, dans ce cas, à établir l'existence de l'anormalité et de la spécialité du dommage, il doit en revanche, pour justifier qu'il a été effectivement dérogé aux dispositions de l'article L. 123-1 du code rural et de la pêche maritime, démontrer que les conditions d'exploitation ont été globalement aggravées ;
10. Considérant qu'ainsi que la cour l'a estimé dans son arrêt n°14NT00574 lu le 1er octobre 2015, confirmant sur ce point l'appréciation des premiers juges, il ne résulte de l'instruction et notamment des éléments versés aux débats aucune aggravation globale des conditions d'exploitation relatives aux comptes n° 1502 et n° 368 de M. et MmeG... ; qu'il s'ensuit que les consortsG..., en leur qualité de propriétaires, qui n'établissent pas ainsi que le remembrement litigieux aurait dérogé aux dispositions de l'article L.123-1 du code rural et de la pêche maritime, ne peuvent prétendre à l'indemnisation à hauteur de 142 953 euros du préjudice invoqué sur le fondement de l'article L.123-26 de ce code ; qu'ils ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'.Orléans a rejeté les conclusions indemnitaires de la demande présentée par eux sur ce fondement, à raison des allongements de parcours invoqués ;
Sur le droit à réparation de l'EARLG...:
11. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que l'autoroute A19 a été ouverte le 16 juin 2009 et que l'Earl G...n'est devenue exploitante des parcelles en litige qu'à compter du 30 mai 2011, date de sa constitution ; qu'elle ne saurait, par suite, se prévaloir d'aucun préjudice propre lié aux travaux publics de construction de l'autoroute ;
12. Considérant, en second lieu, que les dispositions citées au point 8. de l'article
L.123-26 du code rural et de la pêche maritime, qui ne prévoient l'indemnisation que des seuls propriétaires, font obstacle à ce que l'Earl G...puisse, en sa qualité d'exploitante, obtenir le versement d'une indemnité qu'elle chiffre à 289 423 euros en réparation du préjudice qui résulterait des allongements de parcours impliqués par les opérations de remembrement ; que ses prétentions indemnitaires ne peuvent par suite, et en tout état de cause, qu'être rejetées ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'expertise sollicitée, que les consorts G...et l'Earl G...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans, qui ne s'est pas mépris sur le sens de leurs écritures, a rejeté leurs demandes indemnitaires ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Arcour, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement aux consorts G...et à l'Earl G...de la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de M. et Mme G...et de l'Earl G...une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Arcour et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, de faire droit à la demande présentée par le département du Loiret au titre des mêmes frais ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C...et Colette G...et de l'Earl G...est rejetée.
Article 2 : M. et Mme C...et Colette G...et l'Earl G...verseront solidairement une somme de 1 500 euros à la société Arcour au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par le département du Loiret sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...et ColetteG..., à l'EarlG..., à la société Arcour et au département du Loiret.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2015 à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Lemoine, premier conseiller,
Lu en audience publique le 3 décembre 2015.
Le rapporteur,
O. COIFFET
Le président,
I. PERROT
Le greffier,
A. MAUGENDRE
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT02125