Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme E...ont demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008.
Par un jugement n° 1301927 du 1er juillet 2014, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 septembre 2014, M. et MmeE..., représentés par MeD..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 1er juillet 2014 ;
2°) de prononcer la décharge des suppléments d'imposition contestés ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros hors taxe au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;
- l'entretien du 12 novembre 2009 constitue une prise de position formelle au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;
- l'administration, qui supporte la charge de la preuve de l'absence de conception de produits nouveaux, n'a pas suffisamment précisé les ouvrages réalisés par d'autres entreprises attestant du fait que les produits de la société à responsabilité limitée (SARL) E...Frères ne seraient pas nouveaux pour leur permettre de contester ces termes de comparaison ;
- les premiers juges ont inversé la charge de la preuve ;
- l'activité de la société remplit les conditions requises pour bénéficier du crédit d'impôt applicable aux métiers d'art ;
- ils sont victimes d'une inégalité de traitement par rapport à des contribuables placés dans la même situation de fait ou de droit pour lesquels l'administration a admis le bénéfice du crédit d'impôt.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Aubert,
- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public.
1. Considérant que la société à responsabilité limitée (SARL) E...Frères, qui exerce une activité artisanale dans le secteur du bâtiment et réalise notamment des travaux de menuiserie, de maçonnerie et de couverture, était soumise, en 2007 et en 2008, au régime des sociétés de personnes ; que M. B...E..., M. A...E...et M. C... E...détiennent respectivement 43,20%, 41,45 % et 15,35 % de ses parts ; que le service ayant remis en cause, à hauteur de 28 773 euros en 2007 et de 30 101 euros en 2008, le crédit d'impôt en faveur des métiers d'art utilisé par la société, les redressements correspondants, calculés au prorata de leurs parts, leur ont été notifiés, en matière d'impôt sur le revenu, au titre des années 2007 et 2008 ; que M. et Mme C...E...relèvent appel du jugement du 1er juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à la décharge des suppléments d'imposition, résultant de ce redressement, auxquels ils ont assujettis ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) " ; que, contrairement à ce que soutiennent M. et MmeE..., le vérificateur ne s'est pas fondé sur les produits réalisés par " les autres entreprises de menuiserie, maçonnerie ou couverture intervenant dans le même secteur géographique " qu'elle pour apprécier les caractéristiques des ouvrages au titre desquels la SARL E...Frères a utilisé le crédit d'impôt en faveur des métiers d'art mais sur les photographies de ces ouvrages qu'elle a produites ; qu'il suit de là qu'il ne peut lui être reproché d'avoir mis en oeuvre des termes de comparaison extérieurs à la société insuffisamment précis pour leur permettre de présenter utilement des observations ; que le moyen tiré du défaut de motivation de la proposition de rectification doit, dès lors, être écarté ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 244 quater O du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " I. - Les entreprises mentionnées au III (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal à 10 % de la somme : 1° Des salaires et charges sociales afférents aux salariés directement chargés de la conception de nouveaux produits dans un des secteurs ou métiers mentionnés au III et aux ingénieurs et techniciens de production chargés de la réalisation de prototypes ou d'échantillons non vendus ; 2° Des dotations aux amortissements des immobilisations créées ou acquises à l'état neuf qui sont directement affectées à la conception des nouveaux produits mentionnés au 1° et à la réalisation de prototypes ; (...) 5° Des autres dépenses de fonctionnement exposées à raison des opérations de conception de nouveaux produits et de la réalisation de prototypes ; ces dépenses sont fixées forfaitairement à 75 % des dépenses de personnel mentionnées au 1° (...) " ; qu'aux termes de l'article 49 septies ZL de l'annexe III au même code : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts, les opérations de conception de nouveaux produits s'entendent des travaux portant sur la mise au point de produits ou gamme de produits qui, par leur apparence caractérisée en particulier par leurs lignes, contours, couleurs, matériaux, forme, texture, ou par leur fonctionnalité, se distinguent des objets industriels ou artisanaux existants ou des séries ou collections précédentes. " ;
4. Considérant qu'il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au terme de son instruction et compte tenu des différents éléments produits par les parties, si le contribuable remplit les conditions pour bénéficier du crédit d'impôt prévu par les dispositions précitées de l'article 244 quater O du code général des impôts ; qu'il suit de là qu'en se fondant sur l'instruction et, notamment, sur les photographies produites par M. et MmeE..., pour apprécier les caractéristiques des produits que la SARL E...Frères fabrique sans imposer à l'administration de démontrer que ces produits n'entrent pas dans le champ d'application des dispositions précitées du code général des impôts, les premiers juges n'ont pas inversé la charge de la preuve ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les escaliers, mezzanines, fenêtres, charpentes et toitures ainsi réalisés constituent de nouveaux produits se distinguant des objets industriels ou artisanaux existants ou de séries ou collections précédentes, au sens des dispositions de l'article 49 septies ZL de l'annexe III au code général des impôts ; que, dans ces conditions, ils n'ouvrent pas droit au bénéfice du crédit d'impôt prévu par l'article 244 quater O du même code alors même que chacun d'eux est fabriqué sur mesure en un seul exemplaire et qu'ils ne comportent pas d'éléments préfabriqués ;
5. Considérant qu'ayant été imposés conformément à la loi fiscale, M. et Mme E...ne se prévalent pas utilement de la circonstance, au demeurant non établie, que d'autres contribuables se trouvant dans la même situation de fait et de droit qu'eux auraient bénéficié du crédit d'impôt dont l'application leur a été refusée à hauteur de 28 773 euros en 2007 et de 30 101 euros en 2008 ;
6. Considérant que les éléments invoqués par les requérants n'établissent pas que, lors d'un entretien qui a lieu le 12 novembre 2009, dans les locaux de l'administration, entre leur avocat et une inspectrice des impôts, cette dernière aurait affirmé que les escaliers et les cuisines fabriqués par la SARL E...Frères résultaient de la conception de produits nouveaux ; que l'existence de tels propos est contestée en défense ; que, dès lors, ils ne constituent pas une prise de position formelle de l'administration sur une situation de fait au regard d'un texte fiscal au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. et Mme E...de la somme qu'ils demandent à ce titre ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...E...et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 novembre 2015.
Le rapporteur,
S. AubertLe président,
F. Bataille
Le greffier,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT02381 2
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